Entre les deux venues du Christ sur terre, nous sommes éclairés par la lumière du passé lors de Sa venue dans l’Histoire de l’humanité tout autant que par la lumière de Son futur retour. Il nous faut ces deux sources de lumière, passée et future — pour nous guider chaque jour.
Parlant de la première venue du Christ, saint Athanase dit de l’humanité qu’ « elle peut en recevant une telle grâce à la vue de l’Image, Verbe du Père, avoir par Lui une représentation du Père, et, par la connaissance de son Créateur, vivre en plein bonheur et pleine bénédiction.» Le Christ nous apporte ainsi une nouvelle vie.
Comment cette idée se traduit-elle dans la vie de chaque jour ? Selon les paroles du Christ : « Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le royaume qui vous a été préparé depuis la création du monde. Car j’avais faim et vous m’avez donné à manger; j’avais soif et vous m’avez donné à boire; j’étais un étranger et vous m’avez accueilli; j’étais nu et vous m’avez habillé; j’étais malade et vous m’avez visité; j’étais en prison et vous êtes venus jusqu’à moi! » (Matt. 25; 34-36)
C’est la traduction de la vie quotidienne du catholicisme. Le Christ est mort pour nos péchés, nous a libérés du péché, afin que nous puissions vivre en liberté une vie où donner à manger à l’affamé, accueillir l’étranger, et agir en tout selon Sa parole. Nous l’avons entendue en célébrant la fête du Christ Roi de l’Univers, annonçant la seconde venue du Christ qui reviendra finalement pour régner sur tous et sur tout.
Le Christ nous a donné par Sa mort et Sa résurrection la possibilité d’être des humains à part entière. Et cependant, en ce monde selon Hobbes le Saint-Père remarque : « D’une part, chacun sait qu’il doit faire le bien, et, finalement, souhaite le faire. Et pourtant il ressent en même temps l’incitation à faire le contraire, à vivre dans l’égoïsme et la violence, à agir pour son propre plaisir, tout en sachant que c’est se comporter contre le bien, contre Dieu et contre son prochain.»
Conséquence de cette influence du mal sur nos âmes, un sombre fleuve a grossi et s’écoule au cours des siècles, empoisonnant l’Histoire de l’humanité. Le grand penseur français Blaise Pascal parle d’une « seconde nature » qui se superpose à notre bonne nature originelle. Cette « seconde nature » fait que pour l’homme « le mal paraît naturel ». (Benoît XVI)
Cette image d’un sombre fleuve montre précisément les horreurs historiques récurrentes. Il y a tant d’exemples innombrables, contentons-nous d’un seul, commenté par l’historien Jay Wink sur la fin du dix-huitième siècle: « tragiquement, l’Amérique a conservé l’esclavage, tache indélébile qui, inexorablement, ferait germer une effrayante guerre civile. » [NDT: la guerre dite en Europe « guerre de sécession » est toujours nommée aux États-Unis « guerre civile » (civil war)].
C’est cette « seconde nature », selon la pensée de Pascal, qui, partant de l’origine de la nation, a mené à la mort un demi-million d’hommes. Le péché a suivi dans l’horreur soixante ans après une proclamation remarquable [NDT: proclamation de l’indépendance des États-Unis, 1776 – guerre « de sécession », 1861-1865]. Actuellement, à raison de trois mille avortements par jour, quel tourbillon, déjà plus de cent fois le tribut de la « guerre de sécession » !
Mais on peut rencontrer n’importe où cette « seconde nature ». Il n’est guère rare, même au sein de l’Église, de voir des centres de formation de congrégations catholiques capables de s’associer à un parti politique américain vigoureux défenseur du « droit à l’avortement ». Ils auraient de bien meilleures matières à enseigner et feraient mieux de limiter leur attachement aux modes politiques.
On peut aussi discerner la « seconde nature » de Pascal dans le mode de vie princier de certains membres du clergé. Ou chez des laïcs qui préfèrent négliger l’enseignement de l’Église qu’ils trouvent trop dérangeant. Le poison pénètre de nombreuses façons.
Les lectures de la Messe de ce premier dimanche de l’Avent répondent au problème en des termes particulièrement cinglants. Isaïe déclare: « Tu étais irrité par notre obstination dans le péché… nous étions tous semblables à des hommes souillés, et toutes nos belles actions étaient comme des vêtements salis. Nous étions tous desséchés comme des feuilles, et nos crimes, comme le vent, nous emportaient.» (64;5). Le prophète sait qu’en fait, en dépit du brouillard produit par nos péchés, « nous sommes l’argile, et tu es le potier.» On n’y échappera pas, Dieu est le maître de l’univers. Ce n’est pas en le niant que ce sera moins vrai.
Avec le psalmiste nous chantons: « fais-nous vivre et invoquer ton nom! » Le psalmiste sait aussi que seul Dieu fait bien. Nous chantons: « Dieu, fais-nous revenir; » Reconnaissons que tout changement vient de Dieu.
Et en fait, c’est dans le Christ qu’est venue la nouvelle vie. Paul écrit aux Corinthiens: « en lui vous avez reçu toutes les richesses, toutes celles de la Parole et toutes celles de la connaissance de Dieu… Car le témoignage rendu au Christ s’est implanté solidement parmi vous. Ainsi aucun don spirituel ne vous manque, à vous qui attendez de voir se révéler notre Seigneur Jésus Christ.»
Dieu nous a comblés de Sa grâce divine de sorte que rien ne limite ce qu’on peut accomplir par cette grâce. C’est pourquoi Jésus nous exhorte dans l’évangile: « Veillez ». Sinon le poison s’infiltrera en nous, soit pour faire le mal, soit pour nous abstenir de faire le bien.
Le commencement du temps de l’Avent signifie que nous commençons à anticiper cette grande fête de la venue du Christ parmi nous. Mais pour arriver convenablement à ce jour joyeux, nous devons veiller dans l’attente.
C’est cela, l’esprit de l’Avent.
Illustration : [*La*] multiplication des pains et des poissons (Mosaïque à Sant’Apollinare Nuovo, Ravenne – vers 500)