Après que la Cour Suprême eut rendu son avis au sujet du mariage le mois dernier, presque tous les médias ont fait référence au cas « Hollingsworth vs Perry », la Proposition 8 de Californie, comme à un amendement constitutionnel qui « interdit le « mariage » entre personnes de même sexe ». Bien évidemment, ceci n’est techniquement pas vrai, parce que la proposition 8 concerne exclusivement les sortes d’unions que la Californie reconnait légalement : « Seul, le mariage entre un homme et une femme est valide ou reconnu en Californie. »
Avec une telle politique gouvernementale, aucun couple de même sexe ne se voit interdire d’établir un contrat privé ni de participer à une cérémonie célébrée par un ecclésiastique investi du pouvoir ecclésial de déclarer le couple « marié ». Si leur engagement est sincère, et si eux-mêmes, les membres de leur communauté et de leurs familles considèrent que cette cérémonie fait autorité, il semble que l’absence de l’imprimatur du gouvernement ne diminue pas son caractère authentique pour les parties concernées.
Cependant, il y en a qui pensent que la distinction que je fais, entre la reconnaissance et l’interdiction légales, est beaucoup trop gentille. Ces critiques avancent que la négation de la reconnaissance légale d’unions de même sexe constitue un message clair adressé au grand public selon lequel ces liens ne sont pas considérés par la communauté et que cela montre donc, selon les dires du juge de la Cour Suprême Anthony Kennedy, que l’Etat est poussé par l’animosité et qu’il veut « blesser », « rabaisser », « imposer l’inégalité » et « stigmatiser » les couples de même sexe.
Par conséquent, ces critiques concluront qu’il est parfaitement correct de dire que les trente-sept Etats qui définissent le mariage comme l’union d’un homme et d’une femme, « condamnent en fait le « mariage » de personnes de même sexe ». Mais selon une telle acception de ce que constitue une interdiction légale, d’autres arrangements matrimoniaux présumés – pas si évidents au premier coup d’œil – devraient être également considérés comme « illégaux ».
Par exemple, dans tous les cinquante Etats et le « District of Columbia » – y compris bien sûr les quatorze juridictions qui reconnaissent aujourd’hui le « mariage » entre personnes de même sexe – aucun ménage catholique ne peut obtenir la reconnaissance légale du mariage catholique.
Selon le Catéchisme, un mariage catholique se compose de cinq éléments : le consentement, la conjugalité, l’indissolubilité, l’exclusivité et l’ouverture à l’accueil des enfants. Il n’existe pas de juridiction qui puisse assurer une reconnaissance légale à un mariage pour lequel ces cinq éléments sont autant de conditions nécessaires. Il y a une disposition en Louisiane qui permet aux couples d’entrer dans une « alliance matrimoniale » mais ce n’est toujours pas exactement un mariage catholique.
Il est bien connu que, sous la rubrique « divorce sans faute », qui est légal dans tous les États américains, les mariages civils ne sont pas seulement « dissolubles », comme ils l’étaient lorsque les motifs spécifiques de dissolution ont été nécessaires, mais ils peuvent être légalement achevés sans nécessiter une quelconque raison.
L’Eglise catholique autorise, sous certaines conditions, qu’un mariage soit déclaré invalide ou nul et reconnaît par conséquent, le terme « constatation de nullité ».
Une des raisons de constatation de nullité est la non-consommation, ce qui signifie que la condition de la conjugalité, selon laquelle les parties s’engagent à avoir des relations sexuelles entre elles, n’est pas remplie. Bien que cela constitue également une exigence pour la loi commune, la plupart des Etats n’exige plus que cette condition soit satisfaite pour que le mariage d’un couple soit légalement reconnu. C’est pourquoi, au Royaume-Uni, où la loi commune a pris naissance et s’est développée au sein de ses tribunaux, la non-consommation n’est pas un motif d’annulation d’un « mariage » de personnes de même sexe, alors qu’il le reste pour des mariés de sexes différents.
Non seulement la condition de « l’ouverture à l’accueil des enfants » de l’Eglise n’est reconnue par aucune juridiction des Etats-Unis, mais la croyance de l’Eglise que les pratiques qui violent cette condition – la contraception artificielle et l’avortement – sont gravement immorales, a été activement combattue par le ministère de la Santé et les Services sociaux du président Obama, et intentionnellement et faussement qualifiée de « guerre aux femmes » lors de sa campagne de réélection
Par conséquent, un juge Kennedy plus équitablement empathique conclurait sans doute qu’une telle posture de la part de notre Président et de son administration montre de l’animosité et qu’il veut « blesser », « rabaisser », « imposer l’inégalité » et « stigmatiser » les catholiques américains et leurs entreprises qui ne peuvent en conscience coopérer matériellement avec ce qu’ils croient être des pratiques gravement immorales.
Bien que deux catholiques américains puissent être légalement mariés par un prêtre catholique, aucun Etat ne reconnaîtra légalement les contours et les conditions du mariage catholique tels que les comprend l’Eglise catholique. Ainsi, il n’y a aucune disposition dans aucune loi des Etats qui prévoie que les juges des affaires familiales aient à transférer l’autorité aux tribunaux ecclésiastiques et au droit canon, lorsqu’ils sont confrontés à un cas impliquant deux parties d’un mariage catholique.
Aucun tribunal américain, par exemple, ne produira jamais un ordre contraignant les parties d’un mariage catholique (y compris si l’une est non-catholique) à accepter d’élever leurs enfants comme catholiques, même si c’est précisément ce que l’Eglise enseigne.
Donc, si l’on insiste pour dire que le « mariage » de personnes de même sexe est illégal ou interdit dans trente-sept Etats, il n’y a aucune raison pour que le mariage catholique soit illégal ou interdit dans les cinquante Etats.
Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2013/the-legal-ban-on-catholic-marriage.html
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Francis J. Beckwith est professeur de philosophie et d’études Eglise-Etat à l’Université Baylor, où il exerce également comme chercheur titulaire (« Resident Scholar ») à l’Institut des Etudes de Religion.
Son ouvrage le plus récent (écrit avec Robert P. George et Susan McWilliams) est « A Second Look on First Things : A case for Conservative Politics – The Hadley Arkes Festschift » (St Augustine’s Press, 2013)
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