L’une de mes connaissances est sur le point de quitter une école de médecine. Elle s’inquiète de l’Obamacare — et du remboursement de ses emprunts. Elle a pris une assurance spéciale pour le cas où quelque chose lui arriverait dans les prochaine années, avant qu’elle ne commence à gagner les centaines de milliers de dollars qu’elle doit rembourser. Malgré tout, elle est désireuse de développer ses talents et de devenir un instrument de guérison.
Elle est moins attentive cependant au champ de mines idéologique qu’elle devra traverser, probablement sans guère de formation ni de soutien, si elle est à même de reconnaître les attaques contre la vie humaine dénaturant les professions médicales et émanant de ce milieu même. Une revue de presse des questions abordées dans les principales revues médicales fournit un exemple de ce contre quoi elle devra lutter.
Les éditions du 11 et du 12 juillet des respectables Lancet, New England Journal of Medicine et British Medical Journal publient tous (pas exclusivement heureusement) des articles favorables à l’extension du permis de tuer les personnes en fin de vie.
L’étude du Lancet a évalué l’évolution des pratiques d’euthanasie médicalement assistée aux Pays-Bas depuis 1990 en vue de juger l’impact de sa légalisation en 2002. Elle applaudit ce qu’elle nomme la transparence de cette évolution et établit qu’à présent « la fréquence des euthanasies est comparable à ce qu’elle était dans la période précédant l’instauration de la loi. » En résumé : rien qui nécessite de s’inquiéter. C’était le point à retenir que les médias ont complaisamment relayé.
Les informations elles-mêmes mènent à une autre conclusion. Parmi d’autres tendances troublantes, le nombre de morts par euthanasie est de 67% plus élevé en 2010 qu’il n’était en 2005 ; la sous-déclaration est aussi un problème puisque seulement 77% des euthanasies sont classées comme telles.
L’observateur chevronné Wesley Smith note que les propres données de l’étude révèlent que les médecins déclenchent à l’heure actuelle 14% des décès aux Pays-Bas.Un tel niveau est atteint parce qu’il faut inclure la pratique dénommée « sédation terminale », qui est sur le fond de même nature qu’une euthanasie : les patients sont mis en coma jusqu’à ce qu’ils décèdent de faim et de déshydratation – non des conséquences de leur maladie ou de leur état.
Dans Evangelium Vitae, Jean-Paul II dénonce la réelle tendance « à déguiser certains crimes contre la vie… en utilisant des termes médicaux inoffensifs qui détournent l’attention du fait que ce qui est en jeu est le droit à la vie d’une personne humaine. » Ceux qui bafouent le sens moral à propos de pratiques contraires à l’éthique sur la fin de vie éprouvent le besoin de recourir à des faux-fuyants.
Mais une fois le prémisse accepté — à savoir que le médecin peut à juste titre prendre la vie — le masque devient de moins en moins impérieux — comme le montre l’avènement d’unités mobiles d’euthanasie. Il y a des « besoins non-satisfaits » dans le domaine de l’euthanasie, voyez-vous, alors au début de cette année, les Pays-Bas ont commencé à outiller des équipes qui prennent la route pour remédier à ce besoin. Quelle prévenance. Le défenseur de la prévention de l’euthanasie Alex Schadeburg rapporte que ces unités planifient « d’atteindre » 1 000 personnes par an.
« Redéfinir le rôle du médecin dans la mort assistée » : telle est la proposition du New England Journal of Medicine. Elle est nommée « perspective ». Mais c’est justement ce dont elle manque : une perspective humaine à tous niveaux. Par là, je veux dire une perspective à peu près cohérente, avec des codes fondamentalement universels d’éthique médicale (dont beaucoup partagés par des cultures non-chrétiennes), millénaires, qui n’approuvent pas que les médecins prenne la vie de leurs patients.
Selon les auteurs, nombre d’objections pragmatiques à la pratique de la mort assistée n’ont pas été retenues. Il est donc temps de dépasser les scrupules non-fondés qui persistent encore. Ils rejettent la plus fondamentale objection – qu’autoriser la mort assistée mine l’inviolablilité de la vie – en écrivant :
C’est une question morale subjective, communément formulée sous les termes de respect absolu de la vie opposé au respect de l’autonomie individuelle — un clivage souvent établi sur des bases religieuses.
Ce n’est rien de tel. Il n’y a guère, la plupart des gens auraient admis qu’il est objectivement mal de supprimer une vie humaine tout comme, je le soupçonne, ils auraient instinctivement répugné à la pensée d’unités mobiles d’euthanasie.
La façon dont les auteurs prétendent que le problème est formulé est aussi une description erronée et imprécise. De nos jours, cela échappe souvent à ceux qui font des études supérieures. Cela nécessite une solide éducation « à l’ancienne » ou un enseignement bien conduit pour repérer cette erreur — réaffecter des sujets du domaine de la vérité morale objective dans le domaine de la subjectivité — responsable d’une grande part de notre décadence culturelle.
Puisque il n’y a « pas de réponse claire et objective » selon les auteurs, toutes les préférences doivent être respectées. Ils pointent cependant un obstacle de taille à une plus large réalisation d’une politique d’euthanasie éclairée : la plupart des médecins ne sont pas chauds pour tuer leurs patients. Leur solution ? Mettre les médecins à l’écart de l’euthanasie. Etablir « un organisme central ou une entité fédérale » (ouarf!) — avec des garanties appropriées, bien évidemment — grâce auquel les patients pourraient mettre fin à leurs jours sans devoir compter sur les médecins pour leur apporter une aide.
Un professionnel de l’éthique, écrivant dans le British Medical Journal, pose des bases similaires. Il souligne sans ambages que « la loi britannique est allée trop loin dans le respect de la vie », elle porte atteinte aux souhaits subjectifs de certains partis et plombe les finances.
Les futurs médecins qui soupçonneraient que les revues qu’ils ont été conditionnés à considérer comme faisant autorité ne sont pas dépositaires de la sagesse sur ces questions peuvent réfléchir à la pertinence de ces mots d’Hilaire Belloc :
Nous nous tenons là et regardons le Barbare, nous tolérons sa présence, dans les longues périodes de paix nous n’avons pas peur. Nous sommes titillés par son irrévérence, nous trouvons rafraîchissante sa comique inversion de nos vieilles certitudes et de nos croyances bien arrêtées, nous rions. Mais alors que nous rions, de plus loin nous sommes regardés par de larges et affreux visages où il n’y a pas l’ombre d’un sourire.
Nous avons besoin qu’ils voient ces visages fermés chaque fois qu’on les poussera à penser que les différentes façons de supprimer la vie sont les plus nobles applications de la science médicale.
Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2012/medical-journals-a-the-culture-of-death.html