Le recul de la monarchie pontificale - France Catholique
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Pontificat de François - numéro spécial
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Le recul de la monarchie pontificale

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Depuis qu’il a revêtu le Grand Manteau en mars, on a écrit beaucoup de choses à propos de la simplicité et de l’humilité du pape François. François a renoncé à bien des privilèges extérieurs qui accompagnaient la papauté ces derniers temps — chaussures rouges, Mercedes Benz, croix pectorale en or, mozette en ermine, résidence dans le palais apostolique — au profit d’options plus ordinaires. Et maintenant, il a annoncé la publication d’une encyclique sur la pauvreté volontaire dans l’église.

Certains ont jugé que l’action du pape représentait une nouvelle manière de penser et d’opérer au sein de la plus vieille monarchie du monde, un transfert du comportement régalien des princes vers la simplicité du peuple. D’autres ont exprimé leur inconfort face à l’impression que le pape abandonnait trop vite des habitudes pluri centenaires. Cela n’a rien d’étonnant : ces réactions sont plus largement le reflet de deux visions du catholicisme et de l’Eglise.

Mais contrairement à ce que prétendent les reportages d’actualités, François n’est pas le premier des papes les plus récents à se lancer sur cette voie. Qu’est ce qui est vraiment nouveau dans ce qu’il fait — et quel est le message qu’il essaie de faire passer — en choisissant délibérément le simple plutôt que le voyant ? La réponse à ces questions ne se trouve pas dans la politique ecclésiale contemporaine, mais dans l’Evangile et dans l’ histoire récente de la papauté qui est essentiellement en continuité avec le présent.

La papauté est en effet une monarchie qui guide les catholiques vers leur but spirituel : l’union à Dieu pour toujours. Depuis la fin de l’empire romain, jusqu’au dix-neuvième siècle, elle exerçait un vrai pouvoir temporel sur un grand territoire, les Etats Pontificaux, au centre de l’Italie. L’autorité temporelle paraissait indispensable pour garantir l’indépendance du pape et – plus important – son autorité spirituelle. C’est pourquoi les papes avaient adopté les privilèges des monarques européens et certains de ces signes extérieurs avaient une importance religieuse du fait de la dualité de nature du rôle du pape.

En 1870 les états pontificaux ont été perdus lors de l’unification du royaume d’Italie. Rétrospectivement, cela a été un gain considérable pour l’Eglise : le pape n’était plus un chef temporel d’un lieu particulier, mais il était devenu une force spirituelle et morale qui s’adressait à tous les peuples de la terre. Pourtant les signes extérieurs de la papauté sont restés pendant une bonne partie du 20° siècle, même le fait de baiser la mule du pape et le port de la triple tiare.

Deux facteurs se sont combinés pour que soit reconsidérées – et finalement, élagués- les aspects régaliens associés à la charge. Tout d’abord le concile Vatican II a proclamé l’appel universel à la sainteté, et un recentrage sur l’évangile, qui devait être prêché d’une manière adaptée à notre époque. Ensuite, dans presque toutes les nations dans les années 1961, l’attitude changeait vite et de façon dramatique pour privilégier l’égalitarisme démocratique et la simplicité culturelle. Le cérémonial habituel qui honorait la papauté cessa d’être compris, et en plus, fut considéré comme impropre pour une telle fonction chrétienne.

Conscient de ces deux facteurs, Paul VI a commencé petit à petit à orienter la papauté dans une autre direction. Il a donné les bijoux pontificaux, diminué la cour papale, aboli le baiser à la mule et la noble garde pontificale. Plus notable encore, il a abandonné la triple tiare, qui était un symbole du prestige de son autorité temporelle. En plus, il s’est fait le fervent avocat de la prédication de l’évangile avec un zèle missionnaire.

Jean Paul II a continué dans le même sens par de petits signes tels que éviter les chaussures rouges et le pluriel de majesté. Benoit XVI a porté les souliers rouges, et utilisé le « nous » à l’occasion, et il a également porté des vêtements majestueux quand il faisait des discours (l’usage de parure pour la liturgie fait partie de la vénération de Dieu et non du rôle propre du pape, ce qui l’exclue de notre propos). Mais il a aussi supprimé l’habitude de baiser la main du pape (Bien que Peter Seewald ait reconnu que cette règle était ignorée) et il a supprimé la tiare sur les armes pontificales, la remplaçant par une mitre épiscopale pour souligner la mission spirituelle plutôt que temporelle du pape.

Ceci nous ramène à François, qui a clairement apporté son propre style de simplicité à l’exercice de la charge pontificale. Les tendances culturelles ont aussi influencé ses actions, mais de manière détournée : plutôt que de suivre la mode, François établit la primauté de l’évangile sur la culture, y compris la culture à l’intérieur du Vatican qui avait souvent poussé le matérialisme et le carriérisme au détriment de la vie spirituelle.

Dans son ministère, François semble décidé à repousser tout le formalisme papal qui pourrait présenter une gêne à l’évangélisation. Récemment, il a téléphoné à un jeune adolescent italien et lui a demandé de le tutoyer car c’est ainsi que les apôtres parlaient à Jésus. François est parfaitement conscient de la dignité de sa charge, mais il nous rappelle en même temps qu’il est notre frère spirituel, et partage notre pèlerinage vers Dieu.

En soi, l’apparat pontifical est objectivement neutre. Il a varié à travers les siècles, parfois au bénéfice du rôle du pape, d’autres fois à son désavantage, plus ou moins bénéfique selon les époques. La valeur des prérogatives royales du pape, juste comme la papauté elle-même, doit être appréciée à la lumière du service du Christ et de son évangile.

Les premiers mois de François ont été plein de surprises, en particulier son élagage dans l’accoutrement du pape. Certains aiment cela, d’autres non. Nous sommes libres de juger ces décisions, mais nous ne devons pas baser notre opinion sur nos préférences personnelles, mais sur la manière dont ces options vont pouvoir aider à faire passer le message de salut de l’évangile.

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David G. Bonagura JR. Est professeur adjoint de théologie au séminaire Saint Joseph à New York

Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2013/shrinking-the-papal-monarchy.html

Photo : le cardinal Bergoglio de Buenos Aires