Les narcisses politiques : dépourvus d’armature morale - France Catholique
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Les narcisses politiques : dépourvus d’armature morale

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Les scandales qui viennent de Washington semblent sans fin. Presque tous les jours il y a de nouvelles révélations concernant des agents du fisc qui ont persécuté des groupes conservateurs et religieux, des tentatives pour étouffer des affaires comme celle du consulat de Benghazi, et des écoutes téléphoniques du département de la Justice sur les familles de journalistes.

Avez-vous remarqué que les réponses officielles à ces évènements sont toujours les mêmes ? La première réaction est de plaider l’ignorance. Le président Obama et nombre de ses collaborateurs ne sont jamais avertis d’un éventuel problème. Ils sont toujours dans le noir, et apprennent qu’il y a eu de mauvaises conduites par les journaux !

Cette excuse est très difficile à croire. Au milieu des années 1990, alors que je dirigeais les autorités portuaires de New York et du New Jersey (ce qui comprenait 35 installations différentes , et 9 000 employés), j’ai fait clairement comprendre à l’Inspecteur général et aux cadres supérieurs que si un problème couvait, ou si de mauvaises nouvelles se profilaient à l’horizon, je voulais en être informé. Si j’apprenais un mauvais comportement d’un employé par les médias, les têtes roulaient dans l’agence !

La deuxième réponse a été de réduire des révélations de première importance à rien de plus qu’un comportement « inapproprié ». Pas « choquant », ni « criminel », ni « vicieux », ni « honteux x », ni « impardonnable », ni , à Dieu ne plaise, conduite « immorale ».

En tant que New-Yorkais, je suis habitué aux fréquentes révélations sur le gouvernement et la politique. Ces dernières années, au seul niveau de l’État, plus de 30 personnes officiellement élues ont été convaincues de crime, ou ont été inculpées ou blâmées, ou chassées de leur poste. (Cinq le mois dernier)

La semaine dernière par exemple, le député Vito Lopez, homme depuis longtemps influent, a dû démissionner – avant d’en être chassé – de la législature de l’État après la divulgation d’un rapport spécial d’investigation accablant qui concluait que Lopez, pendant des années, avait harcelé sexuellement de façon « inappropriée » les femmes qui faisaient un stage dans son service.

Disgracié, Lopez n’a pas présenté d’excuses, ni disparu dans l’anonymat parce qu’il était honteux de sa conduite. Au contraire, il a annoncé qu’il allait briguer un siège au conseil municipal de New York à l’automne prochain.

Et puis, il y a le cas du membre du congrès Anthony Weiner, dans la circonscription où j’ai habité pendant de nombreuses années.

Weiner a envoyé par internet des photos impudiques de lui-même à de jeunes inconnues, et quand l’affaire a été rendue publique, il a tout nié, et accusé un hacker. Quand les tabloïds ont prouvé le contraire, Weiner a craché le morceau, et reconnu avoir eu une conduite « inappropriée ». Il n’a accepté de démissionner de son siège que lorsque Nancy Pelosi et d’autres poids lourds du Congrès ont insisté pour qu’il le fasse.

Deux ans en accéléré, et voilà Weiner qui, convaincu que sa conduite dégradante est de l’histoire ancienne, se présente pour devenir maire de New York.

Qu’est-ce qui fait que ces politiciens et bien d’autres, au comportement bas, se croient indispensables et que rien de ce qu’ils feront jamais ne pourra se retourner contre eux à la longue ?

D’abord et avant tout, ils sont narcissiques. Ils ont une vision grandiose de leurs propres talents, un intérêt excessif pour eux-mêmes, un violent désir d’attention de d’admiration, et sont convaincus de leur supériorité.

Un jour, le philosophe social Christophe Lasch a observé que ce genre de personnage dépend des autres pour « valider son estime de soi. Il ne peut pas vivre sans un auditoire d’admirateurs… Pour le narcissique, le monde est un miroir, alors que, individualiste farouche, il le voit comme une étendue sauvage et vide à laquelle il pourrait donner la forme qu’il voudrait. » Le succès pour ces narcissiques « consiste en rien de plus substantiel que le souhait d’être largement admiré ; non pas pour ses réussites, mais simplement pour lui-même, sans critique ni réserve. »

Dans un article de 9000 mots publié dans le numéro du 10 avril 2011 du New York Time magazine, Weiner déclarait qu’il était une « victime » de sa personnalité narcissique parce qu’il avait besoin d’attention 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. « Bon d’accord, dit-il au Times,  maintenant, à 2 heures du matin, je peux rentrer chez moi après avoir joué au hockey et je peux trouver quelqu’un qui dise (sur Twitter ou Facebook) « Oh, c’était super »…Et voilà, cela arrive alors que je n’essaye pas d’intéresser les gens au fait que je suis un homme politique. Ou parfois cela a commencé à propos de politique, et alors, « Toi, tu es quelqu’un », « Oh, merci, toi aussi tu es grand », « Je te trouve beau », « Oh c’est super »… pour moi, c’est juste une autre manière des sentir que j’ai envie d’être aimé et admiré. »

De tels hommes politiques croient aussi qu’on ne devrait pas les juger sur leurs méfaits privés, mais sur leurs grandes actions auto proclamées. En d’autres termes, ils souscrivent à l’école éthique de Bill Clinton, selon laquelle la moralité n’a pas d’importance.

Pendant des siècles, la moralité – « l’épanouissement du potentiel humain à l’excellence » comme le dit la vieille formule scolastique – était considérée comme le prérequis pour quiconque s’intéressait au service public. Platon, Aristote, Thomas d’Aquin, les humanistes de la renaissance, et les pères fondateurs américains ont tous été d’accord pour dire que la moralité était importante ; qu’il était essentiel pour les agents officiels de service public de cultiver les vertus morales de justice, courage, honnêteté, patience et tempérance. Pour eux, un chef de bonne moralité est quelqu’un qui est capable de garder sous contrôle ses appétits, que ce soit dans la vie publique ou dans la vie privée.

Que ce soit à Washington ou à New York, la principale raison pour laquelle tant d’actes immoraux ou dégradants sont simplement classés comme  « inappropriés », c’est que beaucoup trop de personnages publics sont pragmatiques jusqu’à en être immoraux. Leur seul standard est l’opportunité politique. Il leur manque une armature morale, un point de référence, dans leur poursuite de pouvoir politique et dans leur indulgence envers eux-mêmes.

Parlant de quelque chose « d’inapproprié », tôt ou tard, nous aurons à décider de ce qui est « approprié ». Et ce n’est pas quelque chose qu’on peut laisser faire à l’intérêt personnel de personnages publics ou à la superficialité des médias.

Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2013/political-narcissists-lacking-a-moral-center.html

Photo : Cet Antony Weiner « que le monde entier attend »…