Le cortège qui traverse le centre de Paris en ce Lundi saint ne laisse aucun passant indifférent. La scène, en effet, a de quoi surprendre : égrenant le chapelet et rythmant la prière par de nombreux chants, un millier de catholiques s’est élancé depuis la basilique Notre-Dame-des-Victoires pour rejoindre la Seine et la remonter jusqu’à l’île de la Cité. Le pas est vif et semble s’accélérer à mesure que l’arrivée se dessine. D’abord annoncée par une grue monumentale, elle se révèle quelques instants plus tard lorsque surgit la façade de Notre-Dame de Paris, si imposante et si vivement éclairée qu’on en oublierait presque que la cathédrale est toujours en restauration, pour une réouverture le 8 décembre 2024.
Communion des paroisses
Continuer à faire vivre la cathédrale, ravagée par un incendie le 15 avril 2019, dans la foi des Parisiens pendant la durée des travaux : tel est l’un des objectifs que s’est fixé depuis quatre ans le pèlerinage des Pierres vivantes, qui se rend chaque Lundi saint auprès de Notre-Dame de Paris. « Au-delà de nous aider à réaliser la chance que nous avons de pouvoir vivre à proximité d’une telle cathédrale, notre démarche vise aussi à manifester la communion entre les différentes paroisses de Paris sous le patronage de Notre-Dame, afin de témoigner que l’Église est bien vivante » explique Noémie Teyssier d’Orfeuil, bénévole de 26 ans et coordinatrice de l’équipe du pèlerinage. Comme souvent dans les initiatives où la jeunesse catholique est présente, les différentes sensibilités se retrouvent en effet, qu’elles soient charismatiques ou traditionnelles.
« Pèleriner vers Notre-Dame de Paris nous donne aussi l’occasion de rendre visible, dans l’espace public, la foi catholique » avance Tanguy, jeune homme de 25 ans. Mais l’essentiel est ailleurs : comme la plupart des pèlerins ce soir-là, le jeune homme est mû par une réelle affection pour la cathédrale parisienne. Il se souvient que c’est en écoutant une intervention télévisuelle de François Cheng qu’il était parvenu à poser des mots sur ce qu’il avait ressenti lors de l’incendie. En avril 2020, sur le plateau de « La Grande Librairie », l’académicien voyait dans l’incendie de Notre-Dame un drame historique, où le peuple français aurait soudainement perçu la cathédrale comme une mère. Poursuivant l’analogie, il expliquait : « Un jour, soudain, cette présence maternelle nous est arrachée. […] Dans un regret infini, on se dit qu’il y a tant de choses qu’on aurait pu lui dire, et on ne l’a jamais fait. On ne lui a même pas dit “je t’aime”. Maintenant, c’est trop tard. Ce sentiment de “trop tard” nous a saisis, au moment où la flèche s’est transformée en torche et s’est brisée. »
Un lien charnel
Plusieurs, dans cette marche, étaient présents lors du drame, en 2019. Certains, dès 19 heures, au début de l’incendie. On se souvient alors du panache de fumée jaunie par le plomb de la couverture de la charpente, ainsi que des charbons ardents encore brûlants qui retombaient sur les têtes. Revient aussi en mémoire l’incendie de la flèche, qui semble interminable jusqu’à sa chute, à 19 h 50.