Il nous arrive de considérer la foi comme n’étant que l’acceptation intellectuelle d’une liste de propositions sans preuves. C’est mettre notre foi à l’épreuve; nous ne sommes alors même plus certains de « croire ». Dieu existe-t-Il vraiment ?
Penser ainsi, ce serait comme si on parlait de Dieu comme on parle des fantômes ou des O.V.N.I. Existent-ils, oui ou non? Si oui, qu’est-ce que çà change ? Et même, si les fantômes existent, que font-ils sinon émettre des bruits étranges et déplacer des objets dans la maison? Vos enfants en font bien autant. Qu’ils existent ou non ne changera rien à mon mode de vie.
La Foi — la foi chrétienne — c’est tout autre chose.
Tentez l’expérience intellectuelle suivante. Disons que vous vous retrouvez au lycée — une idée bien pénible, sans doute — et vous avez souffert d’un de ces profs de la race de ceux qui vous détestent. Vous pensez tout le temps : « Elle me déteste. »
Disons maintenant qu’un ami très proche vient vous dire qu’il a entendu une conversation entre le proviseur et plusieurs profs, et que l’enseignante soupçonnée de vous détester prenait votre défense et vous soutenait vigoureusement contre tous les autres pour empêcher de vous mettre à la porte du lycée (En fait, idée fondée sur un événement réel).
Envisagez vos réponses possibles. Première réaction: « je ne te crois pas.» voulant dire :
« Je ne crois pas que çà se soit produit ; je ne crois pas qu’elle l’ait fait; tu as dû mal entendre.» Et votre ami de dire: « Non, je l’ai vue par la porte ouverte; c’était bien elle. »
Selon la foi que vous accordez à votre opinion sur ce prof, vous pourriez bien avoir une réaction plus brutale : « Pas possible, tu mens.»
Mais supposons que c’est un vrai ami, qui ne vous a jamais menti, qui vous a bien vu parfois commettre quelques incartades, et qui, franchement, n’a aucune raison de vous mentir. Que conclure si on croit à cette histoire ?
Tout d’abord, n’ayant pas assisté à cette conversation, pour croire à la véracité de son récit, vous devrez avoir assez confiance en votre ami pour croire à la réalité de l’évènement. Mais ce n’est qu’un début, n’est-ce pas?
Même si vous acceptez de croire au récit de votre ami, vous pouvez toujours douter que votre prof ait pris votre défense « pour votre bien ».
Même en acceptant de croire qu’elle a plaidé votre cause, vous pouvez encore soupçonner qu’elle l’a fait avec une arrière-pensée : « Elle veut que je reste afin de pouvoir me torturer encore.», ou quelque chose du même acabit.
Alors, ayant assez confiance en votre ami pour croire que çà s’est passé ainsi, vous devriez avoir aussi confiance en son interprétation de l’événement : votre prof a agi pour votre bien, pas pour vous empoisonner la vie.
Et donc, « croire » n’est pas seulement accepter l’authenticité d’un évènement historique, c’est aussi accepter la signification, le « pourquoi » de cet évènement. Si vous pouviez accepter l’idée que cette prof, dont vous pensiez qu’elle vous détestait, non seulement avait pris votre défense, mais encore qu’elle avait agi ainsi pour votre bien, vous pourriez reconsidérer tout ce qu’elle a pu vous faire par le passé et réinterpréter ses actes à la lumière d’un nouvel éclairage.
Amère constatation : « Non! ne me dites pas que cette femme a pris fait et cause pour moi — qu’elle a tenté de m’aider ? Je vais être obligé de tout reconsidérer ! » Quand vous avez passé un bon bout de temps à détester une personne dont vous pensez qu’elle vous déteste, s’apercevoir que cette personne ne partage pas cette haine peut être extrêmement déstabilisant. C’est bousculer la béquille sur laquelle vous vous appuyez.
Mais disons, à la fin, que l’explication : « Elle veut juste que je reste pour continuer à me torturer.» ne tient pas debout, même pour vous, et vous contraint à croire qu’elle a vraiment le souci de vous. Mais il y a encore un hic : vous pouvez encore dire: « Bon, c’est vrai, (A) elle a agi ainsi, et, (B) elle l’a peut-être fait par amour, mais, en vérité (C) je n’en ai rien à faire. Cette femme est plutôt gogo, je n’ai pas envie de vivre comme elle.»
C’est bien possible. Vous n’êtes pas forcé de répondre avec gratitude ou amour. Vous pourriez prendre tout cela de haut. Beaucoup de gens le font. Vous recevez une invitation gratuite. Vous pouvez y répondre « Oui », et en être changé, ou bien, y répondre « Non », et durcir votre cœur.
La « Foi » au plein sens du terme signifie être changé par l’amour de Dieu de sorte que nous répondions aux attentions par de l’amour. Tant que la foi reçue par amour ne portera pas de fruit par amour, elle restera vide. C’est comme croire aux fantômes. Vous pouvez à longueur de temps parler de fantômes ou parler de Dieu, rien n’en sera changé si ce que vous croyez ne touche pas, à la fois, votre esprit et votre cœur, entraînant des changements fondamentaux dans votre existence.
Et donc, la première question n’est pas: croyez-vous ou non en Dieu? La première question est: croyez-vous ou non en l’amour? Car si vous ne pouvez ou ne voulez croire en l’amour, vous ne pourrez jamais recevoir la bonne nouvelle du Christ, pas plus que vous n’auriez été en mesure d’accueillir la bonne nouvelle à propos de votre prof dont vous aviez cru qu’elle vous détestait.
C’est bien plus facile de s’en tenir à la conviction que ce n’est pas possible. Il n’est pas difficile de croire en Dieu. Les gens croient à bien des choses qu’ils n’ont jamais vues, fantômes, O.V.N.I., quarks. Abandonner ses convictions enfantines, changer sa vue sur le monde, réformer sa vie, voilà qui est dur.
Randall Smith, professeur associé de théologie à l’Université Saint Thomas, Houston (Texas).
http://www.thecatholicthing.org/columns/2012/faith-as-commitment.html