La Pentecôte, Babel et la diversité - France Catholique
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Avec les aumôniers du jour J
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La Pentecôte, Babel et la diversité

L'épisode de la tour de Babel se révèle d'une saisissante actualité.
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On entend souvent dire que la Pentecôte est une « anti-Babel ». Il est vrai que, selon l’Écriture, au moment du célèbre épisode de la tour de Babel, les hommes ont été dispersés par la confusion linguistique (Genèse 11, 1-9), tandis qu’à la Pentecôte, l’Esprit Saint les a réunifiés par le don des langues donné aux apôtres (Actes, 2). Tout cela est bel et bon, mais approfondissons un peu.

« Faisons-nous un nom… »

Après le Déluge, les descendants de Noé entreprennent de construire une immense tour de briques : « Allons ! bâtissons-nous une ville et une tour dont le sommet touche au ciel, et faisons-nous un nom, afin que nous ne soyons pas dispersés sur la face de toute la terre » (Gen.11,4). La pointe du projet transparaît dans l’expression centrale du verset : « Faisons-nous un nom ». Cette expression d’apparence anodine a une immense portée : au moment de la création, en effet, Dieu a donné à l’humanité le pouvoir de nommer les êtres qui lui sont subordonnés, mais pas de se nommer elle-même.

Se nommer soi-même, c’est une sorte de folie réflexive, un rêve d’auto-engendrement. C’est prétendre ne rien recevoir, ne rien devoir à personne. C’est l’impiété parfaite, l’orgueil achevé, la pride absolue. Car, en toute rigueur, le seul à s’être fait lui-même son nom, c’est Dieu. Les juifs, d’ailleurs, appellent Dieu « le Nom » (Hashem). Et nous-mêmes, chrétiens, nous disons à leur suite : « Il n’y a sous le ciel aucun autre nom par lequel nous devions être sauvés » (Actes 4, 12).

Les rêves de la modernité

La tour est ainsi beaucoup plus qu’une tour ; c’est un projet visant à acquérir une parfaite autarcie, une totale sécurité, une indépendance radicale à l’égard de la Création et de son Créateur. Se couper de la nature, s’éloigner du sol, tout artificialiser, vivre pour toujours dans une ville gigantesque, dans les étages d’un gratte-ciel sans limite… Tout y est. Platon n’est pas le seul à avoir anticipé les rêves de la Modernité ; la Bible aussi les a décrits. Un midrash saisissant rapporte même que, sur cette tour en perpétuelle construction, puisqu’elle s’était donné un terme inatteignable, la vie des personnes ne comptait plus autrement que comme un moyen au service de la tour.

On peut voir là une prophétie de l’objectif de croissance infinie que la société moderne s’est donné depuis trois siècles : d’abord présentée comme un moyen au service de l’homme et de ses aspirations, l’économie finit par devenir autonome et par imposer ses fins propres.

On ne produit plus pour satisfaire des besoins réels, on crée des besoins artificiels pour permettre la production, et accroître ainsi le volume du PIB. L’abstraction quantitative devient une fin en soi qui dévore toute réalité vivante, comme un Moloch.

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