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La transfiguration de l’humanité (Hommage à…

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La transfiguration de l’humanité (Hommage à Paul VI)

Gaudium et spes, la “Constitution pastorale sur l’Église dans le monde de ce temps” est justement invoquée à l’appui des engagements catholiques sur les questions de justice sociale. Toutefois, ce qui manque souvent dans les appels au document est l’appréciation convenable de la fondation christologique qui sous-tend et gouverne l’approche de la constitution. À ce propos, ce qui est particulièrement important est la vision christologique :

« L’Église, quant à elle, croit que le Christ, mort et ressuscité pour tous, offre à l’homme, par son Esprit, lumière et forces pour lui permettre de répondre à sa très haute vocation. Elle croit qu’il n’est pas sous le ciel d’autre nom donné aux hommes par lequel ils doivent être sauvés. Elle croit aussi que la clé, le centre et la fin de toute histoire humaine se trouve en son Seigneur et Maître. Elle affirme en outre que, sous tous les changements, bien des choses demeurent qui ont leur fondement ultime dans le Christ, le même hier, aujourd’hui et à jamais. C’est pourquoi, sous la lumière du Christ, image du Dieu invisible, premier-né de toute créature, le Concile se propose de s’adresser à tous, pour éclairer le mystère de l’homme et pour aider le genre humain à découvrir la solution des problèmes majeurs de notre temps (GS 10). »

En relation à Jésus-Christ qui est, ainsi que la constitution l’établit en gras, « la clé, le centre et la fin de toute histoire humaine », l’humanité découvre sa véritable identité at sa véritable vocation.

Cette confession déconcerte nos esprits et nous peinons à comprendre quelque chose de son ampleur. Là, comme le savait le cardinal John Henry Newman, une image ou une icône peut servir à concentrer notre attention et à ouvrir de nouvelles vues à explorer, à la fois intellectuellement et affectivement.

Y a-t-il une image qui dessine le Christ de manière plus riche et plus suggestive en tant que « clé, centre et but de l’histoire » que celle de la Transfiguration ? Moïse et Élie sont peints de part et d’autre de Jésus, baignés par Sa lumière. Leur propre éclat n’est rien d’autre qu’un reflet partiel et qui provient de la gloire qui émane de Lui.

Non seulement Jésus transfiguré accomplit la Torah et les prophètes, mais Il récapitule en Lui toutes les relations de Dieu avec l’humanité. Jésus concentre et intensifie toutes les forces spirituelles de l’univers et les renvoie vers ses disciples émerveillés. Ils Le reçoivent comme ils peuvent, « la grâce répondant à la grâce ». Parce qu’Il est le véritable désir de chaque cœur humain, même s’Il n’est pas toujours reconnu comme tel.

Dans la préface de la prière eucharistique de la fête de la Transfiguration du Seigneur, nous prions avec justesse que soit annoncé « à tout le corps de l’Église qu’il brillerait à son tour de la lumière divine dont avait resplendi sa Tête. » Mais nous savons, par le récit de la Transfiguration du Seigneur que fait saint Luc, le sujet de l’échange entre Jésus, Moïse et Elie : « Ils parlaient de son prochain départ qui allait s’accomplir à Jérusalem » (Lc 9, 31). Ainsi, la sortie d’Égypte dirigée par Moïse et le départ d’Elie sous le regard émerveillé d’Élysée, étaient des présages du véritable voyage de Jésus vers le Père.
Ainsi que Gaudium et Spes le proclame dans un autre passage : « L’Esprit Saint offre à tous, d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’être associé au mystère pascal. » (GS 22). La logique de la Transfiguration est toujours une logique Pascale. La Transfiguration ne se produit que par le chemin de la Croix.

Ainsi, pour moi, deux autres images, des icônes si vous voulez, illuminent cette fête. L’une est une photo accrochée sur mon mur, datée de fin juin 1963. Ce jour-là, le cardinal Francis Spellman conduisait quinze prêtres et séminaristes de New-York, qui étudiaient à Rome, à une audience de Paul VI récemment élu. Sur la photo, nous sommes placés en demi-cercle, le dynamique Pontife est debout au milieu de nous, le visage rayonnant, prêts à recevoir l’appel du Seigneur.

L’un des premiers actes mémorables du pape Paul fut de réunir le deuxième concile du Vatican, dont la première session s’était achevée en décembre et dont l’avenir était incertain. Lors de son discours d’ouverture de la deuxième session en septembre 1963, Paul a résumé l’objectif du concile par ces mots : « proclamer au monde entier… que le Christ est notre début et notre guide, notre chemin, notre espérance, et notre fin. ». Chacun des documents laborieusement produits pendant les trois sessions suivantes porte cette empreinte christologique claire, tandis que Paul menait habilement le navire conciliaire à bon port.

La seconde image placée à côté de celle du pape nouvellement élu date de quinze ans plus tard. Elle montre un Paul émacié, épuisé, dans la chaire de la basilique de St Jean de Latran. Les années troublées ont perçu leur octroi – le moindre n’étant pas la réaction à sa réaffirmation des enseignements moraux dans Humanae vitae. Et un coup de poignard final dans le cœur : l’enlèvement et l’assassinat par les Brigades Rouges de l’homme d’État ami de Paul, Aldo Moro.

Paul a présidé les funérailles et de la chaire, comme un prophète de l’Ancien Testament, a admonesté le Seigneur : « Nous t’avons supplié pour la sécurité de cet homme bon et innocent qui était mon ami, mais Tu n’as pas tenu compte de notre prière. » Mais le pape en deuil réaffirme sa foi au Christ qui l’a soutenu pendant toute sa vie. Il déclare : « Toi, ô Seigneur, Tu n’as pas abandonné son âme immortelle, scellée par la foi dans le Christ qui est la résurrection et la vie. »

En contemplant ces deux photos – le jeune pape énergique et le vieux pontife, le visage creusé par la souffrance et les épreuves -, les yeux de la foi discernent la trajectoire pascale de la transfiguration dans une vie humaine. Qu’il s’agisse du pape, d’un prophète ou de tout homme, le coût de la transfiguration n’est « rien moins que tout »

Paul VI, dont la mort a sûrement été hâtée par le meurtre de Moro, a achevé son propre voyage vers le Seigneur environ trois mois plus tard, lors de la fête de la Transfiguration, le 6 août 1978. C’était un dimanche, jour de la résurrection.

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Icône : La Transfiguration (auteur inconnu), v. 1516 [Monastère de la Transfiguration, Yaroslavl, Russie]

Robert Imbelli, prêtre de l’archidiocèse de New York, est professeur émérite associé de théologie au Boston College. Il est l’auteur de Rekindling the Christic Imagination: Theological Meditations for the New Evangelization (« Raviver l’imagination christique : méditations théologiques pour la Nouvelle Évangélisation »).