« Les États-Unis et la Chine grands gagnants » - France Catholique
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Pontificat de François - numéro spécial
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« Les États-Unis et la Chine grands gagnants »

Un an après le début de l’offensive russe, où en est le conflit en Ukraine ? Entretien avec Frédéric Pons, grand reporter, professeur à l’ICES-Vendée, expert des questions militaires et géopolitiques.
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Crédits : Alim Yakubov / Adobestock

Après un an de guerre, quelle est la situation sur le terrain ?

Frédéric Pons : Les lignes se sont figées, malgré des escarmouches et des bombardements périodiques, sur le front et dans la profondeur de chaque dispositif. L’offensive russe a été globalement contenue mais les Russes tiennent les régions orientales de l’Ukraine, soit 18 % du territoire. C’est loin des objectifs initiaux, mais ce terrain conquis sera utilisé comme gage territorial dans le cadre des négociations futures.

Comment expliquer la résistance ukrainienne ?

Elle avait été préparée bien avant le 24 février 2022. Dès 2014, l’Ukraine a reçu d’énormes quantités de munitions – obus d’artillerie et petits calibres – des États-Unis, de la Grande-Bretagne et du Canada, qui ont équipé des unités d’élite en tenues de combat. Ces pays ont aussi conduit un gros effort de formation, notamment au profit des états-majors, des unités de renseignement et de transmissions. L’otanisation de l’armée ukrainienne explique son efficacité au début de la guerre et son adaptation actuelle aux armes occidentales. La qualité du renseignement fourni par les capteurs américains – satellites, drones – a été décisive, aujourd’hui encore. Cet appui majeur a empêché les Russes de gagner la guerre éclair planifiée. Au fil des mois, l’état-major ukrainien a aussi très bien su exploiter les erreurs tactiques incroyables de l’armée russe.

Quelles erreurs les Russes ont-ils faites ?

Ils ont concentré leur offensive initiale sur quelques routes principales, ce qui les a conduits à entasser leurs colonnes blindées et logistiques sur des axes faciles à repérer. Les unités de chars sont souvent restées trop regroupées. Très dense et trop lent, leur flux logistique a provoqué des engorgements meurtriers à certains points de passage obligés – ponts, carrefours. L’état-major russe a commis l’erreur classique de surestimer ses forces et de sous-estimer son ennemi. Ses renseignements étaient mauvais. Ils ont négligé la capacité d’observation et de frappe des Ukrainiens, très opérationnels dans l’utilisation des drones armés. Au début de la guerre, ils ont ainsi pu aligner et neutraliser des convois russes sur des kilomètres. Un vrai tir aux pigeons. Il reste un mystère : pourquoi les Russes n’ont-ils pas utilisé leur supériorité aérienne initiale pour détruire les ponts routiers et ferroviaires acheminant l’aide occidentale de Pologne ? Cette question est encore sans réponse. La population ukrainienne a fait preuve d’une étonnante résistance… Bien mieux que prévu, ce qui a surpris les Russes. Cette résilience morale a été une arme décisive pour conforter le rôle de Volodymyr Zelensky, figure de proue de cette résistance.

Les chars lourds et les matériels modernes livrés à l’Ukraine permettront-ils de reconquérir le terrain perdu ?

J’en doute, car il faut des délais significatifs pour déployer ces armes sur le terrain, former leurs servants et rendre l’ensemble opérationnel. Les Russes vont en profiter pour accentuer leur pression. Eux aussi ont appris de leurs erreurs. Ces armements modernes renforcent les capacités de résistance de l’Ukraine, mais sans lui permettre de regagner les territoires perdus. Sauf effondrement – improbable – de l’un ou l’autre belligérant, la guerre va continuer.

Retrouvez l’entretien complet et notre Grand Angle dans le magazine.