« O Roi, la vie actuelle de l’homme sur la terre me semble, en comparaison du temps qui nous est inconnu, comme le vol rapide du moineau qui traverse la salle à manger où vous prenez votre repas un soir d’hiver… la vie de l’homme apparaît ainsi pour un instant, mais nous ne savons rien du tout de ce qu’il y a avant ou après. Si donc cette nouvelle doctrine [le christianisme] nous dit quelque chose de plus sûr, il semble juste de la suivre dans notre royaume. »
Bède le Vénérable rapporte cette remarque du chrétien Paulinus cherchant à convertir le roi Edwin, dans le royaume de Northumbrie du 7e siècle. Mais la comparaison de la vie avec un oiseau de passage dans une petite pièce éclairée le soir remonte aux anciens philosophes grecs et romains qui savaient, sans même l’appui de la révélation biblique, que notre vie humaine sur la terre est infinitésimale comparée aux éternités qui précèdent et qui suivent. La raison, même païenne, avait saisi cette vérité lors de son zénith et c’est devenu un lieu commun dans la pensée catholique, et même chrétienne en général, que nous apprenons à évaluer correctement les choses de cette vie quand nous les examinons sur l’arrière-plan de l’éternité.
S’il y a une chose qui a brillé par son absence lors de ce synode sur la famille, c’est cette dimension de sagesse et les nombreuses conséquences pratiques qui en résultent dans la culture catholique. Les critiques du christianisme accusent souvent les croyants de négliger les réalités terrestres pour des châteaux en Espagne. Quand cela se produit, c’est sans nul doute en raison d’une défaillance à envisager la totalité de la foi chrétienne et son incarnation. Comprendre la brièveté de la vie n’est pas une évasion hors de la réalité mais du réalisme, et vivre notre vie en étant conscient de cette vérité change nos perspectives sur toute chose. A notre époque, s’il y a un manque caractéristique dans la pensée chrétienne – et cela a été partiellement le cas au cours du synode comme partout ailleurs – ce n’est pas de sous-évaluer notre existence matérielle. C’est que nous trouvons difficile de lever notre regard vers les choses qui transcendent, aujourd’hui et toujours, nos espoirs et nos craintes, nos satisfactions et nos déconvenues.
Vous ne pouvez pas vous empêcher de ressentir que pas mal de problèmes que nous ne pouvons pas résoudre au niveau assez superficiel d’une large discussion publique serait remis dans la perspective appropriée si nous redécouvrions l’ancienne sagesse païenne et chrétienne sur la brièveté et l’inachèvement de la vie sur terre. C’était déjà un vieux débat chez Platon, par exemple, qu’il devait y avoir des récompenses et des punitions après la mort, car sinon les souffrances et injustices patentes et sans solution dans cette vie signifieraient que le monde est fondé sur l’injustice. Le Livre de l’Apocalypse (21:4) l’exprime avec davantage de force encore : « Et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux : et il n’y aura plus ni mort, ni deuil, ni pleurs, ni chagrin, car les choses anciennes ne sont plus. »
Quand les pères synodaux font observer, comme certains d’entre eux l’ont fait, qu’il n’y a pas toujours des réponses pour les situations qui arrivent dans cette vie, nous pourrions souhaiter qu’ils soulignent comme part de « l’accompagnement » qu’ils recherchent, non pas uniquement la fraternité humaine ordinaire mais également le côté sagesse de la raison et les promesses plus grandes de la foi. Comme nous en arrivons aux difficiles questions que nous avons tous prévues en cette semaine finale du synode de la famille, nous pouvons espérer que ces perspectives seront mises davantage en évidence, dans l’intérêt des résolutions finales, mais également dans l’intérêt du peuple de Dieu.
Mais ils devront faire vite cette semaine. Pour aider à nous orienter dans ce que nous allons découvrir les jours prochains, il vaut la peine de revoir soigneusement comment les choses vont se dérouler.
Le travail prévu pour cette semaine a déjà, dans une grande mesure, débuté (comme nous l’avons rapporté, plusieurs évêques pensent que la partie trois du texte, celui avec les données les plus controversées, telles que la communion pour les divorcés remariés et comment agir avec ceux qui ressentent une attraction pour les personnes de même sexe, ne pourrait pas être suffisamment examinée si on ne s’y met pas plus tôt que prévu par le programme). Ce travail sera pratiquement achevé dans très peu de jours (si la programmation est tenue), trop peu si l’on considère comment tous les discours préalables et corrections seront concrétisés en paragraphes dans le Rapport Final.
Jeudi et vendredi de la semaine passée ont été dévolus à la discussion en Congrégation Générale de la troisième partie du Document de Travail, ou Instrumentum Labori. Le week-end a été principalement réparti en deux autres sujets : la célébration du cinquantième anniversaire du synode des évêques, et les canonisations de Vincent Grossi, Marie de l’Immaculée Conception, Louis et Zélie Martin-Guérin.
Mais toute la journée de lundi et de mardi, on retournera aux petits groupes de discussion – neuf heures et demie au total, beaucoup de lecture attentive et de réécriture. Tard dans l’après-midi de mardi, les treize rapports des petits groupes seront lus à l’ensemble du synode, les modifications écrites (les modi) de la partie 3 seront données au comité de rédaction, et un premier tour de vote aura lieu. C’est beaucoup en seulement deux heures et demie, surtout après des journées aussi chargées. Mais la plupart des pères synodaux seront au repos tout le mercredi, pendant que la commission de rédaction du Rapport Final planchera toute la journée.
C’est alors que commencera le moment crucial. Tôt le jeudi, la commission présentera au synode tout entier ce qui s’apparente à une rédaction du Rapport Final (et les derniers votes auront lieu). Ce sera la première fois où l’on pourra voir dans quelle proportion les pères synodaux auront transformé l’Instrumentum Labori. Il pourrait y avoir de petites ou de grandes surprises – quoique ce serait vraiment une très grande surprises si, avec tant de gens impliqués dans le processus ou l’observant de l’extérieur, quelque chose d’aussi radical que le Rapport Intermédiaire de l’an passé émergeait à ce moment-là.
C’est là que l’organisation peut jouer un grand rôle. Sur le programme, l’assemblée synodale fait la pause à 10 h 30 le jeudi et ne reprend la session qu’à 16 h 30, et jusque 19 h. Cela signifie que les évêques n’auront que 6 heures, y compris le temps de repas pour examiner en privé un document interminable qui peut présenter plusieurs nouveaux point cruciaux. Ensuite ils se rassemblent pendant seulement deux heures et demie pour parler de ce qu’ils ont trouvé, bien que des interventions écrites soient également autorisées. En substance, environ une journée de travail pour répondre à ce que le comité de rédaction a forgé.
Samedi, un autre jour serré de réaction. Le texte « final » est lu le matin entre 9 h et 12 h 30. Les évêques font une pause de quatre heures et enfin, entre 16 h 30 et 19 h, ils sont censés voter, paragraphe par paragraphe, ce qu’ils acceptent et rejettent dans ce texte.
Quand ce sera fait – et peu s’attendent à ce que ce soit à 19 h juste – ils chanteront le Te Deum et le Saint-Père recueillera les avis, et, espérons-le, la sagesse de son synode des évêques sur la vocation et la mission de la famille.
Illustration : une famille au synode
Source : http://www.thecatholicthing.org/2015/10/19/wisdom-and-the-synod-schedule/