Hier nous fêtions l’Immaculada concepciun (orthographe béarnaise certainement défaillante), telle que la Vierge Marie s’est présentée à la petite Bernadette : nom assez proche de l’espagnol Inmaculada Concepcion…
J’aime l’expression de Georges Bernanos pour justifier qu’elle soit réputée « la seule femme capable de nous comprendre totalement », comme le dit Pierre Descouvemont.
Nous comprendre… nous « prendre avec » elle, nous empêcher de commettre l’irréparable, mais chacun de nous dans le même écoulement du temps, non pas à tour de rôle. Je dis cela dans le bonheur de regarder attentivement une reproduction d’une Vierge de Zurbaran : elle est en pleine assomption, car deux petits anges indiquent bien qu’il s’agit de cela : sa montée à travers Ciel comme à travers Temps vers Celui que son cœur aime à jamais.
Son statut de « ressuscitée comblée de grâce », de « Reine des Anges », de « Reine du Ciel et du Purgatoire », de « Mère à jamais du Fils Unique du Père », lui permet d’être partout où il convient qu’elle soit. Et si, à travers le monde nous sommes dix-mille à avoir besoin de sa « compréhension », elle nous entendra tous, fussions-nous bien plus nombreux encore.
Oui, elle est la Mère incomparable, la toute prévenante, la plus préoccupée de notre salut, la plus effarée devant nos sottises : car elle sait parfaitement que chaque jour nous frôlons le pire, encore que les chrétiens soient mieux armés que tous les autres êtres humains car ils n’ont pas tous oublié la mauvaiseté et la puissance du Prince des Ténèbres.
Écrivant ces lignes, je « contemple » – au sens le plus fort du mot – cette œuvre de Francisco Zurbaran, « l’Immaculée Conception », mais par le peintre nommée avec justesse la « Purissima ».
Rien de sombre en ce tableau, que lumière, pourpre royale, bleu d’une nuit parfaite ! La Vierge est vêtue d’une robe blanche telle que je les souhaite à toutes les femmes peu soucieuses de dévoiler indûment, parfois impudemment, quoi que ce soit de leur corps mais assez ample pour être, sous l’action d’un vent léger, comme prise d’une très douce palpitation de bonheur : car tout en cette œuvre suggère ce bonheur !
Le manteau, d’un bleu de pleine mer, se gonfle en multiples flammes d’eau que suscite une « brise légère », signe d’une présence divine !
L’impensable surgit et ravit l’âme autant que l’esprit : ne fut-elle pas baignée, l’infante tant aimée du Père, dans les eaux salvatrices d’un baptême de désir ? Ainsi l’on voit que ce Souffle venu de très haut emporte Marie, la soulevant avec une tendre douceur tandis qu’en ce voyage vertical vers un ailleurs tout de beauté, de grandeur et de délicatesse, « assomption » qui la bouleverse d’une joie à la fois très pénétrante et précieuse, la Toute Belle n’oublie pas de louer, prier, remercier : elle joint ses mains qui enserrèrent ainsi le tout petit Enfant de Noël ; elle baisse ses paupières alors qu’en elle s’élève le chant qui l’habite tout entière, le chant de son cœur adressé à son Fils ainsi qu’à l’Esprit Saint. Car ces yeux clos enferment l’Infini en leur nuit : jamais elle ne perd de vue Celui qu’elle a porté et dont l’amour ne fait toujours que grandir.
Mais en la regardant plus attentivement, on se rend comte que cette Mère est une enfant très pure et sainte, quoique manque l’auréole autour de sa tête : seule sa chevelure, longue et souple, d’un brun légèrement roux, suffit à encadrer son visage comme à faire valoir son humilité, son impeccable chasteté. Était-il d’ailleurs nécessaire que la signature de la sainteté soit affichée comme si nous ignorions tout à son sujet ?
Francisco Zurbaran n’a voulu comme modèle pour son visage que celui d’une enfant dont il savait d’expérience qu’elle était la plus proche de l’idéal recherché : sa propre fille, âgée de douze ans. Le plus bel âge, à mon sens, chez les demoiselles, du moins celles d’autrefois. Aujourd’hui… les chansons, les films, les émissions de télévision, même les livres pour enfants, sournoisement embrigadés dans la croisade du « gendeure », font qu’on ne sait, littéralement, plus à quel saint se vouer. Tout est tourneboulé, et l’innocence n’a plus de demeure : partout il lui faut entendre le pire, la perversion même.
Encore que… La Vierge Marie sait mieux que moi combien les perles rares sont plus nombreuses qu’on ne le pense : elle qui les suscite et les rend victorieuses par sa simple présence.
Il me faut ajouter combien cette image de la Vierge Marie m’a ému : impossible de ne pas voir que l’Esprit Saint soufflait sur les doigts de Zurbaran. Ce visage si tendre porteur d’une telle enfance est aussi le visage d’une mère comblée, qui a su dans le même élan tenir compte de la joie comme de la souffrance, éprouver le bonheur le plus ineffable qui soit, donner d’elle le tout de son être, que ce fut en l’heure du plus pur recueillement, alors vécue dans le sein de l’étable de Bethléem, ou celle de la plus profonde angoisse dont fut enserrée son espérance alors qu’elle montait à la suite de son Fils, l’Unique du Père, la rude pente de ce qui depuis deux mille ans a pour nom Calvaire !
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