Le Péché et le Synode - France Catholique
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Pontificat de François - numéro spécial
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Le Péché et le Synode

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Le grand poète contemporain William Butler Yeats se plaignait un jour: « Le Saint Esprit est une source pour l’esprit, et nos Évêques croyaient-ils que l’Esprit Saint se révèlerait dans les arts décoratifs, l’architecture, le savoir-vivre et le style des écrivains? Y a-t-il un dévot qui, lisant les publications pastorales de notre hiérarchie ne sursauterait d’horreur devant leur style rance, rugueux, vague, dont on dirait « d’un journalisme de presse populaire »?»

Yeats n’était pas un « dévot », son indignation est un peu surfaite. Et pourtant, elle est justifiée. Mais il ne suffit pas de faire appel à l’esthétique. On risquerait une distraction nous éloignant d’autres points bien plus sérieux.

Le Synode sur la Nouvelle Évangélisation s’est achevé samedi dernier à Rome. Environ 260 évêques (sur 400 participants) venaient des cinq continents. Les délibérations se sont parfois élevées, pleines d’éloquence, avec une grande profondeur de vue. Le pape lui-même semblait apprécier — de quoi plaire aux auteurs de livres relatifs à l’évènement.

Un évêque est un berger, chargé de deux grandes responsabilités:

1 – le bon pasteur s’assure que son troupeau est bien nourri;

2 – il tient constamment les loups à l’écart, et alerte son troupeau quand les loups se mettent en embuscade.

Les évêques le savent bien. Et à moins que vous ayez vous-même déjà participé au combat pour la diffusion de la bonne parole dans le monde actuel ou fait face à ses nombreux défis, il n’est que justice, partout, chaque jour, que vous les accompagniez dans leurs efforts.

Mais une façon de les aider est de participer selon nos possibilités à cette lourde tâche — dans un esprit de coopération. Et voici donc quelques remarques en fin de Synode, car même un Catholique appréciant toute l’entreprise peut se sentir un peu déçu par des résultats pas bien nets.
Malgré la grande diversité des objectifs, il semble y avoir bien des lacunes. Très significativement, les documents et conclusions semblent rarement animés de ce que le Révérend Martin Luther King Jr. appelait « l’impérieuse urgence des temps présents ». Il ne parlait alors que de la guerre au Viet Nam; les évêques, eux, sont chargés du destin des âmes pour l’éternité.

C’est ce qui saute aux yeux dans les cinquante-huit « Propositions« , document soumis par le Synode au Pape pour la préparation de son Exhortation Apostolique de clôture.

S.E. le Cardinal Dolan [Archevêque de New York] a relevé que les participants au Synode souhaitaient que l’autre document de clôture (« Message final au peuple de Dieu ») soit « positif, entraînant, évangélique » — bonne approche dans notre monde moderne. Mais l’Église a bien davantage à faire si elle souhaite démanteler notre pandemonium culturel actuel.
Il peut être difficile pour nos évêques de le dire ouvertement, mais notre situation dans un monde sécularisé n’est pas comme le proclament les « Propositions » « semblable à celle des premiers Chrétiens.» Les premiers Chrétiens vivaient dans une société païenne que la Bonne Nouvelle n’avait pas touchée.

Notre culture est profondément atteinte par le rejet de cette Bonne Nouvelle et l’incitation permanente à vivre selon des bases non- (si ce n’est anti-) Chrétiennes.

Si nous n’en sommes pas absolument persuadés, bien des efforts seront vains.

Le Synode affirme aussi que « Le message de vérité et de beauté peut aider les gens à échapper à la solitude et à l’incompréhension où ils sont souvent rejetés par la société post-moderne.» Bien dit. Mais ce ne sont que des problèmes sociaux et psychologiques que même les non-Chrétiens déplorent.
Le document tente de montrer pourquoi la Foi a son importance propre, il cite « la splendeur d’une humanité ancrée au mystère du Christ, ainsi qu’à d’autres aspirations idéalistes mais vagues. N’avons-nous plus le droit de proclamer qu’il n’y a aucun autre nom pour nous mener au salut, aucune autre personne pour emplir le cœur de l’homme?

Si nous ne pouvons le dire, n’attendons pas du monde qu’il le croie.
À propos d’être sauvé: un non-Catholique lisant les « Propositions » aurait bien du mal à saisir de quoi être sauvé, en termes religieux. La violence, les guerres, l’égoïsme sont condamnés, et on est appelé à la réconciliation; droits de l’homme, liberté religieuse et liberté de conscience sont affirmés. Mais même la plupart des incroyants est de notre avis là-dessus.

Ce qui n’est pas mentionné dans le document: la pornographie, le sexe (la « sexualité » a droit à une mention, mais ce n’est pas la même chose), la drogue (malgré des avertissements à propos de la violence dans le trafic de drogue, chez les drogués et les « nouveaux pauvres »), le matérialisme, et bien d’autres sujets que vous pouviez vous attendre à voir figurer.
Et le péché! Le péché est cité ici et là, mais il apparaît généralement comme un obstacle à la justice et au progrès et un facteur d’appauvrissement et d’exclusion. (Proposition 19).

De brefs passages sont consacrés à la conversion et à la sainteté, et sont rattachés aux efforts nécessaires dans les nouvelles sociétés urbaines, les paroisses et autres « entités ecclésiales », instruction, service des pauvres et soins aux malades.

Il n’y a là rien de critiquable, mais où est l’enthousiasmante « Nouvelle » Évangélisation?

Il faut attendre la Proposition 33 pour que le sacrement de pénitence fasse son apparition, avec « une réconciliation par le pardon des péchés ».

Bénissez-moi, Pères du Synode, mais ce n’était pas bien judicieux d’ajouter « une rencontre nouvelle et personnelle avec Jésus-Christ . . . . et en même temps une appréciation plus profonde de soi-même . . .» On voit bien — je crois — où vous voulez en venir, mais là, vous flirtez avec les forces mêmes que vous voulez combattre.

Dieu devait-il se faire homme et mourir sur la Croix pour çà?
Suivent une dizaine de Propositions sur les activités internes à l’Église: Dimanche, liturgie, dimension spirituelle, confirmation, baptême, piété populaire, etc… sont liés à la Nouvelle Évangélisation. Mais on les trouve déjà dans bien des documents de l’Église, et Benoît XVI n’aura sans doute pas perdu trop de temps là-dessus en préparant son Exhortation post-synodale.

J’ai déjà noté ici que la signification de ce genre d’événements dans la vie de l’Église dépend de ce qui se passera quand les discours sont achevés. Simplement par son déroulement le Synode a donné aux participants et à des millions d’autres un regain d’énergie et de ferveur.

Les évêques avaient bien raison de déclarer que la primauté dans l’évangélisation dépend de la Grâce divine. Elle est abondamment accordée, espérons que l’Église en fasse bon usage.

Robert Royal

NDT: Le titre original de cet article est: « Sin and the Synod ». On peut y voir un jeu de mots (Sin/Synod) hélas intraduisible. N’accusons pas de péché (Sin) les participants du Synode.

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Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2012/sin-and-the-synod.html