En 1789, il y avait environ 120 000 prêtres en France, réguliers et séculiers – 31 000 religieux, pas tous prêtres, et 55 000 religieuses.
Selon les calculs de l’abbé Christian Dumoulin, pendant les onze années de la Révolution, il y eut, en moyenne, 250 ordinations sacerdotales par an – dont 150 dans la seule Église clandestine, et en comptant les très nombreuses défections du côté des prêtres « constitutionnels » (Deux graves crises de recrutement sacerdotal : 1791-1809 et 1948-1990, Esprit et vie, 14 et 21 mars 1991).
Après la stabilisation du Concordat de 1801, la France se trouva dotée de 30 000 à 35 000 prêtres en état de service, dont 68 % avaient plus de 60 ans. « L’urgence était donc au recrutement sacerdotal. L’épiscopat eut le bon sens de le reconnaître et mit tout en œuvre pour résoudre cette question. En 1809, on comptait déjà 5 800 élèves dans les écoles presbytérales, 4 600 dans une centaine de petits séminaires et 4 000 dans les grands séminaires, avec 3 300 théologiens et philosophes répartis sur les deux-trois ans que durait le séminaire, donc pour la plupart bientôt promus au sacerdoce. Résultat remarquable quand on songe à la tornade qui avait disloqué le corps sacerdotal. »
Le nombre des ordinations dépassait déjà 1 000 par an en 1808, pour s’établir bientôt autour des 1 500. En 1875, le nombre des prêtres était revenu à 56 500 en France – sans compter évidemment l’Alsace-Moselle.
Malgré la séparation de l’Église et de l’État en 1905, qui avait amené une baisse momentanée – vu la précarité de l’état clérical qu’elle avait engendrée – et après la chute liée à la Première Guerre mondiale, le recrutement remonta en 1948 à environ 1 400 ordinations par an, avant de connaître la pire crise que l’Église en France ait jamais connue. Quelques repères : 900 ordinations par an entre 1951 et 1955 ; 580 entre 1961 et 1965 ; 200 entre 1971 et 1975 ; environ 100 entre 1981 et 1985. Ce chiffre excessivement bas – au-dessous même de celui des ordinations de l’Église clandestine pendant la période révolutionnaire – se maintient depuis plus d’un demi-siècle, sans remontée vraiment significative.
Plus que 7 000 prêtres « actifs »
Aussi le nombre de prêtres en exercice s’effondre-t-il rapidement. En 1990, la France comptait encore environ 25 000 prêtres catholiques en exercice. En 2025, il n’y a plus que 7 000 prêtres catholiques en activité en France. Cependant, parmi eux, seulement 5 000 sont des prêtres français de moins de 75 ans, considérés comme « actifs ». Environ 2 000 prêtres supplémentaires viennent de l’étranger pour une mission pastorale en France.
Concernant l’âge, on peut estimer qu’il y a entre 2 000 et 2 500 prêtres de moins de 60 ans – chiffre en diminution constante – dont une bonne partie sont étrangers. Ceux qui ont entre 60 et 74 ans représentent environ 2 500 prêtres ; ceux de 75 ans et plus, environ 2 000 prêtres.
Comment expliquer la crise de recrutement sacerdotal ? L’explication sociologique parle de crise de civilisation, d’un Occident matérialiste et jouisseur et d’une crise de la famille, toujours facteur majeur des vocations. Une telle justification semble insuffisante. Seule une explication théologique peut rendre compte d’un effondrement aussi massif et durable : diffusion de courants hétérodoxes qui ont causé une crise d’identité du prêtre, mise en cause du prêtre comme l’homme du sacré, de la prière et surtout des sacrements, en particulier de l’Eucharistie, accent mis sur la notion de projet de vie dans la fidélité à soi-même, et non plus sur la fidélité à l’appel objectif de Dieu. Tout ceci cadre avec une religion devenue trop sociale et trop axée sur le développement personnel, pas assez transcendante.
Le recrutement sacerdotal est le thermomètre de la foi et de la vitalité religieuse, plus significatif encore que celui de la pratique religieuse. Notre pays n’avait jamais connu ces 75 ans de crise de recrutement, qui mettent aujourd’hui l’Église de France en péril, comme le pape Léon XIV semble le souligner dans sa toute récente lettre aux évêques de France.
Prions donc « le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers dans sa moisson », car c’est des prêtres que dépend « le renouveau espéré de l’Église entière » (Vatican II).