Quel était le profil des marcheurs bénévoles de cette longue marche ?
Pierre Hugues : Environ 10 000 personnes ont participé à cette aventure de foi pour découvrir ou redécouvrir saint Joseph. Deux ont suivi la marche de bout en bout, c’est-à-dire du Sacré-Cœur de Montmartre à Paris au sanctuaire Notre-Dame-de-Grâces à Cotignac (Var). Selon les étapes, nous étions parfois six, parfois soixante ! Trois évêques nous ont accompagnés : Mgr Matthieu Rougé (Nanterre), Mgr Thierry Brac de La Perrière, (Nevers) et Mgr Benoît Rivière (Autun).
Mais notre démarche a touché les cœurs bien au-delà des catholiques français. Pour quelques heures ou quelques jours, des personnes nous ont accompagnés, mises en chemin après nous avoir vus passer dans leur commune alors qu’elles étaient attablées au café ! D’autres ont eu vent de notre venue dans la presse ou grâce aux réseaux sociaux.
Ainsi, nous avons fait la connaissance de Charles, 42 ans, qui nous attendait à Cronat en Saône-et-Loire. Il ne connaissait pas saint Joseph et il était bien loin de la foi. Depuis, il a découvert qu’il ne pouvait vivre sans les autres et sans son chapelet orange fluo qu’il arbore fièrement autour de son cou !
La marche a rassemblé beaucoup de jeunes actifs, hommes et femmes, mais nous avons eu également des pèlerins de 83 ans comme Jean-Pierre qui a décidé de nous rejoindre à l’arrivée de notre périple à Cotignac et qui n’a pas eu peur de dormir sous la tente. Pour tous, l’événement était sportif, inconfortable ! Au sens physique comme au plan spirituel…
Qu’est-ce que saint Joseph a apporté à tous les marcheurs ?
Saint Joseph a été un révélateur de nos fragilités. Dans toutes les intentions de prière recueillies au quotidien ressortait l’idée de vulnérabilité, face à la solitude mais aussi face à la crise du Covid. De nombreux pèlerins ont adressé à saint Joseph de véritables cris d’angoisse et la plupart des marcheurs ont eu besoin de réconfort.
La crise sanitaire brouille tous les repères, l’année qui vient de s’écouler ayant été lourde, pesante. Durant la marche, nous avons même dû faire face à des épuisements psychologiques et physiques : des porteurs de la statue se sont effondrés en la transportant alors qu’elle pèse 40 kilos et qu’elle est placée sur une joëlette, une sorte de fauteuil roulant pour randonnée. Saint Joseph est vraiment venu dire aux pèlerins combien ils n’étaient rien sans l’abandon à la Providence divine. Et cet abandon passe par l’apprentissage de la patience dont il est le modèle. Mais lâcher prise et arrêter de vouloir tout contrôler est un sacré travail ! Les marcheurs peuvent en témoigner.
La marche a-t-elle permis de réfléchir sur la paternité ?
Bien sûr ! Le 14 août, une messe a été célébrée à Cotignac sur le site du monastère du Bessillon où est apparu saint Joseph. Le Père Philippe de Maistre, curé de la paroisse Saint-André-de-l’Europe à Paris, était présent. Il a évoqué dans son sermon la figure de saint Maximilien Kolbe, fêté ce jour-là, en le présentant comme l’homme de la paternité absolue puisqu’il prit la place d’un père de famille pour mourir à Auschwitz. « Est père celui qui donne sa vie avant de donner la vie », a souligné le prédicateur. Nous avons eu de nombreuses conversations entre marcheurs, exhortant les jeunes hommes qui étaient de l’aventure à s’engager dans le mariage.
Tous les marcheurs n’étaient pas forcément des catholiques très pratiquants. Cheminer leur a permis de réfléchir à la place des hommes dans notre société : est viril et pleinement homme celui qui prend sa place, y compris dans le couple.
Quelle France et quels Français avez-vous rencontrés ?
Nous avons traversé le pays suivant une ligne plus ou moins droite entre Paris et Cotignac, en passant par Fontainebleau, Paray-le-Monial, Cavaillon ou encore Jouques près d’Aix-en-Provence. À chaque arrêt dans des villages, nous avons proposé aux habitants de venir aux veillées de prière et aux messes quotidiennes. Avec Arnaud Bouthéon, un des initiateurs de l’événement, nous n’avons pas été surpris de découvrir des villageois qui souhaitent la présence d’un curé.
Tous regrettent la raréfaction des prêtres, pas forcément pour la messe, mais pour les baptêmes et les funérailles. Mais nous n’avons pas toujours été bien accueillis lors de nos haltes. Certains prêtres étaient en vacances, d’autres nous ont fermé la porte !
En revanche, les maires nous ont reçus à bras ouverts. Nous avons même eu droit à une petite réception en mairie de Montélimar. Un élu en panne d’inspiration pour baptiser une fontaine fraîchement rénovée a décidé de la confier à saint Joseph.
Enfin, preuve que le respect et le sentiment religieux affleurent rapidement, des habitants préparaient spontanément des bouquets de fleurs pour accueillir la statue de saint Joseph dans leur commune. Et nous n’avons jamais été pris à partie, bien au contraire ! Les Français rencontrés changeaient vite l’incrédulité initiale de leur visage par un sourire, parfois des larmes, des questions existentielles et, toujours, des intentions de prière.
Y aura-t-il une nouvelle marche de saint Joseph l’an prochain ?
Nous laissons les choses se décanter… Nous avons été marqués par le travail d’évangélisation porté par les laïcs à travers la marche. Nous réfléchissons à la meilleure manière de nous adresser à cette France désormais loin de l’Église. L’avenir est sans doute à une multitude de petites marches Saint-Joseph dans les diocèses. Le 8 décembre prochain, pour clore l’année Saint-Joseph, les évêques sont invités à confier la France à l’époux de la Vierge Marie. Espérons que cela leur donnera des idées !