« La construction de Notre-Dame est une aventure spirituelle » - France Catholique
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« La construction de Notre-Dame est une aventure spirituelle »

Œuvre architecturale exceptionnelle, la construction de Notre-Dame de Paris – et sa reconstruction – sont avant tout une entreprise chargée de spiritualité. Entretien avec le Frère Charles Desjobert, dominicain et architecte du patrimoine.
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Notre-Dame de Paris (1991), peinture à l’huile sur toile, par l’artiste russe Igor Tikhonov.

© Collection William Gachignard

À qui doit-on Notre-Dame de Paris ?

Frère Charles Desjobert, o.p. : C’est l’évêque de Paris, Maurice de Sully, qui, avec l’appui de son chapitre, décide de lancer le chantier en 1163. Comme souvent avec les cathédrales, nous avons retenu le nom des commanditaires plus que celui des architectes, dont seul celui de Ricardus, cementarius (« maçon »), est parvenu jusqu’à nous pour les débuts de la construction. Le XIIIe siècle nous léguera le merveilleux travail de Jean de Chelles et Pierre de Montreuil. Si Maurice de Sully entame ce projet, c’est à la suite d’une transformation majeure du paysage occidental : en ce milieu du XIIe siècle, les abbatiales – pensons à Saint-Denis, Cluny… – sont devenues de plus en plus monumentales, somptueuses et richement dotées. Les cathédrales, quant à elles, étaient restées des édifices modestes, d’époque carolingienne pour la plupart. Alors, en cette période d’enrichissement des villes et de renforcement de la puissance de l’évêque, on comprend que ce dernier veuille reprendre la main en soulignant la présence de son église cathédrale au cœur de la Cité. Il s’agit donc d’une démarche esthétique, politique et spirituelle. Un étonnant témoignage de l’audace de l’Homme en réponse à l’amour de Dieu.

À quoi ressemblait le chantier de Notre-Dame ?

Le chantier ressemblait à un fourmillement d’ouvriers. Ceux qui y travaillent – architectes, charpentiers, maçons… –, sont parmi les meilleurs artisans de leur temps ! C’était un peu la Silicon Valley de l’époque. Tout un tas de têtes pensantes et bien faites se trouvaient là. On présente souvent les chantiers de cathédrales comme s’étirant en longueur… Ils sont, en réalité, plus dynamiques qu’on ne l’imagine. À Notre-Dame, les premières célébrations se tiennent en 1182, alors que s’achève l’édification du chœur ! L’essentiel de la cathédrale est terminé en 1220. Ce chantier, relativement ramassé dans le temps, permet à Notre-Dame d’afficher une belle homogénéité architecturale.

On alla de prouesses en prouesses ! Il fallait sans cesse trouver des solutions : utiliser la Seine pour transporter les lourdes pierres de carrière, perfectionner les cintres – échafaudages courbes en bois – pour monter les ogives permettant de soutenir les voûtains de pierre qui couvriront une cathédrale de 127 mètres de long, 40 mètres de large et 33 mètres de haut, inventer les roses splendides du transept, etc.

Où les bâtisseurs puisent-ils leur inspiration ?

Comme dans beaucoup de cathédrales, les bâtisseurs essayent de s’inscrire dans la grande tradition, tout en restant ouverts à l’innovation. Ainsi, Notre-Dame abrite une nef à cinq vaisseaux, soit la même configuration que la basilique antique de Saint-Pierre du Vatican. Même chose avec le chevet à déambulatoire et chapelles rayonnantes – celles qui entourent le chœur – une solution de l’époque romane que l’on retrouve à Tournus. Ou encore la façade harmonique à deux tours, comme on avait commencé à l’inventer à l’abbaye bénédictine de Jumièges.

Dans quel état d’esprit étaient-ils ?

La prouesse qu’ils accomplissent est multiforme et pourtant, il y a unité : il s’agit à la fois d’une grande aventure spirituelle dans cette dynamique, mais aussi de la construction d’un édifice remarquable en l’honneur du Créateur de toute chose. On a tendance à simplifier en disant que ces grands chantiers étaient une occasion pour l’évêque de projeter son pouvoir. Mais la prouesse technique n’est pas concurrente de l’audace spirituelle ! Tout concourt, à Notre-Dame, à la magnificence de ce qu’une société veut faire, se sachant, elle-même, corps du Christ.

Retrouvez l’entretien complet dans notre numéro spécial.