Les Droits Naturels - existent-ils ? - France Catholique
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Les Droits Naturels – existent-ils ?

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Des droits spécifiquement naturels peuvent-ils être revendiqués? Je les présente en face des droits légaux accordés par les autorités civiles, locales ou nationales — droit de vote, droit d’acheter des boissons alcoolisées [NDT: dans certains états aux USA la vente d’alcool est très réglementée], puis le droit d’avorter, de se marier entre « gays », et ainsi de suite. Je ne traiterai pas de tels droits « civils » mais de droits simplement détenus par des individus parce qu’ils sont des êtres humains. La « Nature » proprement dite ne semble pas en mesure d’accorder des droits — particulièrement si nous considérons la nature de l’homme comme l’aboutissement de l’évolution, depuis l’ère de la chasse/cueillette, suivie des compétitions entre groupes primitifs, etc… De la théorie de l’évolution on croirait seulement au droit du plus fort — pas au droit de survivre, alors que même les plus forts peuvent se voir défaits par une multitude de faibles. Situation précaire, sans doute bien décrite par Thomas Hobbes comme le « conflit de tous contre tous ». Déclarer que la théorie de la loi naturelle implique une vision fort élevée de la nature humaine serait un doux euphémisme. Et si nous croyons qu’existe un phénomène tel que la loi naturelle menant tous les humains, et guidant au mieux l’élaboration des lois civiles, alors les « droits naturels » semblent découler nécessairement de l’idée même de loi naturelle. Par exemple, selon la théorie de la loi naturelle de St. Thomas d’Aquin, qui établit trois « préceptes », nous découvrons les inévitables implications des droits naturels. – 1/ – Le précepte de précaution personnelle implique le droit de protéger sa propre existence, de se garder en bonne santé, de travailler selon ses propres possibilités pour gagner sa vie, et d’avoir suffisamment de bien pour survivre et avancer normalement dans l’existence. Et tous les humains ayant ce droit, notre devoir est de le respecter chez tous les autres, et de ne pas y porter atteinte intentionnellement sauf en cas de légitime défense ou pour aider à la défense d’autrui. – 2/ – Le précepte de multiplier le genre humain et de prendre soin de la progéniture implique aussi le droit d’avoir des enfants (ne confondons pas avec les « droits relatifs à la reproduction » propagés par la novlangue à la mode) [NDT: il s’agit aux USA du « droit à l’avortement, à la contraception. à la stérilisation »], et de les élever en prenant soin de leur santé et de leur formation. Il va naturellement de pair avec le devoir de respecter ce droit chez les autres — et de n’y mettre aucun obstacle (Exemples récents de stérilisations forcées en Californie et autres États [aux USA], politique de l’enfant unique en Chine). – 3/ – Le troisième — et plus important — précepte pour des êtres doués de raison est le devoir de quête de la vérité, devoir d’apprendre et de devenir instruit selon ses propres capacités et sa position sociale. Face à ce devoir, on trouve le droit d’accéder à tous les moyens et outils nécessaires pour apprendre; et, bien sûr, l’interdiction d’entraver les autres dans la recherche de la vérité, de répandre des idéologies ou des théories se substituant à la vérité. En pratique, le devoir de contribuer selon ses propres moyens à un environnement rationnel, sociétal et politique, implique le droit de participer aux activités locales et politiques et, de même, le devoir de ne pas empêcher les autres de s’y impliquer. Thomas d’Aquin n’a pas mis explicitement ces droits en valeur, mais, comme le montre Brian Tierney dans son livre « The Idea of Natural Rights » (La notion de droits naturels), le concept de droits individuels était implicite dans diverses interprétations du « Jus » latin (Loi, Justice, Droit) par les juristes romains bien avant l’époque de Thomas d’Aquin. Cependant la définition explicite des droits au sens proche du sens actuel est apparue, selon Tierney, au quatorzième siècle avec le spécialiste du Droit Canon