Libéraux, conservateurs, et une nouvelle orthodoxie ? - France Catholique
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Libéraux, conservateurs, et une nouvelle orthodoxie ?

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Le retrait de Benoît XVI et les spéculations sur son successeur potentiel ont fait réapparaître dans la grande presse les vieilles catégories au sein du catholicisme, clergé comme laïcs — libéraux, progressistes et conservateurs.

Mais les médias ont raté un aspect essentiel: alors qu’il y a certes des points de vue divers au sein de l’Église (ce qui a toujours eu lieu, et lui assure une bonne santé pourvu que les points de vue soient conformes à la foi), ces étiquettes telles qu’employées au cours des dernières décennies, ne correspondent plus à la situation actuelle de l’Église.

Les termes « libéral » ou « progressiste » désignaient au cours des années suivant Vatican II les catholiques qui souhaitaient que la Barque de Saint Pierre navigue au gré des vents de la modernité séculière. Les « libéraux » avaient essentiellement deux objectifs : le pouvoir — un pouvoir papal amoindri et une Église plus démocratique sous contrôle laïc — et le sexe : contrôle des naissances et ordination des femmes, ainsi que l’abolition du célibat des prêtres. À l’opposé, les « conservateurs » défendaient l’enseignement traditionnel de l’Église face aux vociférations réclamant le changement.

Après trente-cinq années sous Jean-Paul II et Benoît XVI le courant « libéral » s’est éteint. Aucun de ses objectifs politiques n’a été atteint. Certes, on rencontre encore des « libéraux », leur influence est encore sensible dans certains conseils paroissiaux, certaines chorales, certains établissements scolaires ou programmes d’enseignement au travers du pays. Mais, comme nous l’a appris le Seigneur, on juge un arbre à ses fruits, et le fruit du catholicisme « libéral » est médiocre : séminaires vides, églises dépeuplées, écoles fermées. De plus, le ton fulminant de certaines publications « libérales » n’est pas de nature à inspirer la sainteté ou l’humilité.

La plupart des clercs « libéraux » a pris de l’âge, et il y a bien peu de jeunes disposés à endosser leur chasuble. Hans Küng, porte-drapeau « libéral », maintenant âgé de 84 ans, s’entête à clamer les mêmes revendications. Il n’a pas remarqué que l’Église a progressé de son côté.

Sous Jean-Paul II et Benoît XVI les catholiques conservateurs, laïcs et clercs, ont assumé des rôles plus importants au sein de l’Église, mais certainement pas selon les vieux stéréotypes d’une prise de pouvoir. Usant une dernière fois du vieux vocabulaire politique, disons qu’on peut distinguer des nuances dans le conservatisme catholique.

Dans le paysage ecclésial actuel se trouvent des catholiques soutenant loyalement et fermement l’Église contre les revendications immorales de l’Occident séculier: ils s’opposent vigoureusement à l’avortement, au « mariage gay », et aux attaques des gouvernements contre la liberté religieuse. Ils sont attachés à l’enseignement de Vatican II tel qu’exprimé par les Pères conciliaires, mais pas à l’esprit « libéral » que Benoît XVI dénonçait sous le surnom de « Concile des médias ». Leur référence est le Catéchisme de l’Église Catholique, outil de travail pour développer la Nouvelle Évangélisation.

Disons que c’est une « nouvelle orthodoxie », attitude de bien des catholiques quadra- ou quinquagénaires, adoptée par un nombre croissant d’évêques américains ainsi que beaucoup de cardinaux électeurs au prochain conclave. Être orthodoxe, c’est tenir pour vrai l’enseignement de la foi, et cette catégorie s’y attache avec conviction.

Cependant il y a une lacune dans cette « nouvelle orthodoxie ». « Orthodoxie » signifie « culte conforme à la règle »; mais pratiquer le culte selon Vatican II — une liturgie solennelle où le célébrant et les fidèles s’unissent pour glorifier le Seigneur — n’est pas le souci majeur des catholiques de cette catégorie. Ils penchent plutôt pour centrer la célébration sur les fidèles, caractéristique principale du Novus Ordo. Et en même temps ils sont indifférents, sinon hostiles, à la beauté liturgique cadrée par Benoît XVI et à la messe traditionnelle en latin.

Une seconde catégorie dans le camp conservateur, généralement plus jeune, a les mêmes ambitions que les « nouveaux orthodoxes », mais considère que la liturgie est l’axe essentiel de l’orthodoxie. Ils adhèrent de tout cœur à la maxime « lex orandi, lex credenti » — la prière et la façon de la dire jouent un rôle direct sur ce qu’on croit, et comment on croit. Pour ces catholiques le pontificat de Benoît XVI axé sur la liturgie a rendu à l’Église une immense espérance et une grande énergie. Donnons à cette catégorie le nom de « Benoîtins ».1

On peut raisonnablement espérer que nouveaux orthodoxes et « benoîtins » travailleront ensemble au bien de l’Église. Mais, comme c’est souvent le cas avec le Peuple de Dieu — une communauté, après tout, constituée de pécheurs en quête de sainteté — les deux camps peuvent se heurter en matière ecclésiale, particulièrement sur la liturgie. Et cette tension pourrait bien être une pierre d’achoppement au conclave qui élira le successeur de Benoît XVI. Ceux qui s’imaginent que les nombreux cardinaux créés par Benoît XVI partagent ses idées sur la liturgie n’ont pas bien fait attention.

Les désignations ne sont guère que des outils nous aidant à comprendre le monde à travers les classements et associations. Une nouvelle époque voit le jour dans l’Église, l’époque précédente s’éteint. Il est temps de mettre à jour notre vocabulaire pour rendre compte de cette réalité. Car c’est parmi les « Nouveaux Orthodoxes » et les « Benoîtins » que sera choisi notre prochain pape.

Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2013/liberals-conservatives-and-the-new-orthodoxy.html

  1. NDT: j’ai préféré créer ce néologisme (barbarisme ?) le terme « Benedictines » de l’original exposant, en Français, à une confusion avec l’ordre de Saint Benoît.