Dans un article de l’an passé intitulée « Politiser l’eucharistie ? », j’ai souligné qu’actuellement personne ne soutient que lorsque l’archevêque Rummel de la Nouvelle Orléans a excommunié trois catholiques pour avoir publiquement encouragé les gens à défier son ordre de ne plus appliquer la ségrégation dans les écoles catholiques, il avait « politisé l’eucharistie ». Rummel est plutôt loué actuellement pour son courage singulier puisque sa condamnation allait tellement à l’encontre des opinions plus « accommodantes » de ses confrères catholiques du sud.
J’ai également mentionné le cardinal Adolf Bertram, l’ancien chef de l’épiscopat allemand dans les années 30, qui a ordonné que les cloches sonnent pour célébrer les victoires de l’Allemagne nazie contre la France et la Pologne, qui a envoyé à Hitler, à l’occasion de son cinquantième anniversaire, des vœux au nom de tous les catholiques allemands et a agi de façon à susciter la colère de ses confrères évêques Konrad von Preysing et August von Galen.
Le sujet de savoir si les évêques devaient parler publiquement contre les traitements réservés aux Juifs a surgi lors de la réunion des évêques à Fulda en 1942. Le consensus a été de « renoncer à une action héroïque en faveur d’un résultat médiocre ». Lors du concordat de 1933 entre le Saint-Siège et le gouvernement allemand, les chefs de l’Eglise ont promis de s’abstenir de parler sur des sujets non directement liés à l’Eglise. Des violations répétées de ce concordat par le gouvernement, incluant des fermetures d’églises et d’écoles catholiques, n’ont pas modifié cet état d’esprit. Et cela n’a pas empêché des évêques comme Bertram de soutenir les actions gouvernementales qui avaient leur faveur, comme l’opposition au communisme et l’annexion de la Pologne.
Si vous me jugez trop dur envers ces évêques allemands, vous devriez peut-être lire le rapport de 23 pages rendu public en mai dernier par la conférence des évêques catholiques d’Allemagne, dans lequel ils reconnaissent une « complicité » de leurs prédécesseurs qui n’ont pas agi suffisamment pour s’opposer à l’essor du régime nazi et à ses mauvais traitements envers les Juifs.
Dans quatre-vingt ou quatre-vingt-dix ans, les futurs évêques des Etats-Unis produiront-ils un document similaire, confessant la « complicité » de leurs prédécesseurs qui n’ont pas fait suffisamment pour s’opposer au régime abortif ? Les catholiques de cette époque seront-ils aussi déconcertés vis-à-vis de nos évêques et politiques catholiques de premier plan que nous le sommes vis-à-vis des catholiques « accommodants » de l’Allemagne nazie ?
Comment les catholiques de cette époque ont-ils échoué à comprendre le mal qui leur sautait aux yeux ? Et pourquoi se sont-ils montrés accommodants vis-à-vis d’un régime qui avait étiqueté les chrétiens, et tout particulièrement les catholiques, comme « ennemis de l’état » ? Etait-ce parce que tant de chefs du régime avaient été élevés dans la foi catholique et que certains d’entre eux étaient toujours des « pratiquants qui récitent régulièrement le chapelet » ?
Qui, avec le recul, n’aurait pas un regard de blâme envers un évêque allemand qui dirait que questionner les chefs nazis catholiques sur leurs engagements serait « offensant parce que cela constituerait une agression contre ce que cela signifie d’être catholique ». Parce que « être catholique signifie aimer l’Eglise, participer à la vie sacramentelle de l’Eglise, essayer de transformer le monde à la lumière de l’Evangile » ?
Et pourtant ce sont les mots de notre propre évêque McElroy de San Diego à propos de ceux qui interrogent le catholicisme de Joe Biden.
Et comment, maintenant, transformons-nous le monde à la lumière de l’Evangile ? Ne serait-ce pas en s’opposant au meurtre d’humains innocents ?
Avec le recul, nous soupçonnerions qu’un évêque ayant dit du traitement des Juifs ce que l’évêque McElroy a dit de l’avortement, à savoir que « réduire le magnifique et pluridimensionnel don d’amour de Dieu à une unique question de politique publique est répugnant et ne devrait pas avoir de place dans l’espace public » ne se soucie guère des vies perdues. « Evidemment, l’avortement est mauvais, mais pensez au réchauffement global ! » « Bien sûr que le mauvais traitement des Juifs est regrettable, mais que dire de l’avenir de l’Europe ! » Ne considérerions pas cela comme répugnant ?
Que dirait-on maintenant d’un politique catholique de premier plan comme Mario Cuomo si, durant les années 30 en Allemagne, il avait dit : « « j’accepte l’enseignement de l’Eglise sur les Juifs, mais dois-je obliger les autres à faire de même ? Notre morale publique… les normes morales que nous imposons à tous, pas simplement celles qui nous importent dans notre vie privée – dépend d’un consensus sur le bien et le mal. Les valeurs dérivées d’une croyance religieuse ne seront pas et ne peuvent pas être acceptées comme faisant partie de la morale publique à moins d’être partagées à une large majorité par la communauté pluraliste ». Cette déclaration aurait été tout autant valable pour les catholiques ségrégationnistes dans les états du sud.
Si ce politicien catholique dans l’Allemagne des années 30 s’était approprié l’argument « sans couture » utilisé par monsieur Cuomo, il aurait pu dire « j’avoue que le traitement des Juifs peut avoir une importance unique en son genre mais pas prépondérante ». « La question juive est un problème important pour les catholiques, mais il en est de même pour la question de l’injustice des paiements compensatoires que nous avons été obligés de mettre en place avec pour résultat la faim, la perte de domicile ou de travail, toutes les forces qui diminuent la vie humaine et menacent de la détruire ».
Toutes les forces qui diminuent la vie humaine et menacent de la détruire ? Comme, comme… oh, je ne sais pas… l’avortement ?