Johannes Andreae, qui fit la distinction entre le « droit » issu de la loi ou de la coutume, et le « droit » propre à une personne en certain domaine privé. Le Jésuite sdholastique Francisco Suarez, dont la théorie de la loi naturelle repose sur Thomas d’Aquin, assimile la notion de « droits » à des possibilités propres aux individus. Les théoriciens protestants de la loi naturelle aux dix-septième et dix-huitième siècles ont développé ce que Thomas d’Aquin proposait comme troisième précepte de la Loi naturelle (Loi pour l’exercice approprié de nos moyens rationnels). Selon les théoriciens tels que Pufendorf, Cumberland, et Grotius, la Loi naturelle consistait à penser et agir raisonnablement, en accord avec les autres, et soutenir les droits sociaux et politiques issus de l’application de cette loi naturelle. Lors de la rédaction de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée Générale de l’ONU en 1948, après la seconde guerre mondiale, l’apport du néo-Thomiste Jacques Maritain eut une influence considérable, et la liste des trente droits énoncés dans la Déclaration rejoint exactement les droits tels qu’établis dans les trois préceptes de Thomas d’Aquin. Par exemple les droits des personnes à vivre en liberté et sécurité, sans torture, à la liberté de se déplacer, à la propriété, à des salaires équitables, à l’assistance en cas d’incapacité, etc…. se rattachent au premier précepte; le droit de se marier, de fonder une famille sans contrainte, d’élever ses enfants, relève du deuxième précepte, et le droit à une protection égale devant la loi, la présomption d’innocence jusqu’à la preuve de culpabilité, le droit à l’instruction, à l’intimité, à la liberté d’expression, le droit de vote, etc… se rattachent au troisième précepte. La quasi-unanimité pour l’adoption de la Déclaration peut bien en faire un argument de poids pour dire que ces droits sont en vérité des « droits naturels » propres à chacun, de toute nationalité ou origine ethnique. La Déclaration fut adoptée par quarante-huit voix pour, aucune voix contre, et huit abstentions (URSS, Ukraine, Biélorussie, République populaire de Yougoslavie, Pologne, Union Sud-Africaine, Tchécoslovaquie et Arabie Saoudite). Les actes commis par certains pays signataires depuis 1948 ont parfois démenti leur adhésion. L’abstention de l’Afrique du Sud peut être considérée comme protégeant le système d’apartheid, en contradiction flagrante avec de nombreux articles de la Déclaration; l’abstention de l’Arabie Saoudite était essentiellement motivée par deux articles: l’Article 18 stipulant « le droit à changer de religion ou de croyance », et l’Article 16 sur l’égalité des droits dans le mariage; l’abstention des pays du bloc soviétique était certainement influencée par l’article 13 donnant aux citoyens le droit de sortir de leur pays. La Chine et la Corée du Nord, signataires, n’en tiennent aucun compte. L’Irak, signataire, a cependant envahi le Koweit. Les USA, pratiquant encore la peine de mort, sont fautifs selon l’article 5 qui interdit les traitements cruels ou les sanctions inhumaines. Un des droits le plus fréquemment bafoués est l’Article 18, touchant « la liberté de pensée, de conscience et de religion, …. , le droit de changer sa religion ou ses croyances, …. , de proclamer sa religion, ses croyances, de les enseigner, les mettre en pratique, d’en suivre les rites. » Un rapport récent du groupe chrétien « Open Doors » (Portes Ouvertes) signale que la Corée du Nord est encore le pays le plus contraignant envers le Christianisme, suivi par la Somalie, la Syrie, l’Irak, l’Afghanistan, l’Arabie Saoudite, les Maldives, le Pakistan, l’Iran et le Yémen. Le problème réside dans les interprétations diverses de différents pays sur les mots tels que propriété, mariage, liberté d’expression, liberté de religion. Et les réalités politiques faussent l’idéal des droits individuels. La compétition pour dominer parmi les nations et, au sein des nations, entre les diverses factions, entraine un dédain perpétuel envers les droits qui gêneraient les ambitions des dirigeants ou des futurs hauts responsables. La défense des droits naturels chez les Judéo-Chrétiens