L’important, de nos jours, c’est de saisir le récit ou l’info qui fait mouche. Comment ce récit est-il reçu par le public ? Est-ce notre récit ou le leur ? Pour prendre un seul exemple : celui de « guerre aux femmes », c’est l’une des plus grandes escroqueries intellectuelles de tous les temps.
Les radicaux en matière de droits à la reproduction ont compris depuis longtemps que l’Eglise catholique est leur ennemie. Ils ont aussi reconnu l’utilité des vieux et méchants préjugés, le premier d’entre eux étant l’anticatholicisme. Associez l’anti- catholicisme à l’accusation que de « vieillards blancs en soutane » régiront notre vie reproductive, et vous avez un message assez fort.
A cause de cela, des catholiques perspicaces, y compris plusieurs évêques, ont compris qu’il ne faut pas tout noyer dans l’eau bénite. Nous ne citons plus l’Ecriture Sainte et même à peine les encycliques du pape. Celles-ci peuvent façonner notre vie intérieure et nos convictions, mais ce ne sont pas les éléments les plus forts pour influencer des électeurs hésitants.
Et sur ce point, il faut faire une importante distinction. Ce qui est bon pour la religion, ce qui est bon pour votre âme et celle d’autrui, n’est pas toujours ce qui est le plus efficace en politique. Je ne prétends point dénigrer la foi, mais simplement constater un fait.
L’énigme ici est que le mouvement pro-vie est toujours largement catholique. Allez à la Marche pour la Vie et vous verrez partout des images de la Sainte Vierge et des foules de gosses récitant le Rosaire. Ce qui motive les pro-vie n’est pas la science mais la foi.
Mais les pro-vie sont parvenus à comprendre qu’il doivent parler la « lingua franca », la langue de notre temps et c’est pourquoi ils ont appris la science. En fait, de nos jours, dans la plupart des débats, vous entendez des chrétiens fidèles citer la science : la biologie, l’embryologie, la génétique et beaucoup d’autres spécialités, tandis que les absolutistes de l’avortement citent l’Ecriture Sainte afin de pousser les pro-vie à révéler leurs « vraies motivations ».
A présent, les média ne veulent retenir que le vieux récit, celui des « vieillards blancs en soutane », bla bla bla. Ainsi, quand vous voyez un groupe de jeunes femmes dans les rues tenant des pancartes pro-vie et puis, plus loin sur le côté, un vieil homme blanc qui tient son chapelet, quelle est l’image qu’ils prennent ? Celle qui corrobore leur récit et non le nôtre.
Le jour même où la décision concernant l’entreprise « Hobby Lobby » a été annoncée, le groupe de notre bord occupait absolument toute la façade de la Cour Suprême. Certains de ceux qui étaient présents disent que notre groupe n’a jamais été mieux organisé devant la Cour. D’abord nous avions l’escalier juste devant. Les photographes veulent cette image des manifestants avec la Cour derrière eux. Notre groupe arriva sur les lieux assez tôt pour se positionner à la meilleure place.
Nous avions des percussions et des slogans. Nous n’avons presque jamais la foule et les slogans suffisants pour couvrir les cris des gens de l’autre bord. Mais le jour de «Hobby Lobby », nous les avons noyés. Et l’autre atout qui était le nôtre, c’était le récit. Notre récit, c’est que des jeunes femmes défendent la liberté religieuse et que ces jeunes femmes s’opposent au mandat abortif et contraceptif. Qu’une longue rangée de jolies jeunes femmes pro-vie se soient alignées devant la Cour, cela a aidé
Elles riaient, chantaient et scandaient des slogans et honnêtement, elles avaient l’air plutôt soignées comparées à la gauche sexuelle souvent négligée. Ça a dû leur briser le cœur à ces photographes, ils n’avaient pas quelques vieux hommes blancs avec des chapelets !
Puis, tout à coup, ils en ont trouvé un. Non pas un homme âgé mais un jeune, en costume, il s’est avancé et s’est planté exactement devant ces femmes et leurs pancartes. Il a sorti d’un geste preste, vous l’avez deviné, son chapelet et s’est mis à prier. Les photographes l’ont bombardé de photos à s’en étourdir. Enfin le récit qu’ils désiraient tant. Ils ont même eu une photo d’une jeune femme debout derrière lui avec la pancarte : « enlevez vos rosaires de mes ovaires ». C’était parfait, mais comme ça faisait siècle dernier, comme ça rappelait « la guerre aux femmes ».
Michael Hichborn, un homme très bien, dirige le Programme de Défense de la Foi pour La Ligue Américaine pour la Vie, et je ne remets pas en question sa conviction que le message politiquement le plus efficace qui ait été délivré ce jour là, était celui d’un homme qui prie le chapelet. Son collègue de la Ligue Américaine pour la Vie, Rey Flores, a écrit pour LifeSite, un article qui expliquait leur point de vue.
Au milieu de tout cela, il y eut un moment sublime, celui qui impliquait un homme qui ne recherchait pas l’attention et dont on n’attendait pas la prise de parole à cet évènement.
Alors que de nombreux organisateurs de ce rassemblement tentaient de se faire remarquer pour être pris en photo, hurlant dans leurs mégaphones, faisant le plus de bruit possible, un homme fit la chose la plus courageuse qu’un homme ou une femme peut faire : il est tombé à genoux, a saisi son chapelet et a demandé de l’aide à la Vierge Marie et à notre Seigneur Jésus Christ.
Cet acte de foi simple a détourné les photographes des protestataires prévisibles et fourni l’occasion d’une photo inattendue et authentique.
Il est difficile de penser qu’il ne recherchait pas l’attention, peut-être pas pour lui-même mais certainement pour son message. Après tout, il aurait pu dire le chapelet en se tenant sur le côté derrière les caméras, ou dans sa voiture en allant à l’événement, comme l’a fait ma femme, qui était l’une des intervenantes les plus en vue à la conférence de presse. Je soupçonne que la plupart des femmes derrière leurs bannières qui excitaient la foule par leurs cris ont dit, elles aussi, leur chapelet ce matin là.
Cela fait plus de vingt ans que je dis le rosaire chaque jour. C’est l’outil le plus efficace de notre arsenal. Et la meilleure prière devant les cliniques pour avortements, où je l’ai dit aussi.
Mais était-ce le meilleur message devant la Cour Suprême ce jour là ? Etait-ce le meilleur message à délivrer à des millions d’Américains qui craignent peut-être que nous ne soyons rien de plus que l’Eglise Catholique qui essaie de leur imposer notre foi ?
Il me faut penser que la Sainte Vierge elle-même serait d’accord : parfois les visages rayonnants de jeunes femmes heureuses sont plus efficaces politiquement que même le rosaire le plus sublime.
Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2014/is-the-rosary-always-the-right-political-message.html