J’ai précédemment écrit dans ces pages comment, il y a des années, j’ai lutté avec mon désir profond de devenir trappiste, comment cela a harcelé mon cœur durant des années. J’ai fini pas proposer ma candidature à l’abbaye de Gethsemani et j’ai suivi de longues retraite au cours desquelles je n’ai guère fait autre chose que de m’agiter et de penser aux filles.
Je ne m’y sentais alors jamais chez moi, jamais en paix. Pourtant, quand j’en étais loin, de retour à mon foyer et mon travail, je ne pensais qu’à ce lieu. Mais chaque fois que j’y allais, c’était affreux.
Je cherchais un signe. Evidemment, le signe était déjà là. Pas de paix, pas de vocation. Mais je pensais que c’était ma faute. Je pensais que c’était la faute de la société moderne si un homme moderne ne pouvait pas rester tranquille suffisamment longtemps pour entendre, véritablement entendre, un tel appel. Alors je me suis entêté.
En octobre 1999, j’ai demandé à mes amis de faire une neuvaine à sainte Thérèse de Lisieux afin d’obtenir un signe clair : Avais-je la vocation de trappiste ou la vocation à rester dans le monde ? De fait, j’ai fini la neuvaine dans la cathédrale Saint-Patrick, en face d’une petite boîte contenant les reliques de Sainte Thérèse, qui effectuait une visite en 115 étapes des Etats-Unis. Cela, pensais-je, me garantirait presque à coup sûr un signe à propos de ma vocation.
Quelques jours plus tard, je prenais l’avion pour une allocution aux Philippines. Une chose qui ne devrait pas être permise. C’est un voyage aérien trop long, trop long pour rester enfermé dans un avion, surtout pour quelqu’un de ma taille et de ma corpulence.
J’ai absolument besoin d’un siège côté hublot, surtout sur un vol long-courrier, afin de pouvoir me tasser contre la paroi et tâcher de dormir un peu. J’ai vérifié plusieurs fois que j’avais bien un siège côté hublot. La dame qui contrôlait m’avait dit : « Nous avons un siège côté hublot dans un couloir d’évacuation. Cela vous convient-il ? » Et comment !
Mais à la place, j’ai dû rejoindre mon siège dans le milieu de l’avion, contre la paroi. J’ai paniqué. J’ai harponné une hôtesse de l’air et, une authentique frayeur de plus en plus perceptible dans la voix, lui ai expliqué ma situation délicate. Elle est allé voir si elle pouvait faire quelque chose. J’ai fait de même avec une autre, et une autre encore. Je suis même descendu de l’avion, envisageant de ne pas partir.
Finalement, je me suis résigné à subir l’inéluctable torture de ce vol, espérant faire un changement à Vancouver. Nous décolâmes. Une hôtesse vint me montrer comment utiliser la télé. Elle m’offrit une boisson. « Une double », répondis-je. « Et pourquoi pas une triple ? », dit-elle alors. Durant tout le trajet, elle exerça sur moi une surveillance attentive et quasi affectueuse.
Juste avant Vancouver, elle me dit qu’elle s’était arrangée pour me transférer dans la classe affaire durant le long vol à travers le Pacifique. Elle me dit également qu’elle quittait l’avion. Mon ange partait. Je demandai : « Puis-je savoir votre nom ? » Elle répondit : « Rose ».
Demander l’intercession des saints est une des choses qui choquent le plus nos frères protestants. Ils pensent que nous évoquons les morts ou que nous adorons quelqu’un d’autre que Jésus, avec qui, quand même, nous avons une relation directe. La prière d’intercession est pourtant profondément biblique.
Saint Jean décrit dans l’Apocalypse les saints du ciel offrant nos prières à Dieu comme « des coupes d’or remplies d’encens, qui est la prière des saints. » Et le Nouveau Testament regorge de passages recommandant la prière d’intercession. Il est regrettable de ne pas bénéficier de cette immense communauté d’amour parce que vous êtes protestant et n’y croyez pas ou parce que cette pratique a disparu de votre vie de catholique.
Sainte Thérèse aimait la nature et se voyait elle-même comme une simple fleur des champs, inaperçue, rendant discrètement gloire à Dieu. Elle se nommait elle-même « La petite fleur de Jésus ». Sur son lit de mort, elle déclara : « Après ma mort, je ferai tomber une pluie de roses. Je veux passer mon ciel à faire du bien sur la terre. »
Peu après sa mort, des roses ou le parfum de roses commencèrent à apparaître, et des miracles furent attribués à son intercession. La Société de la Petite Fleur le dit magnifiquement : « les roses sont la signature de Thérèse, c’est sa façon de murmurer à ceux qui ont besoin d’un signe qu’elle a entendu et que Dieu répond ».
Après ma neuvaine, dans ce moment passager de détresse, la Petite Fleur m’a envoyé une Rose, peut-être pas une fleur, mais une personne. Comme c’est spirituel. Comme c’est splendide.
Mais attends, ça veut dire quoi ? Gethsemani ou Manhattan ? Et alors, la lumière se fit dans mon esprit. Quel idiot je faisais. J’avais posé une question à choix multiple !
Finalement, c’est la paix du cœur qui a été la réponse à ma question. Gethsemani ne me l’avait pas donnée, sauf dans mon imagination. Quand j’ai rencontré ma future femme, j’avais continuellement l’âme en paix.
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Austin Ruse est le président de Catholic Family & Human Rights Institute (C-FAM), un institut de recherche basé à New-York et Washington qui se consacre aux politiques sociales internationales. Les opinions exprimées ici sont celles de M. Ruse et ne reflètent pas nécessairement les politiques et positions du C-FAM.
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Source :
http://www.thecatholicthing.org/columns/2012/the-always-witty-little-flower.html
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Tableau : St. Thérèse de Lisieux par Donald Porter, 2007.