L’épopée de la tapisserie de Bayeux - France Catholique
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« Les contemplatifs portent le monde »
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L’épopée de la tapisserie de Bayeux

Chef-d’œuvre de l’art roman, la tapisserie de Bayeux raconte la conquête de l’Angleterre par Guillaume de Normandie. Un manifeste politique, mais aussi une œuvre spirituelle.
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Harold prête serment à Guillaume, duc de Normandie, sur deux reliquaires.

On la connaît sous ce nom : « la tapisserie de Bayeux ». Mais on devrait plutôt l’appeler « broderie », car c’est ce qu’elle est en réalité : une broderie de fils de laine, réalisée à l’aiguille, sur une toile de lin fin, rapiécée des centaines de fois. Datée de 1070 environ, on y découvre 623 personnages, 994 animaux, 438 végétaux, 37 forteresses et bâtiments, 41 navires et petites embarcations : une mine d’informations inestimable sur l’époque romane en France et en Angleterre.

L’œuvre mesure plus de 68 m de long sur environ 50 cm de large. Organisée en neuf panneaux, elle présente une succession de scènes très vivantes, accompagnées d’un commentaire en latin. Tel un documentaire, elle raconte l’épopée de Guillaume le Conquérant (1027-1087), duc de Normandie, qui devint roi d’Angleterre en 1066.

L’histoire contée par cette broderie commence deux ans auparavant, à la fin du règne d’Édouard le Confesseur, roi d’Angleterre. Sans descendance, Édouard envoie son beau-frère, le comte Harold, annoncer à Guillaume, son petit-cousin, qu’il lui léguera son trône après sa mort. Harold prête serment à Guillaume – sur des reliques – mais il se parjure et se fait couronner roi à la mort d’Édouard. Ce parjure entraîne une crise de succession. Il justifie, pour Guillaume, la conquête de l’île. Et l’excommunication d’Harold par le Pape.

7 000 hommes et 200 chevaux

Après les préparatifs, les Normands traversent la Manche sur des drakkars : 7 000 hommes et 200 chevaux débarquent à Pevensey à la fin de septembre 1066. La broderie s’achève sur la bataille d’Hastings, avec la victoire des Normands et la mort d’Harold, le 14 octobre. Elle est amputée de sa fin – sans doute la scène du couronnement de Guillaume.

Sur le plan politique, la tapisserie – brodée sans doute dans une abbaye anglaise – est destinée à légitimer la conquête de l’Angleterre et le couronnement de Guillaume. Mais également à lui donner une justification religieuse, en dénonçant le parjure qui met en péril la société médiévale, fondée sur la foi. Le serment est en effet prêté sur la Bible, sur des reliques – comme ici – ou même sur la Croix. Le parjure est donc considéré comme un crime. La tapisserie est bien une œuvre spirituelle, qui met en scène le châtiment et la fin tragique du coupable puni par Dieu.

« Mémoire du monde »

Elle souligne aussi le rôle essentiel d’Odon de Conteville, évêque de Bayeux de 1049 à 1097, et demi-frère de Guillaume le Conquérant, qui apparaît plusieurs fois en situation d’autorité. Après la conquête, Odon sera nommé comte de Kent et se verra confier la régence du royaume par Guillaume pendant ses absences. Devenu immensément riche, il est probablement le commanditaire de la tapisserie, dans le but supposé d’orner sa nouvelle cathédrale de Bayeux, consacrée en 1077.

La tapisserie y a été conservée dans le trésor jusqu’au XVIIIe siècle, échappant aux destructions des guerres de Religion et de la Révolution. Depuis 1983, le public peut la voir au centre Guillaume-le-Conquérant, fermé depuis peu pour deux ans de travaux. Cet objet exceptionnel a été le premier classé aux monuments historiques, en 1840. Depuis 2007, elle est inscrite au registre international « Mémoire du monde » de l’Unesco, dont l’un des principaux objectifs est d’assurer sa conservation pour les futures générations. Une conservation qui pourrait, d’après certains spécialistes, être menacée par le prêt de l’œuvre à l’Angleterre.