Le pape François travaille dur à une nouvelle encyclique sur l’environnement et va semble-t-il la publier d’ici peu. Pour des raisons qui ne sont pas entièrement claires, on en attend beaucoup. De Rome, les fuites soulèvent certaines questions, mais aussi certains espoirs.
Les espoirs résident dans le fait que le Vatican semble faire de vastes consultations et pourrait incorporer dans le texte final un certain nombre de retours d’information sans équivoque.
Les questions sont doubles : Les documents de l’Eglise sont presque toujours interprétés de travers par les media – c’est à dire par les principaux relais d’information de la plupart des gens, même la plupart des catholiques – et pas toujours pour des raisons idéologiques. Simplement, les catholiques sont plus à l’aise en traduisant l’enseignement catholique par les catégories politiques familières de droite et gauche. Les catégories religieuses sont trop étrangères, ou trop à côté de la plaque, pour la plupart d’entre eux.
L’encyclique sera certainement traitée d’anticapitaliste et libérale dans ses politiques environnementales. Dans ce que j’en ai vu jusqu’à présent, il y a du vrai. D’abord, dans le brouillon – qui n’est jusqu’à présent qu’un brouillon- il y a des passages qui parlent du climat comme d’un « bien collectif ».
C’est un langage étrange pour un texte catholique car il rappelle une tension très pénible de l’histoire sociale du vingtième siècle. (On peut peut-être pardonner à ceux d’entre nous qui ont un certain âge d’en être venus à penser que presque tout ce qu’ils entendent appeler « collectif » est plus ou moins irréel, ou un échec pour ne pas dire de la pure tyrannie. )
Le catholicisme utilise un concept bien mieux articulé : « Le bien commun », qui évite à la fois le collectivisme et l’individualisme.
Mais on parle aussi de l’Etat comme du premier garant du bien commun. Ceci aussi semble faire fi de l’histoire, une histoire évidente, où les régimes prétendant représenter les intérêts de l’humanité entière, sont devenus parmi les plus brutaux et les plus sanguinaires qu’on ait jamais vus.
La pensée sociale catholique repose sur quatre principes de base : Le bien commun, la solidarité, la subsidiarité et la dignité humaine. Les deux dernières – mais on pourrait le dire des quatre – préservent les personnes, la société civile et d’autres lieux de liberté et de vérité des injustices de l’Etat.
On n’a pas besoin d’être un libertaire ni un partisan d’un Etat gardien de nuit pour penser que de compter sur les gouvernements – ce qui dans les pays démocratiques veut dire les politiciens et ceux qui les influencent – pour faire ce qu’il faut, en l’absence de forces de contrepoids. C’est aller au-devant de difficultés. De graves difficultés. Tous les composants de la société ont un rôle à jouer pour promouvoir le bien commun.
Un catholique peut trouver que la politique de l’environnement fait partie du rôle spécifique de l’Etat. Mais nous ne donnons pas à l’Etat un chèque en blanc dans ces matières, pas plus que nous ne pensons qu’un capitalisme débridé (ce chameauléopard mythique que l’on trouve dans de nombreux commentaires sociaux -religieux) pourra résoudre tous les problèmes. L’Union Soviétique, et la Chine communiste ont supprimé toute entreprise privée et ont dirigé leurs économies entières – et elles ont été/ sont parmi les pires pollueurs de l’histoire récente.
En plus des considérations politiques et économiques, il semble qu’il y ait des problèmes scientifiques dans le texte. J’ai vu un passage qui parle de « développement durable », un cliché parmi certains cercles écolo. Ce terme, comme beaucoup d’autres dans ce domaine, ne sert strictement à rien car il peut vouloir dire n’importe quoi : selon les paramètres que l’on choisit, pratiquement toutes les activités humaines peuvent être traitées de « durables », depuis l’utilisation de combustible fossile jusqu’à la procréation de bébés.
De plus, la simple notion de durabilité implique que l’écosphère terrestre est stable et qu’il y a un « équilibre de la nature » que nous devrions conserver. Rien de tout cela n’est vrai excepté pour des périodes et des distances très courtes.
Si vous voulez avoir un aperçu du vrai « changement climatique », regardez L’Age de Glace. C’est cela la norme – l’espèce de période « interglaciaire » dans laquelle nous sommes depuis environ 11 000 ans, est une relative exception, et l’a été dans une période de 2 milliions d’années. En Amérique du Nord, le Canada et environ la moitié nord des Etats Unis ont été habituellement recouverts d’une couche de glace de 1 600 mètres d’épaisseur. Voilà la Terre que Dieu a créée, bien avant que nous n’arrivions sur scène.
La notion d’un « équilibre de la nature » est une vision ancienne et romantique, que la science moderne n’a pas retenue. Les meilleurs livres sur la question ont été écrits par le scientifique écologiste Daniel Botkin : Les harmonies discordantes et la suite La lune dans la coquille du nautilus, et tous deux exposent qu’une des raisons pour lesquelles nous «échouons » dans les tâches environnementales que nous pourrions très bien exécuter, c’est que nous nous trompons dans notre perception de la nature.
Dans mon propre livre La Vierge et la Dynamo, J’ai parlé de la façon dont les gens religieux parlent en général non pas de la nature que Dieu a vraiment créée, mais de celle qu’ils croient qu’Il a créée. La nature, du moins l’expérience que nous en faisons à présent, n’est pas le jardin d’Eden. Elle nous a défiés par le passé, et nous défie encore de nos jours. Cela demande une sagesse extraordinaire de savoir comment trouver l’équilibre entre le soin pour cette création dynamique, et les besoins humains – qui, selon l’avertissement de François, sont encore immenses dans une grande partie du monde. Espérons que la nouvelle encyclique reflètera toutes ces vérités.
Les questions d’environnement englobent tout – le soleil et les autres influences extraterrestres, les masses complexes de la terre, les forces et les formes de vie, et l’activité humaine. C’est ce qui rend ce sujet digne d’être traité par un commentaire religieux bien fait.
Bien sûr, le problème est que c’est rarement bien fait, c’est-à-dire en laissant de côté les questions techniques et scientifiques, et les propositions de politique épineuses à propos desquelles les autorités religieuses son peu expertes – et les experts eux-mêmes sont en désaccord entre eux, comme ils le sont sur tous les autres sujets.
L’Eglise est bien établie sur son propre terrain quand elle se centre sur les grands principes qui devraient gouverner des créatures comme nous, qui peuvent faire des choix rationnels, même en l’absence d’une connaissance complète de ce qui peut ou devrait être fait.
Plus important encore, l’Eglise – comme Benoit XVI l’a suggéré – pourrait nous aider à retrouver un autre sens de ce que la nature est en vérité : ni un royaume idéal, ni un simple matériel à utiliser, ce qui serait une bonne chose non seulement pour l’environnement naturel, mais aussi pour l’humanité.
L’encyclique est encore une œuvre en cours de rédaction. Nous verrons bientôt si il y a quelque chose d’utile et de nouveau à dire à propos de ce sujet épineux, dont on a déjà beaucoup débattu aussi bien dans le monde séculier que dans l’Eglise.
Source : http://www.thecatholicthing.org/2015/01/05/new-encyclical-environment/
Olivier par Vincent Van Gogh (1889)