« Le chrétien a besoin d’enracinement » - France Catholique
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L'Église dans l'attente
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« Le chrétien a besoin d’enracinement »

Pour être universelle, la foi catholique doit-elle dépasser les cultures locales ou prendre appui sur elles ? Dans un essai stimulant qui vient de paraître (Artège) et qui fera date, Laurent Dandrieu soulève le débat en opposant Rome à Babel, l’universalité chrétienne contre le mondialisme sans racines. Entretien.
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Saint-Pierre de Rome, au Vatican.

Saint-Pierre de Rome, au Vatican.

© Antoine Mekary / Godong

Votre ouvrage attaque de front la mondialisation, qui est le modèle de notre société depuis des décennies…

Laurent Dandrieu : Il peut être tentant de croire que la mondialisation serait un phénomène neutre, un simple stade d’évolution de la circulation des personnes, des biens et des idées, sans être porteur, en soi, de valeurs.

Mais la phase actuelle de la mondialisation, totalement inédite dans l’histoire, ne consiste pas seulement dans une multiplication des échanges, mais bien dans la mise en place d’un ordre nouveau supra-étatique, soit par le biais d’institutions supranationales, soit par le biais d’entreprises multinationales qui exercent une puissance parfois supérieure à celle des États.

Cette nouvelle forme de mondialisation se déploie au détriment de la souveraineté de ces derniers. C’est une évolution qui va, objectivement, vers moins d’enracinement, moins de souveraineté des peuples, et vers un effacement des cultures particulières.

Ces effets de la mondialisation ne sont-ils pas que de simples conséquences institutionnelles de l’amplification des échanges ?

La mondialisation actuelle est vectrice de valeurs politiques et idéologiques : elle est la généralisation, au monde entier, du relativisme occidental, et donc de valeurs violemment contraires à celles qui ont fondé nos sociétés anciennement chrétiennes. Ainsi, sur les questions sociétales, l’avortement, le contrôle des naissances, la théorie du genre, la plupart des organisations internationales et des ONG véhiculent des valeurs progressistes. Par ailleurs, cette mondialisation n’est plus seulement un phénomène autonome, mais elle est poussée par une idéologie, le mondialisme, qui souhaite la porter jusqu’à ses plus extrêmes conséquences : une gouvernance mondiale où les grandes affaires du monde ne seraient plus gérées au niveau des États, mais par une autorité politique mondiale, qui régnerait sur un monde unifié et sans frontière…

Pour aller en ce sens, il est nécessaire de détacher les populations de tous leurs liens culturels, historiques, de toutes leurs solidarités nationales et religieuses. De ce point de vue, le mondialisme prolonge le travail d’un certain capitalisme dérégulé, dont le fonctionnement optimal suppose d’avoir affaire à des individus interchangeables, les plus mobiles et les moins enracinés possible : des consommateurs plutôt que des citoyens, des gens de nulle part plutôt que de quelque part.

La mondialisation n’est-elle pas une version laïque de l’universalisme chrétien ?

L’universalisme est, dans sa version chrétienne, le contraire absolu du mondialisme. Tout simplement parce qu’il renvoie à une unité spirituelle issue d’une paternité commune : nous sommes tous enfants de Dieu et donc frères. Cette paternité commune crée un rapport de fraternité entre les êtres les plus lointains, mais cette fraternité étant de nature spirituelle, ne nécessite pas, pour être effective et réelle, une traduction politique.

Retrouvez l’intégralité de l’entretien du Grand Angle dans le magazine.