Le saint patron des faits têtus - France Catholique
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Pèlerinage de Chartres : Pour que règne le Christ !
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Le saint patron des faits têtus

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John Adams écrivait en 1770 : « Les faits sont choses têtues ; et quels que soient nos souhaits, nos penchants ou les injonctions de notre passion, ils ne peuvent altérer l’état des faits et de la réalité. » (« Argument pour la défense des soldats dans le jugement du massacre de Boston). Son observation est utile aujourd’hui quand nous considérons le trouble dans l’Eglise à propos de questions brûlantes comme celles qui impliquent le sixième commandement, de l’indissolubilité du mariage jusqu’aux vraies finalités de la sexualité humaine. Quand un proche confident du pape tweete « 2+2 en théologie peut faire 5 », il est difficile d’accorder sa confiance à la logique de la théologie contemporaine. Qui sommes-nous pour débrouiller cela ? Vers qui allons-nous nous tourner ?

Le passage épique de l’Evangile qui raconte la guérison de l’aveugle-né (Jn 9 :1-41) est particulièrement instructif sur la relation qui existe entre les faits de la vie, notre foi et nos troubles actuels. Jésus – faisant de la boue avec sa salive – enduit le mendiant qui était aveugle depuis sa naissance et lui ouvre les yeux . Mais la joie de la guérison est éclipsée par l’inquiétude quand l’homme se trouve lui-même en jugement devant les Pharisiens mécontents qui poursuivent leur action contre le Christ. Le récit de la guérison et des accusations qui suivent est une métaphore profonde pour les fidèles qui luttent pour maintenir et approfondir leur compréhension de la foi catholique.
Les Pharisiens ne permettent pas aux faits de les détourner. Ils bricolent simplement les lois de la logique pour fabriquer leur récit impie : que Jésus était un pécheur parce qu’il « n’a pas respecté le sabbat » quand Il a guéri l’aveugle. En présence des Pharisiens, l’aveugle-né refuse d’abord de porter quelque jugement que ce soit. Il constate simplement les faits : « Il m’a mis de la boue sur les yeux, et je me suis lavé, et maintenant je peux voir. » Mais les Pharisiens le pressent : « Qu’as-tu à dire à son sujet ? » En reconsidérant raisonnablement le fait de la guérison, sous la contrainte, l’homme fait un pas significatif dans la direction de la plénitude de la vérité. Jésus a guéri sa cécité. Un prophète a le pouvoir de guérir. Donc, conclut-il, Jésus est un prophète.

Après un entretien menaçant avec les parents de l’homme, les Pharisiens n’arrivent pas à prouver que l’homme n’était pas aveugle de naissance. Alors ils le réprimandent en usant d’un raisonnement tordu : «  Nous savons que cet homme [Jésus] est un pécheur. » Mais l’homme s’en tient fermement aux faits et aux règles de la logique, insistant : « S’il est un pécheur, je ne le sais pas. Je sais une seule chose, c’est que j’étais aveugle et que maintenant je vois.» Ce qui est étonnant, c’est que vous ne sachiez pas d’où il est, et pourtant il m’a ouvert les yeux. Nous savons que Dieu n’écoute pas les pécheurs, mais que si quelqu’un est pieux et fait Sa volonté, il l’écoute. On n’a jamais entendu dire que personne ait jamais ouvert les yeux d’une personne aveugle de naissance. Si cet homme ne venait pas de Dieu, il ne pourrait rien faire.

Les Pharisiens, en dépit de leur malice, sont devenus involontairement les instruments de la grâce de Dieu en faisant briller l’intelligence de l’homme quant à la Personne de Jésus.

Le triste cliché « aucune bonne action de demeure impunie » dans les mains des pécheurs s’applique certainement au Christ. Ce récit de l’Evangile prend une direction inattendue. L’homme qui était aveugle de naissance et guéri par le Christ ne s’en va pas en exultant de joie. Participant à la persécution du Christ, il devient aussi la cible des Pharisiens. Mais dans la providence aimante de Dieu, sa souffrance a un but. Comme les Pharisiens lui ont fait à plusieurs reprises revisiter les faits, il en tire des conclusions avec une perspicacité et une lucidité croissantes. Ce qui le prépare à une rencontre directe et définitive avec le Seigneur.

Jésus, apparemment absent pendant les tribulations de l’homme, ne l’a pas abandonné. Après que les interrogateurs l’ont jeté dehors, Jésus part à sa recherche. Son propos n’est pas seulement de le consoler, mais d’orienter et d’élever la logique de sa foi.

Ainsi Jésus lui demande : »Crois-tu dans le Fils de l’Homme ? ». Toujours à la recherche de quelque chose de suffisamment réel, l’homme répond : « Qui est-il, Seigneur, pour que je puisse croire en lui ? » La réponse de Jésus est immédiate et sans ambiguïté : » Tu l’as vu, c’est lui qui te parle. » En un instant sa prudence sous la contrainte est éclairée par la grâce du Seigneur. Il voit clairement pour la première fois. « Il dit « Je crois, Seigneur », et il se prosterna. »

La guérison de l’aveugle de naissance révèle l’objet final de tous les miracles du Christ : engendrer une foi ferme dans la personne du Christ Qui sauve. La malice des Pharisiens et leurs paroles insultantes portent un fruit inattendu. Leur logique délibérément fautive et leurs moqueries servent à fournir des occasions à un homme admirablement honnête pour revenir à chaque fois aux faits, lui permettant de continuer sur le chemin de la foi plénière. Les souffrances que l’homme endure après sa guérison l’ont préparé à accepter Jésus non seulement comme « prophète », « venu de Dieu », et comme le messianique « Fils de l’Homme », mais comme Seigneur méritant l’adoration. Vraiment.

Comme l’aveugle-né et libéré de son infirmité, nous pouvons nous trouver nous-mêmes perturbés par l’attention négative que nous provoquons quand nous nous tenons avec entêtement aux faits de la foi que nous avons reçue. Avec de l’honnêteté et la grâce de Dieu, nous serons fréquemment poussés à revisiter la réalité de notre foi dans les beaux et constants enseignements de l’Eglise (en commençant par les Evangiles et le Catéchisme de l’Eglise catholique).

Comme intercesseur, nous devrions peut-être nous tourner vers ce mendiant anonyme ancien aveugle – maintenant pourvu des yeux de la vraie foi – comme le saint patron des faits têtus.

2 avril 2017

Source : https://www.thecatholicthing.org/2017/04/02/the-patron-saint-of-stubborn-facts/

Tableau : Guérissant l’aveugle de naissance par Vassili Sourikov, 1888 [Galerie Tretiakov, Moscou]