Si l’on n’avait pas l’espérance chevillée à l’âme, il y aurait de quoi désespérer. Vue sous un certain prisme, la décision de François Bayrou d’engager le 8 septembre la responsabilité de son gouvernement devant l’Assemblée nationale consiste à mettre les différents mouvements politiques au pied du mur : oui ou non, sont-ils d’accord pour s’attaquer, même de manière minimale – on parle de 43,8 milliards d’euros –, au mur de la dette qui plombe l’économie et l’avenir du pays ? Or la majorité des analyses le prédisent : tout porte à croire que sa démarche va se solder par une motion de censure et son départ de Matignon.
François Bayrou a beau se démener pour conjurer cette nouvelle crise politique – il s’est dit prêt le 31 août à revenir sur la suppression de deux jours fériés proposée en juillet –, l’ensemble de la classe politique ou presque paraît prête à jouer la carte du chaos, en en renvoyant bien sûr la responsabilité à l’exécutif. Comme si l’on pouvait encore mégoter sur l’urgence de s’attaquer au danger vertigineux que représentent la dette et la dépense publique. Bercé par l’argent magique et le maintien miraculeux d’indices encore corrects par les principales agences de notation, l’orchestre du Titanic joue encore, alors que des flots s’engouffrent dans sa coque trouée. Et les politiques ne sont pas les seuls à fredonner cet air : 75 % des Français espèrent la chute du gouvernement, selon un sondage Odoxa pour Backbone Consulting et Le Figaro (28/08).
Crise économique…
« Le plan de sauvetage de François Bayrou ne nous intéresse pas » assénait sur le plateau de TF1 (29/08) un député LFI, Éric Coquerel, pourtant président de la commission… des Finances de l’Assemblée nationale. De son côté, Jordan Bardella, qui pourtant s’efforce de soigner sa crédibilité auprès des dirigeants économiques, a vu ses efforts fragilisés en annonçant que le RN ne votera pas la confiance à François Bayrou : le jeune leader l’a constaté le 28 août lors des universités d’été du Medef, où il a été fraîchement accueilli par les patrons français.
Pire encore, cet énième rebond de la crise politique risque d’accélérer encore le naufrage – la crise économique se nourrissant de la crise politique – alors même qu’une nouvelle moins mauvaise que d’habitude est venue nourrir l’actualité macroéconomique : « Après deux années de violent dérapage, le déficit public français a commencé à refluer doucement, et l’objectif visé par François Bayrou pour l’ensemble de l’année ne paraît pas hors de portée », indiquait ainsi Le Monde le 29 août, juste après la publication des comptes nationaux trimestriels, lesquels indiquent aussi une légère progression du PIB au deuxième trimestre 2025 (+ 0,3 %) et un rebond du pouvoir d’achat des ménages (+ 0,2 %). Las… « Avec la probable chute du gouvernement en pleine préparation du budget, la suite s’annonce beaucoup plus épineuse », indique le quotidien. En effet, le report probable du vote du budget, en cas de motion de censure, va de nouveau plonger les acteurs économiques dans l’incertitude, fragiliser la très timide croissance, reporter les décisions d’investissement ou d’embauches, impacter à la baisse la consommation des ménages ou encore grever les rentrées fiscales.
… et « vaudeville politique »
Les marchés financiers l’ont bien anticipé. « Un nouveau vaudeville politique tricolore n’enchante pas les investisseurs internationaux. […] L’obligation du trésor français a grimpé à 3,5 % bondissant de 0,1 point en moins d’une journée après l’annonce du vote de confiance par François Bayrou. […] L’ampleur et la rapidité de la remontée des taux français sont inédites et traduisent un effritement de la confiance des marchés. S’ils s’affolent encore, les taux d’intérêt feront peser un poids insoutenable pour le budget du pays alors qu’en 2025 les seuls intérêts coûteront 66 milliards ! », analyse La Dépêche du Midi (28/08).
Stop ou encore ? La journée de blocage national annoncée pour le 10 septembre par l’extrême-gauche laisse penser que l’on peut creuser encore : le fond n’a toujours pas été trouvé.