La Terre sainte à cœur - France Catholique
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Le Christ vrai Dieu et vrai homme
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La Terre sainte à cœur

Théologien et bibliste, le Père Olivier-Thomas Venard, o.p., livre une réflexion d’une brûlante actualité sur la Terre sainte, déchirée par les conflits.
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Ce n’est pas anodin d’habiter depuis un quart de siècle au couvent Saint-Étienne de Jérusalem. Tout d’abord, c’est s’inscrire dans la tradition prestigieuse du Père Marie-Joseph Lagrange, fondateur de l’école biblique et archéologique française [1890], qui permit le développement d’une exégèse vraiment catholique, capable de sortir de la crise moderniste, tout en faisant appel aux disciplines scientifiques dont se targuait le protestantisme libéral. Mais il y a aussi le fait d’habiter au cœur de la Ville sainte, aujourd’hui, dans la situation d’un pays en guerre, dont on se demande s’il échappera jamais à l’impossibilité d’une cohabitation entre Israéliens et Palestiniens. Et que dire de la dimension religieuse de ce conflit avec la triple présence juive, musulmane et chrétienne de Jérusalem ?

« Vertu de religion »

Le Père Olivier-Thomas Venard est en droit d’affirmer que la situation de la Terre sainte le plonge dans un profond mal-être : « Cette terre qui nous est si chère s’enfonce dans un désastre physique et moral qui laisse sans mots, qui nous laisserait presque sans espoir. Mais il nous reste la foi. » C’est ce même religieux, de l’ordre de saint Dominique, qui déclarait, il y a quelques mois, au Figaro Magazine, que ce qui manquait le plus à Jérusalem, c’était justement un sentiment religieux authentique. Ce qui provoqua une réaction moqueuse du Canard enchaîné. Il est vrai que l’hebdomadaire satirique n’était pas en manque d’arguments quant aux affrontements interreligieux. Mais le Père Venard entendait le mot religion dans son acception la plus exigeante : « Cette vertu de religion consiste à rendre à Dieu ce qui est dû à lui seul, c’est-à-dire l’adoration, notamment, mais pas exclusivement, à travers l’hommage des actes du culte. En contexte biblique prophétique, elle implique d’abord un agir moral : celui de respecter comme un absolu toute personne humaine car celle-ci est l’image de Dieu, comme le sous-entend la transcendante poétique des toutes premières pages de la Tora. »

Richesses liturgiques

À l’école biblique, notre dominicain est voué d’abord à des tâches de recherche, d’enseignement et de publication. Ce qui ne l’empêche pas d’entretenir une multitude de relations avec des collègues universitaires juifs et musulmans. Ce qui le rend très sensible à ce qu’on appelle le dialogue interreligieux, sur lequel il peut s’attarder longuement. Cela n’a rien à voir avec l’attitude relativiste dénoncée par Benoît XVI. Bien au contraire ! Au passage, le Père Venard se montre particulièrement sévère à l’égard d’un réformisme liturgique qui nous prive des richesses symboliques anciennes, ainsi que d’une catéchèse qui prive les enfants de la densité dogmatique nécessaire. Ce n’est donc pas lui que l’on prendra en défaut d’orthodoxie.

Mais l’habitude de côtoyer des interlocuteurs juifs l’a amené à approfondir les relations entre nos deux religions : « Aussi paradoxal que cela puisse sembler à qui n’a pas pris la pleine mesure du dogme central du christianisme, il faut avoir le sens juif de la transcendance et de l’unité de Dieu pour entrer pleinement dans la foi chrétienne. » Voilà qui nous renvoie à Vatican II, mais le concile était lui-même complètement tributaire de l’enseignement de saint Paul dans l’épître aux Romains.

Perspectives nouvelles

Je me permets de souligner l’exceptionnel intérêt de ce livre, en raison de la culture de son auteur, de son expérience, et aussi de sa faculté à ouvrir des perspectives nouvelles, ne serait-ce qu’en jetant un regard acéré sur bien des aspects de notre histoire. Je recommanderai particulièrement son analyse du sens du visage voilé de la synagogue à la cathédrale de Strasbourg. Pour résumer, cet essai est à la fois d’une brûlante actualité et d’une exigence intellectuelle à la mesure de nos plus graves défis. 

Il nous reste la foi, Père Olivier-Thomas Venard, éd. Grasset, avril 2025, 234 pages, 20,90 €.