s’appuie essentiellement sur la croyance que l’homme a été créé à l’image de Dieu. Après le Déluge, l’alliance de Dieu avec Noé précise explicitement ce principe: « Mais je demanderai compte du sang de chacun de vous. J’en demanderai compte à tous les animaux et à l’homme, aux hommes entre eux, je demanderai compte de l’âme de l’homme. Qui verse le sang de l’homme aura son sang versé. Car à l’image de Dieu l’homme a été fait.» (Gn, 9 : 5-7). Il est également certain que les Dix Commandements ne se limitent pas à la Loi naturelle, mais sous-entendent certains droits s’y rattachant. Le commandement interdisant le vol implique le droit de propriété; honorer les parents implique le droit des parents au respect et à la déférence; l’interdiction de tuer implique le droit de vivre; l’interdiction de l’adultère implique le droit des époux à la fidélité du partenaire; l’interdiction du mensonge implique le droit des autres à entendre la vérité. Mais des siècles ont dû s’écouler pour que l’implication de certains de ces droits, qui semblent évidents pour la plupart, devienne explicite. Juifs et Chrétiens croyaient que les hommes étaient faits à l’image de Dieu, mais n’y voyaient pas de lien logique avec l’interdiction formelle de l’esclavage. Ainsi l’extension de l’application ferme et acceptée par tous de droits sur des questions telles que l’esclavage, le mariage avec libre consentement des deux conjoints, la liberté religieuse, etc… ne vint que bien plus tard, quand les progrès économiques, culturels, politiques incitèrent à une réflexion approfondie sur la signification de « Créé à l’image de Dieu » et l’incontournable « Dignité de l’homme », corollaire de cette croyance. Dieu et les Droits Naturels : au dix-septième siècle le théoricien de la Loi naturelle Hugo Grotius proclamait assez dramatiquement dans son « Traité sur la Loi » que la Loi naturelle «subsisterait en tout cas, même si on affirmait — ce qui ne peut se faire sans commettre la pire impiété — que Dieu n’existe pas, ou ne se soucie nullement de l’humanité.» Cette affirmation a participé au développement d’une école de pensée soutenant l’indépendance de la Loi naturelle quant à toute supposition relative à « Dieu législateur ». Ce n’était certes pas l’intention de Grotius, chrétien affirmé, mais qui pensait que la loi naturelle était si immanente dans la nature humaine qu’elle ne pouvait être modifiée ou récusée sans tomber dans l’irrationnel. Pour lui, la loi naturelle était si évidente que la récuser était comme nier que 2 et 2 font 4. Mais si la loi naturelle est une loi sans équivoque, celà suppose qu’elle est œuvre d’un « Législateur », et si des droits sont attachés à la loi naturelle ces droits ont été établis par le Législateur. L’évolution, la camaraderie, les coutumes sociales, etc… ne peuvent exercer la fonction de législateur. Un exemple: en l’absence de Législateur auteur de la Loi naturelle, les juges du célèbre procès de Nüremberg à la fin de la seconde guerre mondiale s’appuyaient essentiellement sur l’autorité du vainqueur pour condamner les officiers et officiels nazis — qui pouvaient tirer argument pour leur défense de leur soumission aux lois et règlements allemands alors en vigueur. Sans Dieu, pas non plus de droits naturels, ni d’infractions à leur encontre. Seul le Créateur de la nature et des natures peut accorder (et y attacher des sanctions) des droits naturels. Les législateurs civils, les cours et tribunaux, et les chefs d’états peuvent souvent, d’un trait de plume, octroyer s’ils le souhaitent des droits non naturels — le droit d’assassiner des enfants dans le sein de la mère, le droit de simuler l’acte conjugal entre partenaires de même sexe, le droit d’étouffer le libre langage et la libre pensée avec une police de l’idéologie. Mais l’Auteur de la nature détient la sanction finale, qui pourra écraser les « droits » récemment décrétés et super-permissifs octroyés par ceux qui détiennent le pouvoir. Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2014/do-natural-rights-really-exist.html Moïse – Rembrandt van Rijn (1659) NDT: citation de la Genèse, texte français tiré de la Bible de Jérusalem.