D’après l’expérience que vous avez du travail avec le cardinal Prevost, quel homme de gouvernement est-il ?
Père Xavier Lefebvre : Par sa seule présence, d’une autorité attentive et bienveillante, il savait nous exprimer le sens et l’importance de notre travail au service de l’Église universelle. Non pas une autorité hautaine et imposante, mais qui accompagne, qui écoute, qui prend en compte votre avis, et qui mettait à l’aise toutes les personnes qui travaillaient avec lui. Je le qualifierais comme un gouvernement dans la charité. Il se trouve que j’ai été hospitalisé pendant huit jours au mois de mars. Le cardinal est venu me rendre visite presque chaque jour. Ce qui a donné lieu à des discussions simples, non pas de nature théologique, mais sur les soins apportés et la richesse du service de l’Église. Cela nous a permis aussi de mieux nous connaître. J’ai eu l’occasion de lui exprimer ma grande estime pour ses qualités d’attention, d’humilité et de sagesse.
Choisi pour être pasteur suprême des âmes, quel type de paternité va-t-il exercer, sur les prêtres en particulier ?
La notion de paternité est éminemment biblique. On a bien vu, dans les différentes interviews, que beaucoup parlaient du Pape comme d’un père qu’ils attendaient. Si Dieu se fait appeler Père, c’est en trois sens, selon le Catéchisme de l’Église catholique : le Père est source de vie ; il est celui qui éduque et apprend à marcher dans la vie ; et le cœur du Père se révèle ultimement dans les capacités de ses enfants dont il n’oublie pas la dignité. Le pape Léon XIV pourra exercer son ministère de transmission de la foi, et gardien de l’unité de l’Église, en étant vraiment père et pasteur, qui nous apprend à marcher en chrétien dans un monde bouleversé. On a bien senti, sur la place Saint-Pierre, que le monde attendait quelque chose de l’Église. Sans doute parce que dans un monde qui en vient à « fabriquer de l’humain » sans filiation – PMA, GPA … –, ou à jeter l’humain comme un déchet – fin de vie –, on a besoin de retrouver le sens le plus profond de notre filiation. Le Pape rend visible cette filiation.
Il a d’emblée placé son pontificat sous le signe de la paix et aussi de l’intériorité, de la relation au Christ. Quel lien voyez-vous entre les deux, d’après la perception que vous avez de lui ?
Le pape Léon XIV est un homme profondément unifié, unifié par un cœur indéfectiblement donné au Christ, dans la prière qui nourrit ses pensées, ses paroles, ses actions. Un homme unifié par l’amour est un homme de paix. Cela ne m’étonne pas qu’il se soit présenté par ces premiers mots : « La paix du Christ ressuscité soit avec vous tous ! » J’espère qu’on pourra lui attribuer la 7e béatitude (Mt 5) : « Heureux les artisans de paix, ils seront appelés fils de Dieu. » Un homme unifié dans l’amour peut être vraiment le pasteur de l’Église.
Un enjeu majeur pour l’Église est celui de l’unité. Comment va-t-il l’incarner ? Sa devise : « Être un en celui qui est un »…
L’exigence de sa devise, qui vient d’une homélie de saint Augustin, nous rappelle que l’unité de l’Église est appelée à être l’image de l’unité trinitaire. Le Pape, par son enseignement et son gouvernement, est appelé à une vocation si haute : l’unité des esprits dans la vérité ; l’union des cœurs dans la charité. Cette unité est fondamentale pour que notre mission soit crédible. Que ce nouveau pontificat puisse œuvrer à cette unité de communion, en Dieu et entre nous.