Le jeûne de Carême - France Catholique
Edit Template
L'amour du travail bien fait avec saint Joseph artisan
Edit Template

Le jeûne de Carême

Copier le lien

Un des grands défis spirituels de la vie d’un Catholique est de persévérer jusqu’au milieu du Carême. L’enthousiasme initial pour la pénitence et la conversion s’est attiédi, et Pâques est encore loin à l’horizon. Les estomacs grognent et les corps sont irrités en l’absence de nourriture, boissons et autres plaisirs auxquels nous avons renoncé. Tout troublés, nous nous demandons : « Pourquoi jeûner, de toute façon ? »

La réponse vient directement de la liturgie même. Dans la quatrième préface de Carême (qui est la même que la seule préface de Carême pour la forme extraordinaire du rite romain), nous prions Dieu le père : « Par ce jeûne du corps, vous supprimez nos vices, élevez nos esprits, accordez force et récompenses. » Priver le corps de plaisirs physiques apporte à l’âme des bénéfices spirituels. Libérés des désirs mondains, nous nous concentrons plus intensément pour vaincre le péché et nous rapprocher du Seigneur et des grâces que le mystère de Pâques promet.

C’est l’idéal, naturellement. Mais comme nous souffrons de faim et de privations, nous pouvons facilement arriver à nous vautrer dans notre propre misère plutôt que de hausser nos cœurs vers le Seigneur. Pis, la compassion que nous ressentons pour nous-mêmes, à cause de nos actes de piété peut même attiser nos vices plutôt que les supprimer. Pratiquement, comment le Carême peut-il produire la croissance spirituelle plutôt que le désir ardent des biens auxquels nous avons renoncé temporairement ?

Dans sa magnifique exégèse de Carême dans l’Année de grâce de l’Eglise, le théologien allemand Pius Parsch compare le Carême à une bataille spirituelle. Le Carême est certainement une guerre entre le royaume de Dieu et le royaume de Satan. Mais cette bataille a lieu simultanément sur un autre front apparenté: dans l’âme de chacun de nous. Sur ce champ de bataille, les combattants sont nos natures les plus hautes et les plus basses c’est-à-dire, l’esprit – la vie surnaturelle de l’âme – et la chair – la nature humaine, affaiblie par le péché originel (Cf. Galates 6 :8).

Parsch lit la préface du Carême dans la lumière de ce champ de bataille et du commandement du Seigneur : nous ne pouvons pas servir en même temps Dieu et Mammon. Ce dernier comprend les vices de certains plaisirs sensuels mentionnés dans la Préface du Carême. C’est le but même du Carême de les arracher. La lutte de Jésus lui-même avec Satan dans le désert – lue tous les ans le premier dimanche de Carême – nous offre un modèle pour notre propre bataille. Comme Jésus l’expliquera plus tard dans son ministère, Satan – et le péché avec lui – ne peut être chassé que par la combinaison de la prière et du jeûne.

Tous les plaisirs sensuels ne sont pas des vices, mais même les plaisirs nobles peuvent dévorer notre esprit et nous éloigner de Dieu. Quand nous renonçons de bon cœur à ces plaisirs innocents, l’esprit, dorénavant moins encombré, peut se réorienter vers le divin. Notre nature déchue, affamée de ses désirs, se rebellera véhémentement et nous sentirons notre détermination vaciller, mais nous devons nous souvenir que nous sommes en guerre et que nous devons continuer à nous battre.

Après avoir vaincu les plaisirs sensuels, nous devons continuer à lutter contre un ennemi encore plus insidieux, l’orgueil. De nouveau, Parsch nous explique comment nous battre :

S’abstenir des plaisirs sensuels rend l’âme plus forte. Les plaisirs du corps ressemblent à des poids de plomb qui retiennent l’âme à la terre ; s’ils disparaissent, si on les enlève, l’âme s’élève comme un ballon à des hauteurs célestes. Maintenant, nous voyons la grande importance qu’ont la modération, la chasteté et la virginité pour le Royaume de Dieu. Le jeûne, donc, élève l’esprit et confère à l’âme le pouvoir de pratiquer la vertu et de devenir saint. Finalement, il nous aide à atteindre la couronne de la gloire éternelle.

La volonté, alors, est l’arme la plus importante dans notre jeûne de carême, mais par elle-même, elle est incapable d’obtenir une victoire complète. Il faut fortifier la volonté par la prière et la purifier par le sacrement de la confession. Les grâces reçues ne feront pas disparaître l’ennemi – la tentation de commettre le péché ou de briser nos résolutions faites pour Dieu. Au lieu de cela, elles nous aident à lutter et rendent la victoire possible.

Une étudiante m’a dit une fois que le prêtre de sa paroisse lui avait conseillé de ne pas renoncer à quoi que ce soit pendant le Carême, car quand Pâques arriverait, elle aurait trop envie de consommer la nourriture dont elle avait manqué pour se concentrer sur la Résurrection. Cette suggestion bien intentionnée ne tient pas compte de notre nature physique, et par conséquent retire le Carême du champ de bataille de la sainteté en faveur d’une approche trop spiritualisée.

Quand nous jeûnons, nos corps prient avec nos âmes et apprennent que seul le pain du ciel peut satisfaire nos désirs les plus profonds. D’après les paroles du Pape Benoît, le « vrai jeûne est ainsi dirigé vers la ‘vraie nourriture’ qui est de faire la volonté du Père (cf. Jn 4 :34). » Pâques est l’ultime triomphe de la volonté du Père. Notre joie à prendre part à ce triomphe est augmentée seulement quand nous offrons au Seigneur ressuscité notre victoire sur le champ de bataille du Carême.

Chaque fois que nous résistons aux affres de la faim et chaque fois que nous faisons un acte de pénitence, nos corps châtiés réclament à grands cris le confort physique. Ces cris nous dirigent vers Pâques, qui nous apporte la grâce de vaincre le péché et de vivre de la vie de l’esprit. En conduisant nos egos brisés avec une volonté trempée dans la grâce, puissions-nous être trouvés dignes du jeûne que notre Seigneur a entrepris pour notre salut.

— –

David G. Bonagura, Jr. est professeur adjoint de théologie au Séminaire de l’Immaculée Conception, Huntington, New York.

Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2012/the-lenten-fast-spiritual-warfare.html

Tableau : Le Christ au désert, par Ivan Kramskoi (1872)