Le mariage et ses exhortations - France Catholique
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L'amour du travail bien fait avec saint Joseph artisan
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Le mariage et ses exhortations

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La scène : Worcester (Massachusetts), printemps 2002. Mon ex- étudiante, Meg Cullen, épouse John Somers selon le rite orthodoxe russe. Le prêtre met l’accent sur la procréation et l’autorité de l’époux. Il souligne que ses meilleurs conseils sur le mariage proviennent de l’expérience vécue de ses propres parents qui sont restés mariés pendant cinquante et un ans. Peu après leur mariage, raconte-t-il, sa mère a dit à son père : « C’est toi le chef ». Sur quoi, a-t-il ajouté, « elle s’est mise à lui expliquer comment se conduire en chef ». Une formule qui, à mon avis, résumait tout. Ce qui m’a subitement rappelé cette scène, c’est la publication de l’exhortation apostolique Amoris Laetitia. Les gens de mon entourage se préparaient au pire, s’attendant à des modifications dans la foulée du Synode de nature à altérer les doctrines de l’Eglise sur le mariage et le divorce. Mais ce qui en ressort – tout au moins en partie, c’est un appel à la « tendresse » [par.28], ainsi qu’une tentative de trouver des moyens de garder dans le sein de l’Eglise certains fidèles même s’ils ne peuvent pas communier. Le Saint Père tente de présenter la famille sous tous ses aspects, y compris les parents et les enfants, comme un reflet vivant de la Trinité, voire de « l’amour du Christ crucifié ». Par endroits, ces recommandations tiennent du genre des « rubriques de conseils » des journaux locaux, par exemple : « Il ne faut jamais terminer la journée sans faire la paix en famille ». [par.104] Mais parfois même ce type de conseil touche une fibre plus profonde parce qu’il aborde un sujet pénible, de l’ordre de ceux qu’on confie à des prêtres dans un confessionnal : « Mon épouse ne me regarde plus [quand elle me parle], elle n’a d’yeux désormais que pour les enfants ». [par.128] Ou bien : « Celui qui sait qu’on se méfie toujours de lui, qu’on le juge sans compassion, qu’on ne l’aime pas d’amour inconditionnel, préférera garder ses secrets, cacher ses chutes et ses faiblesses». [par.115]  Le pape François se réfère à saint Jean-Paul II pour nier que l’Eglise tolère uniquement la sexualité « en raison des exigences d’une nécessaire procréation ». « Le besoin sexuel des époux », écrit le pape François, « n’est pas objet de mépris » [par.150] et, citant de nouveau Jean-Paul II, « il ne s’agit en aucune manière de remettre en question ce besoin ». Le pape François persiste : l’ouverture à la procréation d’une nouvelle vie « est une caractéristique essentielle qui ne peut être niée », écrit-il, « sans mutiler l’amour même [qui s’affirme dans le mariage] ». Et pourtant, ajoute-t-il en un tour de phrase lourd de sens, « aucun acte génital des époux ne peut nier ce sens, même quand pour diverses raisons, il ne peut pas toujours de fait engendrer une nouvelle vie ».[par.80] Et telle est la clé de la position soutenue devant les tribunaux à propos du mariage entre personnes du même sexe. C’est le point sur lequel Charles Cooper, cet éminent avocat, a subitement achoppé alors qu’il défendait les lois sur le mariage en Californie dans l’affaire Hollingsworth versus Perry en 2013. Le juge Kagan posa la question en ces termes : si la procréation est essentielle dans la conception du mariage, pourquoi permettons-nous le mariage de cinquantenaires ou de personnes plus âgées, alors qu’elles ont passé la période de procréation. Cooper fut obligé de reconsidérer sa position et d’expliquer que de nombreux cinquantenaires mâles étaient encore capables d’engendrer des enfants. Kagan demandait en fait pourquoi l’union entre un homme et une femme était le seul type d’union qu’on puisse qualifier de maritale, alors que cette dernière pouvait être aussi stérile qu’une union d’homosexuels et de lesbiennes. Ce qu’il fallait expliquer était précisément l’argument que le pape François avait avancé, mais n’avait pas explicité. En approfondissant ce problème, nous pourrions demander pourquoi nous considérerions qu’un viol est toujours un viol, et pas seulement un type d’agression parmi d’autres, même si nous apprenions que la victime était stérile ou incapable d’avoir des enfants. Ce n’est pas une agression parmi d’autres. C’est une pénétration qui offre à un mâle la possibilité d’engendrer des enfants – possibilité qu’une femme n’offrirait pas à des étrangers. Cet acte comporte le désir de voir son amour prendre chair, prendre forme dans une nouvelle vie qui associe en fait les gènes et les traits caractéristiques des deux partenaires. C’est l’amour incarné. Nous n’avons pas besoin des liens d’un engagement juridique pour sceller une amitié. L’engagement fermement pris en droit a une signification spéciale en tant que cadre de la procréation et de l’éducation des enfants à naître. Car il marque l’accord selon lequel les partenaires renoncent à la liberté de se quitter quand cela leur conviendra. Si les lois du mariage s’expliquent ainsi, alors l’union d’un homme et d’une femme doit toujours représenter la forme de mariage la plus cohérente sur le plan moral, la raison et le but recherché y étant ancrés dans des actes très naturels. Comme Maggie Gallagher l’a un jour signalé, avec son habituel art de voir l’essentiel, ce n’est pas l’amour libre qui est le plus aventureux et hardi, mais l’engagement : s’engager à aimer pour la vie est l’acte le plus audacieux que chacun d’entre nous puisse poser. Et chemin faisant, un discret rappel peut venir bousculer notre routine. La scène : une synagogue à Boston, le 3 septembre 1978. La fille d’un ami se marie ce jour-là qui marque, pour Judy et pour moi, le dix-septième anniversaire de notre mariage. Judy avait égaré quelques semaines auparavant l’alliance que je lui avais donnée. Je l’avais retrouvée …mais je ne lui avais pas dit. Quand arriva le moment de la cérémonie où le fiancé devait mettre l’anneau nuptial au doigt de la jeune mariée, je passai prestement l’alliance au doigt de Judy. Ce qui arriva ensuite… doit rester caché sous le voile de l’intimité conjugale. Mardi 19 avril 2016 Source : https://www.thecatholicthing.org/2016/04/19/marriage-and-its-exhortations/ Hadley Arkes est le professeur émérite de jurisprudence (chaire Ney) de Amherst College. Il est également fondateur et directeur du James Wilson Institute on Natural Rights &the American Founding de Washington. Son dernier ouvrage est : Constitutional Illusion & Anchoring Truths : the Touchstone of the Natural Law.