Lors du synode extraordinaire qui s’est tenu au Vatican en octobre, plusieurs couples catholiques mariés ont été invités comme auditeurs « non-votants » pour offrir quelques expériences « venues du terrain » à l’examen des pères synodaux.
Un couple brésilien, Arturo et Hermelinda As Zamberline, ont été remarquables dans leur façon d’axer sur la contraception comme étant le contexte principal dans lequel s’expriment les différents problèmes concernant le mariage. Leur expérience coïncide certainement avec les réalités du catholicisme dans les autres parties du monde. Comme ils le mettent en évidence :
Nous devons avouer sans crainte que de nombreux couples catholiques, même ceux cherchant à vivre sérieusement leur mariage, ne se sentent pas obligés de n’utiliser que les méthodes naturelles de contraception…
Nous devons ajouter que généralement leurs confesseurs ne les interrogent pas [dans ce domaine]… En général, ils ne considèrent pas que ce soit une problème moral.
Les Zamberline ont appelé le Pape et le synode à expliquer et propager l’enseignement d’Humanae Vitae, l’encyclique du pape Paul VI publiée en 1968. L’un des pères synodaux, le cardinal André Vingt-Trois, de Paris, les a soutenus, indiquant que nous avions un nouveau « paradigme » (une nouvelle « norme » ?) pour les catholiques mariés : tout cela a des conséquences pour la pratique sacramentelle des couples qui souvent ne pensent pas que leur utilisation de méthodes contraceptives artificielles est un péché, et par conséquent tendent à ne pas s’en confesser, et, de fait, communient sans problème. »
Le rapport final du synode a fait une brève mention de la contraception (§58), recommandant les « méthodes naturelles ». Mais la phrase finale, traduite en anglais, conduisait à des interprétations ambiguës. Le texte italien dit :« Va riscoperto il messaggio dell’Encyclica Humanae Vitae di Paolo VI, che sottolinea il bisogno di rispettare la dignità della persona nella valutazione morale dei metodi di regolazione della natalità ». Ce que la traduction anglaise officielle interprète de cette façon : « Nous devrions revenir au message de l’encyclique Humanae Vitae du pape Paul VI, qui met en lumière la nécéssité de respecter la dignité de la personne dans l’évaluation morale des méthodes de régulation des naissances. »
Les Pères synodaux se réfèrent bien sûr à l’insistance de Paul VI dans Humanae Vitae : la méthode de régulation des naissances doit repecter la dignité personnelle, par exemple le § 17 déclare : « Un homme qui a pris l’habitude de méthodes contraceptives peut oublier le respect dû à une femme et, sans prendre en compte son équilibre physique et émotionnel, la réduire à n’être qu’un simple instrument de satisfaction de ses propres désirs, ne la considérant plus comme une partenaire qu’il doit entourer de soin et d’affection. »
A la fin du Synode Extraordinaire, Nicole Winfield, journaliste d’Associated Press, offre une autre interprétation :
« Dans le document final du synode, les évêques ont réaffirmé la doctrine, mais ils ont également dit que l’église devait respecter les couples dans leur évaluation morale des méthodes contraceptives. »
En d’autres mots, elle interprète les paroles des évêques de la façon suivante : nous devons respecter la dignité de la personne dans l’acte d’évaluer quelle méthode utiliser pour réguler les naissances — c’est une affaire de conscience personnelle. Si vous, ou votre confesseur, pensez que la pilule est parfaite, alors nous respectons votre décision.
En l’occurence, cette mauvaise interprétation pourrait coïncider avec l’opinion générale des couples catholiques (et de leurs confesseurs) et être la raison pour laquelle la vaste majorité semble n’avoir aucune objection à la contraception. S’il en est ainsi, beaucoup des questions maritales et familiales discutées au synode ont pour « commun dénominateur » des pratiques contraceptives tenues pour approuvées. Et cela a ou devrait avoir un effet sur les délibérations du synode.
Quelques exemples :
– Si un couple qui divorce n’avait jamais eu l’intention d’avoir des enfants, son mariage est invalide selon le Droit Canon, alors une reconnaissance de nullité semble même superflue.
– Si, dans un mariage contracté validement, l’un des conjoints décide d’utiliser un moyen contraceptif pour éviter d’avoir un enfant, et ce contre la volonté de l’autre conjoint, cela serait-il une base suffisante de déclaration de nullité au profit de ce dernier ?
– Puisque les couples utilisant des contraceptifs pratiquent une sexualité stérile, comment pourraient-ils continuer à critiquer les homosexuels, qui eux aussi pratiquent une sexualité stérile, et leur refuser le droit au mariage ?
– Si un couple cohabite en usant d’une contraception, est-ce un obstacle au sacrement de mariage ?
– Quand il est question d’admettre un divorcé à la communion, le facteur contraceptif doit-il être pris en compte ou n’est-ce plus pertinent ?
A la clôture du synode extraordinaire en octobre, notre curé a exprimé sa surprise lors de son homélie dominicale. Comment la communion pour les divorcés remariés pouvait-elle être considérée comme un casse-tête théologique majeur ? Puisqu’en fait lui et nombre de ses confrères prêtres accordent fréquemment ce privilège, sans consultation spéciale du tribunal ecclésiastique, à ceux qui le demandent.
Cette pratique (appelée praxis in foro interno, c’est-à-dire apparentée au « for intérieur » de la conscience) a été approuvée en 1973 par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, mais a été limitée en 1981 dans l’Exhortation Apostolique Familiaris Consortio par le pape Jean-Paul II.
Dans son Exhortation Apostolique de 2007, le pape Benoît XVI (qui en qualité de théologien a exprimé un certain soutien à cette mesure en 1972) a statué que « [le Synode sur l’Eucharistie de 2005] confirme la pratique de l’Eglise basée sur l’Ecriture Sainte (cf. Marc 10:2-12) de ne pas admettre les divorcés remariés aux sacrements, puisque leur état et leurs conditions de vie contredisent objectivement l’union d’amour entre le Christ et l’Eglise signifiée et rendue présente par l’Eucharistie. »
Mais apparemment le forum internum est toujours fréquemment utilisé par les confesseurs, non seulement pour autoriser la communion des divorcés remariés, mais aussi l’usage des contraceptifs.
Il est à remarquer que les Pères synodaux qui ont favorisé l’admission à la communion des catholiques divorcés remariés n’ont pas perçu le problème de la contraception, qui pourrait être un empêchement supplémentaire. Peut-être ont-ils supposés que contrairement à beaucoup de leurs frères catholiques, ils s’abstiendraient de contraception.
Le Synode Ordinaire de 2015 sur la Famille et l’Evangélisation aura une autre chance de s’attaquer à ces questions, que l’Eglise — comme les Zamberline l’ont noté avec justesse — a besoin d’aborder clairement et directement.
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Howard Kainz est professeur de philosophie émérite à l’université de Marquette.
illustration : Les époux As Zamberline, Hermelinda et Arturo
Source : http://thecatholicthing.org/2014/12/13/elephant-synod-contraception/
Pour aller plus loin :
- Le synode de 2015 va-t-il enterrer l’enseignement de l’Eglise sur la contraception ?
- En marge de la lecture du rapport final du synode
- François, la contraception et le virus Zika
- La paternité-maternité spirituelle en vie monastique est-elle menacée en Occident ?
- Contraception: A quand remonte l’enseignement de l’Eglise?