Maîtres en ingérence et jacobins puritains - France Catholique
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Pontificat de François - numéro spécial
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Maîtres en ingérence et jacobins puritains

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Le philosophe britannique Roger Scruton a récemment défini la confiance sociale, clé pour la stabilité de toute nation comme « le sentiment que nous sommes liés l’un à l’autre par une loyauté partagée, et qu’en cas d’urgence nous nous tenons l’un à côté de l’autre ». La confiance sociale vient d’un « langage partagé, de coutumes partagées, du respect instinctif de la loi, de procédures pour résoudre les litiges et les conflits, d’un esprit public et de la capacité des gens à changer leur propre gouvernement par un procédé qui est transparent pour tous. » La pire chose qui puisse arriver est le désespoir qui naît quand trop de gens ont le sentiment la confiance qui les unit a disparu. C’est en grande partie ce qui a conduit au Brexit ; c’est en grande partie ce qui aux Etats-Unis entraîne le mécontentement. Le pouvoir personnel s’évanouit ; le tissu social s’effiloche. Et nous voyons et craignons la prolifération de factions, chose dont James Madison avertit dans le N° 10 de ses Federalist Papers. L’image ci-dessous est celle de « Freedom of Speech » [« Liberté de parole] de Norman Rockwell tiré de ses séries Four Freedoms [« Quatre Libertés »], inspiré par le message de 1941 sur l’Etat de l’Union de Franklin Delano Roosevelt. Freedom_of_Speech_5_6_meta-768x979.jpg Ces libertés sont des libertés de parole et de religion et des libérations du besoin et de la peur. La « Prise de parole » de Rockwell montre un ouvrier, très Lincoln, intervenant lors d’un meeting dans une ville du Vermont. Les peintures illustraient des récits d’écrivains américains célèbres parus dans le Saturday Evening Post ; et par exemple, Booth Tarkington, dont le récit assez maladroit raconte la rencontre dans une auberge de montagne d’un jeune révolutionnaire italien et d’un artiste allemand plus jeune qui, sur un ton menaçant, évoquent tous deux leur dégoût partagé de la liberté. Quand l’Italien s’en va, l’Allemand demande son nom à l’aubergiste. L’homme hausse les épaules : il a entendu d’autres gens l’appeler « Benito », et il ajoute : « Vous pourriez le retrouver ici, Monsieur Hitler. » « Liberté de parole » montre une démocratie participative idéalisée mais familière, parce qu’elle fonctionnait effectivement dans la plupart des communautés américaines au moins jusqu’en 1950. Le professeur Scruton voit la situation de la Grande-Bretagne dans l’Union européenne comme un affront à la loi commune qui « n’est pas imposée d’en haut mais puisée en bas, par des juges dont le but est de rendre la justice dans les cas individuels, plutôt que de réformer la conduite de l’humanité… Les droits imaginés dans les Cours européennes, par des juges qui ne subissent pas les conséquences de ce qu’ils imposent, sont des expériences d’ingénierie sociale … dont la manifestation la plus évidente apparaît dans ces dispositions qui ont imposé les mœurs de l’élite à un reste de croyants chrétiens peu disposé à les accepter » L’opinion de Scruton, qui ressemble à plus d’un titre à la description que fait Friedrich Hayek de l’ordre spontané, est excellente en soi, bien que le concept chrétien de subsidiarité soit supérieur, et effectivement plus proche des idées «  dans l’air », dans la phrase de Thomas Jefferson, à l’époque de la fondation de l’Amérique. Notre nation est la « seule nation dans le monde », comme dit G.K.Chesterton, « fondée sur un credo. » Nous commençons avec ce credo et non avec des hiérarchies de fortune ou de classe : « une nation », écrit G.K.C., « avec l’âme d’une église ». Presque un siècle avant que Chesterton ne visite l’Amérique, Alexis de Tocqueville examinant l’intersection du catholicisme et de l’américanisme, trouvait des raisons de s’inquiéter et des raisons d’espérer. C’était le sentiment de Tocqueville que chez tous les chrétiens la foi était en déclin, mais que les gens, « dès qu’ils ont une religion, ils rencontrent aussitôt en eux-mêmes un instinct caché qui les pousse à leur insu vers le catholicisme […] ils éprouvent une admiration secrète pour son gouvernement, et sa grande unité les attire. Si le catholicisme parvenait enfin à se soustraire aux haines politiques qu’il a fait naître, je ne doute point que ce même esprit du siècle, qui lui semble si contraire, lui devînt très favorable, et qu’il ne fît tout à coup de grandes conquêtes. » Tout prescient qu’il était, Tocqueville ne pouvait prévoir ni l’émergence, dans son propre siècle un peu plus tard, de la doctrine de la subsidiarité ni jusqu’à quel point, un siècle après, l’Eglise adopterait une vue « progressiste » de la justice sociale et ferait cause commune avec le gouvernement, ses élites… et ses animosités politiques. Aucune de ces sommités n’aurait pu imaginer que les factions s’empareraient de deux des pouvoirs séparés de l’Amérique ou que les plus jeunes citoyens de la nation, encouragés par l’exécutif et le judiciaire, verraient les traditions, morale et légale, considérées comme ennemies de la justice, devenir maintenant un simple synonyme d’égalité. Ce que Scruton conclut sur ses compatriotes peur aussi s’appliquer aux nôtres : La loi, pour le Britannique, est la propriété du citoyen individuel, et non de l’Etat : c’est ce qui nous protège de l’intrusion, sauvegarde nos excentricités, et se moque des maniaques de l’ingérence et des puritains pour lesquels la conformité aux codes officiels est plus importante que la liberté » du citoyen de les ignorer. Pie XI définissait ainsi la subsidiarité : » une communauté d’un ordre plus élevé ne devrait pas interférer dans la vie interne d’une communauté d’un ordre moins élevé, en la privant de ses fonctions, mais plutôt devrait la soutenir en cas de besoin et l’aider à coordonner ses activités avec les activités du reste de la société, en ayant toujours en vue le bien commun. » En 1790 Edmund Burke fait une analyse similaire des premiers Jacobins – tous Judas – notant ce qu’il appelait « le dédain libertin d’une dignité que les élites partagent avec les autres », tandis que aimer le petit groupe auquel nous appartenons dans la société, est le premier principe (le germe) des affections publiques. C’est le premier maillon d’un ensemble qui nous fait progresser vers un amour de notre pays, et de l’humanité… Seuls des traîtres consentiraient à le vendre pour leur intérêt personnel. La perte intuitive de ce premier maillon explique le mécontentement qui apparaît si bien cette année. Nos partis politiques ne s’en occupent guère, bien qu’ils s’en flattent, et l’Amérique semble de plus en plus une nation avec l’âme d’’un « publi-reportage», notre patrimoine vendu pour l’équivalent politique de trente pièces d’argent. 16 août 2016 Source : https://www.thecatholicthing.org/2016/08/29/meddling-and-puritanical-jacobins/ Norman Rockwell.