Le Canard enchaîné sort — en concurrence avec Mediapart — des « affaires » au moment où ceux qui détiennent des informations — hommes politiques, fonctionnaires, etc. — estiment opportun de régler leurs comptes entre eux.
C’est manifestement le cas dans « l’affaire Pénélope Fillon » qui démarre par un article du Canard du 25 janvier. On y apprend que la femme de l’ancien Premier ministre a été sa secrétaire parlementaire de 1998 à 2002, puis de son suppléant, Marc Joulaud, de 2002 à 2007. Sa rémunération aurait été de 500 000 euros sur ces années.
L’hebdomadaire satirique révèle aussi que Madame Fillon a été employée en 2012 et 2013, à hauteur de quelque 100 000 euros, pour une mission de conseil auprès de la Revue des Deux Mondes par son propriétaire, le milliardaire Marc Ladreit de Lacharrière.
Tout cela n’est-il pas autorisé par la loi ? Mais, dans les deux cas, un doute est exprimé sur la réalité du travail fourni, au point qu’une enquête préliminaire est immédiatement ouverte par le parquet national financier qui va aussitôt perquisitionner au siège de la revue. Travail fictif, abus de bien social, les accusations rappellent l’époque Chirac ou la course d’obstacles sur lesquels Nicolas Sarkozy s’est politiquement cassé le nez, même si, judiciairement, il s’en est jusqu’à présent bien sorti.
François Fillon ayant toujours affirmé qu’un mis en examen ne pouvait pas être candidat à la présidence de la République, la suite de la campagne présidentielle est entièrement dans la main de la justice. Se rendra-t-on compte rapidement que ces affaires n’en sont pas ou sont prescrites ?
Décidera-t-on d’une longue et minutieuse enquête ? Ou bien décidera-t-on de juger très rapidement ? Rien de tout cela ne dépend des mis en cause.
À supposer que François Fillon arrive indemne au terme de la campagne présidentielle et se fasse élire, il bénéficiera, au cas où la justice ne le tiendrait pas quitte, d’une immunité de cinq ans. On se retrouverait dans une situation désagréable déjà expérimentée par d’autres présidents.
Mais, d’ici le 23 avril, le handicap va être politiquement lourd à remonter. D’autant plus que certains « amis » chargent la barque. Ainsi l’ancienne garde des Sceaux Rachida Dati qui, se disant évincée par Nathalie Kosciusko-Morizet de la circonscription qu’elle lorgnait à Paris, semble se venger en affirmant que la société de conseils de François Fillon, qui lui a rapporté beaucoup d’argent, avait les Russes comme clients… Toutes situations, une fois de plus, pas forcément illégales, ni forcément vraies, mais dont la dénonciation empêche un vrai débat politique de s’installer.
Consolation pour la droite, le candidat fétiche de la gauche « sociétale » — peut-être soutenu en sous-main par l’Élysée — se trouve également en fâcheuse posture. Toujours selon Le Canard enchaîné, Emmanuel Macron avait minoré sa fortune dans sa déclaration de patrimoine lors de son entrée au gouvernement et a dû régulariser. On l’accuse maintenant d’avoir utilisé les frais de représentation de son ministère de l’Économie pour une campagne de lancement de son mouvement « En marche ». Ce n’est sûrement qu’un début.
François Fillon a évoqué les « boules puantes » de ce moment de la campagne électorale. Il y a en effet, c’est manifeste, quelques trublions pour les lancer, qui se servent des médias et de la justice pour bousculer encore un peu plus les scénarios trop écrits d’avance. Justiciers ? Ou stratèges retors ? Pour qui roulent-ils ? Que cherchent-ils ? Et surtout que vont-ils provoquer ?
On dit que Marine Le Pen se frotte les mains. Est-elle tant à l’abri de ce genre d’incidents ? Son père, en tout cas, dans une défense inattendue de François Fillon, dénonce le rôle politique des juges. À ces derniers de démontrer qu’ils ne font que leur travail.