Les valeurs du Royaume ? - France Catholique
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Pontificat de François - numéro spécial
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Les valeurs du Royaume ?

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« Le moralisme politique, tel que nous l’avons vécu et le vivons encore, n’ouvre pas le chemin vers la régénération, et même… le bloque. C’est aussi vrai, par conséquent, pour une christianité et une théologie qui réduisent le cœur du message de Jésus, le ‘Royaume de Dieu’, aux ‘valeurs du royaume,’ identifiant ces valeurs avec les grands mots-clefs du moralisme politique, et proclamant en même temps, qu’elles sont comme une synthèse des religions. »

Dans un article précédent, j’ai fait remarquer quelques-unes des qualités du discours de Joseph Ratzinger en 2005 dont ce passage a été tiré. Mais tant d’autres choses sont impliquées dans cet aperçu historique. Il est historique parce qu’il met en relief la qualité du temps dans lequel nous vivons et il le fait tandis que nous le vivons encore ; il n’attend pas pour devenir évident que nous regardions en arrière après, disons, cinquante ans. Je crois qu’il a capturé l’essence de notre époque.

Notre époque est aussi une période de transition après les certitudes des années 50. Qui sait combien de temps elle durera ? La transition actuelle est semblable à ce qui est arrivé à l’Eglise sous Napoléon. La plus grande partie de l’Eglise faisait ce qu’il voulait De même en Chine en ce moment, le parti communiste veut que l’Eglise obéisse en tout.

Naturellement, cela ressemble à ce qui arrive à l’Eglise aux Etats-Unis où plus de la moitié des membres de l’Eglise mettent les enseignements du parti avant les enseignements de l’Eglise. Bien que ces tendances soient odieuses, il reste à explorer quelques-unes des autres implications.

Dans le Royaume, la vérité est vitale. Souvenez-vous : « Quiconque enfreint le moindre de ces commandements et enseigne aux autres à le faire sera appelé le plus petit dans le royaume des cieux. Mais quiconque obéit à ces commandements et les enseigne sera appelé le plus grand dans le royaume des cieux. »

Pourtant dans son homélie du jeudi saint, le Pape Benoît a dû s’informer au sujet de prêtres autrichiens qui proposaient un mouvement de désobéissance : « La désobéissance est-elle un moyen de renouveler l’Eglise ?… Sentons-nous ici quelque chose de cette configuration au Christ qui est la condition requise de toute vraie rénovation, ou sentons-nous seulement un besoin désespéré de changer l’Eglise selon nos propres préférences et nos idées ? »

Comme s’opposer à l’autorité (les divers mouvements d’ « Occupy » 1 viennent à l’esprit) est devenu le signe que l’on « s’affirme » dans la société séculière, cela devait apparemment devenir – pour quelques-uns – la preuve que l’on s’affirme dans l’Eglise. Les valeurs du royaume séculier sont sensées devenir les valeurs du Royaume sacré, et non le contraire.

Si nous poursuivons un peu cette idée, il semble que pour ceux qui ont été formés par le laïcisme tout ce qui se trouve en dehors de notre situation, comme la révélation et ce que l’on peut tirer de la révélation, doit être caché ou nié complètement. Cette manière de penser a commencé avec Spinoza et pendant le radical siècle des lumières, Voltaire lui-même conseillait à l’homme de figurer les choses tout simplement avec sa propre raison (une forme très tronquée de raison) dans une sorte de « réformisme déiste renversé » (Jonathan Israël).

Mais évidemment, en même temps, Voltaire prédisait une élite résiduelle parce que « la lumière n’est pas pour la majorité des gens ». L’élite avait remplacé la révélation. En termes contemporains, l’élite identifie les valeurs du royaume qu’elle juge convenir au peuple.

Maintenant, pour en revenir à la désobéissance elle-même : le mot « obéissance » vient de « aller à la rencontre ». Ceci implique une décision existentielle – on va rencontrer le Christ et Le suivre. D’où le pape a posé une question, pendant la même homélie du jeudi saint, qui était naturellement adressée au clergé :

Etes-vous déterminés à être plus unis au Seigneur Jésus et plus étroitement soumis à Lui, renonçant à vous-mêmes et confirmant ces promesses de remplir les devoirs sacrés envers l’Eglise du Christ qu’animés par votre amour pour Lui, vous avez promis d’observer volontiers et avec joie le jour de votre ordination comme prêtres ?

L’Eglise n’offre que la vérité du Christ, alors pourquoi s’y opposer ? Comme signe de quoi ? Comme signe de la supériorité de la culture laïque peut-être ? Quel était le but ultime de Voltaire quand il travaillait contre le rôle de la religion dans la société (au moins parmi l’élite) ?

D’autre valeurs laïques se sont aussi introduites dans le royaume émergeant : « L’Eglise, ou, autrement dit, le royaume du Christ maintenant présent dans le mystère. » (Vatican II L’obéissance est en train d’être remplacée par une sorte d’assertion de soi séculière. Le sacrifice est en train d’être remplacé par son équivalent séculier, la commodité. La pauvreté de l’évangile est remplacée par l’idée séculière de devenir membre de la classe moyenne.

Si cela s’appelle suivre le Christ, alors n’importe quelle coupe peut être passée, ma volonté sera faite, et le Fils de l’Homme aura une place confortable où poser sa tête ! Alors aussi, la présence publique de l’Eglise devient de plus en plus une bouillie d’idées venant de la culture, d’une certaine manière toujours couronnée d’encens et de phrases pieuses. Mais nous – l’élite éclairée – savons où les vraies valeurs reposent, poussent, poussent.

« Il n’est pas question de prêcher des paroles de consolation, mais plutôt des paroles qui dérangent, qui appellent à la conversion et qui ouvrent le chemin vers une rencontre avec celui par lequel fleurit une nouvelle humanité. »

C’est l’idée de Benoît XVI – une idée tout-à-fait radicale – de ce que veut réellement dire  se déclarer pour ce qui est vrai et juste.


Bevil Bramwell, prêtre chez les Oblats de Marie Immaculée, enseigne la théologie à l’université catholique Distance. Il a un Ph.D (doctorat) de l’université de Boston et travaille dans le domaine de l’ecclésiologie.

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Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2012/kingdom-values.html

  1. Le mouvement « Occupy » est international et proteste contre les inégalités sociales et économiques.