Le Nigeria est-il en train de se « talibaniser »? - France Catholique
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Le Nigeria est-il en train de se « talibaniser »?

Au moins 500 morts suite aux affrontements entre l’armée et les islamistes. Par John Newton, AED Royaume-Uni Traduction et adaptation : Mario Bard, AED Canada
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Le Nigeria pourrait être sur le bord de l’islamisation radicale, selon le responsable d’une organisation majeure de développement du pays. Même si elles sont bien réelles dans les conflits que vit le pays depuis des dizaines d’années (10 000 morts), les tensions interreligieuses ne seraient pas les seules responsables de la montée de la violence.

En entrevue avec l’Aide à l’Église en Détresse (AED), organisme international catholique de charité, le père Obiora Ike, directeur de l’Institut catholique pour le Développement, la Justice et la Paix de l’État nigérian d’Enugu, met en garde contre la « talibanisation » du pays le plus peuplé d’Afrique.

Cette déclaration survient peu de temps après les affrontements, dans le nord du pays, entre le mouvement islamiste radical Boko Haram (littéralement “l’Éducation pécheresse”) et les forces de sécurité, durant lesquels le père Ike estime qu’il y aurait eu au moins 500 morts. De son côté, l’Agence France Presse (AFP) parle ce matin d’ « au moins 600 morts ».

Selon le prêtre, le pays a atteint un « nouveau niveau » de violence à la suite des récentes attaques qui sont en cours depuis le 24 juillet.
Les affrontements avec les forces de sécurité font suite à des attaques du Boko Haram contre des stations de police dans quatre États, en représailles à l’arrestation des responsables du groupe. Celui-ci demande l’imposition de la loi islamique (Charia) dans ces États. Les violences ont commencé dans l’État de Bauchi, majoritairement musulman et situé dans le nord du pays, avant de s’étendre aux États voisins de Yobe, Kano et Borno. Dans ce dernier, plus de 100 personnes sont mortes au cours des attaques de radicaux islamistes envers des églises, les 27 et 28 juillet.

« Jusqu’à maintenant, les islamistes s’en étaient pris presqu’exclusivement aux chrétiens, mais maintenant les nouveaux groupes radicaux s’en prennent à toutes “les agences occidentales”, ainsi qu’aux autres musulmans », a indiqué le père Ike. Selon lui, les actes de violences des derniers jours ont aussi été dirigés contre les autorités gouvernementales des États fédéraux, où la Charia est pourtant introduite. Depuis l’an 2000, 12 des 36 États du nord du pays ont commencé à renforcer la loi islamique, non seulement en ce qui a trait au droit familial, mais également en ce qui concerne le droit criminel.

Le père Ike croit que la montée du Boko Haram pourrait annoncer la formation d’un mouvement plus large qui est en train de s’étendre rapidement à travers le pays. Il prévient que ces groupes considèrent les écoles et universités occidentales comme « décadentes », et indique qu’il serait possible qu’ils s’en prennent également à des institutions musulmanes d’éducation. Le père craint que ce mouvement d’agitation ne s’étende et déstabilise l’État de Kano et ses 12 millions d’habitants.
Le père Ike en appelle donc aux gouvernements occidentaux pour qu’ils soutiennent le Nigeria dans sa lutte contre les militants islamistes et l’aident dans les domaines de l’éducation et de la réduction de la pauvreté. Selon lui, les principaux problèmes du pays sont causés par un « manque d’éducation, un manque de travail, l’absence de compétences techniques, le manque d’argent et le manque d’emploi, lesquels se transforment en un manque de sens à la vie. » Il ajoute : « Ces problèmes mènent à un abus idéologique et au détournement des jeunes par les terroristes ».

Le père Ike conclut en demandant de prier pour la région : « Puissions nous demander vos prières, alors que nous continuons ici à travailler pour la paix et la guérison du Nigeria et du monde. »

Selon le rapport « Persécutés et oubliés? », produit par l’AED et publié à l’automne 2008, les communautés chrétiennes, qui se trouvent dans les 12 états où la Charia est implantée, ont expérimenté l’étendue de l’intolérance religieuse et de la discrimination. Cela comprend de fausses accusations de blasphème portées contre des chrétiens, la démolition de lieux de culte chrétiens, ainsi que l’enlèvement et la conversion forcée d’adolescents, spécialement de jeunes filles.

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Photo AED : Selon le père Ike, les problèmes sociaux-économiques « mènent à un abus idéologique et au détournement des jeunes par les terroristes ».