Le Psaume 145, que l’on chante en ce trente deuxième dimanche, proclame les louanges de Dieu pour son engagement en faveur des pauvres, des opprimés et de tous ceux qui sont accablés par diverses sortes de maux. Ecoutons à nouveau ces paroles dont l’Eglise aime à faire sa prière :
«Le Seigneur garde à jamais sa fidélité,
il fait justice aux opprimés
aux affamés ils donne le pain;
le Seigneur délie les enchaînés.
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Le Seigneur ouvre les yeux des aveugles,
le Seigneur redresse les accablés,
le Seigneur aime les justes,
le Seigneur protège l’étranger.
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Il soutient la veuve et l’orphelin,
il égare les pas du méchant.
D’âge en âge, le Seigneur règnera :
ton Dieu, ô Sion, pour toujours !»
On est à la fois remué et interpellé par ces paroles : le Seigneur fait-il vraiment tout cela ? S’occupe -t-il de secourir les pauvres, de libérer les opprimés, de donner du pain aux affamés, de relever les personnes accablées ? Egare-t-il les pas du méchant, protège-t-il l’étranger… ? Mais alors, si cela est vrai, pourquoi tant de malheur dans le monde ?
Oui, nous voyons le bien, la justice, la solidarité, le bonheur triompher en maints endroits et en de nombreuses occasions… Et nous remercions Dieu, et nous le prions pour que son action soit plus visible, plus efficace, plus étendue encore. Mais notre question est-elle résolue par cette sorte de bilan mitigé que nous faisons ?
Car les affirmations de ce Psaume et de plusieurs autres sont un parti-pris de foi en l’action de Dieu en faveur des gens éprouvés par tant de maux et de chagrins ; elles sont une déclaration de réussite concernant son intervention constante et soutenue en faveur des «damnés de la terre».
Je crois que la réponse est celle-ci. Dieu dit tout ce qu’il est disposé à accomplir. C’est un salut quasi-total et complet de tous les maux dont souffrent les hommes. Mais il le réalise en grande partie avec notre participation. Il veut avoir besoin de nous pour accomplir tout ce qu’il nous promet, tout ce qu’il nous enseigne des inclinations de son coeur aimant et de sa conduite. A nous de l’accompagner, de le seconder, d’être ses instruments de justice, de miséricorde, de lumière, de libération, de guérison, de paix retrouvée. (Rappelez-vous la prière de S. François). Ne serait-ce pas notre engagement qui doit frayer la voie à la présence agissante de Dieu parmi les hommes, et lui permettre d’être Dieu parmi nous ? Il est, c’est sûr, et il demeure l’acteur principal, comme il l’a été en Jésus Christ, mais en quelque sorte c’est à nous, qui sommes ses enfants et les frères de Jésus Messie libérateur, qu’il revient de ne pas le faire mentir !
Je comprenais mieux ce que je viens de dire en regardant aux infos – le premier novembre dernier au soir – un reportage, ô combien émouvant, sur «la chaîne de l’espoir». On y voyait des médecins opérer des enfants, mutilés par des bombes, dans la guerre du proche Orient, et les équiper de prothèses qui leur permettraient à nouveau de marcher. Pour moi, ces médecins compétents, dévoués, solidaires donnaient un contenu vérifiable et palpable à la bonté de Dieu, à la fidélité du Seigneur. Ils m’aidaient à voir à l’oeuvre son Règne déjà présent et qui nous est promis «en grand» pour le futur : «Le Seigneur ton Dieu règnera, ô Sion, pour toujours.»
Il nous faut dire et redire ce Psaume en priant vraiment, et ainsi nous laisser saisir et entraîner par l’action de Dieu.
Que nos actions soient modestes, comme celles de ces deux femmes veuves données en exemple (la veuve de Sarepta au temps d’Elie le prophète et celle des deux piécettes de l’Evangile prenant de son indigence pour les verser au trésor du Temple) ou qu’elles soient objectivement d’une plus grande portée et plus éclatantes – selon notre vocation et les moyens dont nous disposons -, l’important est que nous les accomplissions avec foi, de tout notre coeur, sous le regard de Dieu et en espérant son amour.