Justification d’un vote à sujet unique - France Catholique
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L'incroyable histoire des chrétiens du Japon
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Justification d’un vote à sujet unique

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Aux Etats Unis, on associe traditionnellement les catholiques au parti démocrate. Aux 19° et 20° siècles, quand tant de catholiques étaient issus des classes ouvrières, des familles d’immigrants, souvent en butte à la discrimination (et facilement inspirés par les encycliques de justice sociale des papes Léon XIII, Pie XI Jean XXIII Paul VI et Jean Paul II), ils gravitaient principalement autour du parti qui semblait incarner l’engagement en faveur de l’égalité, le souci des immigrés et des défavorisés, et l’opposition aux patrons, aux propriétaires profiteurs et à l’élite capitaliste.

Ceux d’entre nous qui sont antiavortement, et qui abordent le sujet de la politique avec des camarades catholiques, les entendront souvent déclarer que, au contraire, ils sont pour « la justice sociale » – comme si c’étaient deux idéologies opposées. Et selon leur stéréotype, les républicains sont des gens qui ne montrent pas de commisération pour les pauvres et les défavorisés, et qui s’opposent continuellement à la mise en œuvre progressive des droits civils. Le fait par exemple que les conservateurs donnent plus aux œuvres de charité, ils l’écartent d’un geste de la main, comme si le soutien des églises et du travail missionnaire etc.. ne pouvait pas être comparé à la « charité » d’un gouvernement dirigé par des démocrates.

La plus étrange méprise sur les républicains concerne les droits civils. Historiquement, toutes les avancées sur ces droits depuis 1964 et la loi relative aux droits civils (Civil Rights Act) ont été faites par les républicains – Les 13°, 14°, et 15° Amendements de la constitution, la loi sur les Droits Civils de 1866, l’Acte de Reconstruction de 1867, les ordonnances contre le lynchage, contre le vote censitaire, la déségrégation des écoles publiques, la mise en application définitive de la déségrégation militaire du président Truman, et l’établissement, en 1958, de la commission des droits civils. La révision du plan de Philadelphie par le président Nixon, appliquait « une action positive » aux métiers du bâtiment. Et par la suite, cela s’est étendu à d’autres secteurs économiques où il y avait eu une tendance à la discrimination.
Comment ce stéréotype des républicains en costume rayé, fumant le cigare, personnage d’influence, indifférent aux droits civils, a-t-il bien pu s’établir dans la tête de tant de gens, catholiques inclus ? Le fait que le parti républicain ait offert comme candidats à la présidence des multimillionnaires ou des milliardaires lors des trois dernières élections, n’a pas aidé à leur image. Mais il y a d’autres facteurs.

En 1960, époque où la plupart des pasteurs noirs, dont le père de Martin Luther King, s’identifiaient au « Parti de Lincoln », on a mis Martin Luther King en prison à Reidsville GA, lors d’une manifestation pour les droits civils. Le candidat à la présidence John F. Kennedy fut convaincu par les membres de son cabinet de téléphoner à la femme de King, Coretta Scott King, pour la consoler, et cela impressionna tellement MLK qu’il décida, à la différence des autres pasteurs baptistes, de ne pas appuyer la candidature de Nixon. Libéré de prison, il commença à soutenir ouvertement les démocrates, et sous son impulsion, la communauté noire fut fortement influencée.

Encore plus important (pour les catholiques) un meeting historique eut lieu en 1964 entre les Kennedys et les Shrivers, avec des prêtres catholiques et des théologiens, pour discuter de la possibilité pour eux de soutenir l’avortement au congrès. La conclusion fatale de leurs conseillers théologiques fut qu’ils pouvaient voter en faveur de l’avortement. Depuis ce temps, le parti démocrate avec des chefs comme Ted Kennedy, John Kerry, Nancy Pelosi et d’autres catholiques, est devenu le champion des « droits à l’avortement ».

Un autre facteur décisif fut l’évolution du féminisme, qui depuis le début du 20ème siècle a fait pression pour le vote des femmes et les droits des femmes en général. Cependant, il était fortement opposé à l’avortement, jusqu’à la « deuxième vague » du féminisme en 1968 qui a centré son attention sur l’émancipation des femmes hors du mariage traditionnel et de la vie de famille conventionnelle, et a redéfini les « droits reproductifs » comme faisant partie de l’ordre du jour des droits civils existants. Depuis lors, le mouvement des années 60 sur les droits civils s’est étendu – depuis les relations interraciales et les droits à l’avortement, jusqu’au droits du « mariage » pour les homosexuels, les droits sanitaires pour LGBT, les droits pour les athées de ne pas être incommodés par les symboles chrétiens, droits pour les musulmans de ne pas être critiqués, etc. En 1984, l’argument « vêtement sans couture » du cardinal Joseph Bernardin, qui mettait l’emphase sur le respect de la vie de la conception jusqu’à la mort provoqua au-delà de ses intentions, la montée de justifications de la part de catholiques démocratiques faisant valoir que l’avortement n’était qu’un des « sujets de la vie » et pouvait être subordonné à d’autres sujets politiques tout aussi importants.

Dans le paysage politique, des partis politiques « à sujet unique » sont apparus – les partis « verts » dans divers pays, le « Bloc québécois » au Canada ; aux Etats Unis, certains « troisièmes partis » ont plus ou moins fonctionné comme des mouvements « à sujet unique » – le parti de la Loi Naturelle, le parti socialiste. Le parti démocrate aussi, pour des raisons purement pratiques, est devenu un parti à sujet unique, l’avortement étant le sujet primordial des droits civils, un sine qua non, comme c’était précisé en septembre 2015. A l’époque, les démocrates étaient prêts à bloquer complètement le gouvernement par une obstruction parlementaire, si on ne retirait pas du projet de budget la provision destinée à supprimer le financement du planning familial.

Le parti démocrate a réussi à faire des Etats Unis un des pays à la politique sur l’avortement la plus permissive, dépassant massivement la plupart des pays européens, qui limitent la possibilité d’avorter aux trois premiers mois de grossesse. Lors de la plateforme démocratique de 2016, l’accès illimité pour toutes les femmes à un avortement « sain et légal » est un pilier sans aucun compromis possible, et l’opposition absolue à l’amendement Hyde qui interdit d’utiliser les finances fédérales pour l’avortement (excepté en cas de viol, inceste, et menaces pour la vie de la mère), est de rigueur.

En d’autres termes, pour les démocrates, être « pour la liberté de l’avortement » est un examen de passage pour être nommé, non seulement à la présidence, mais aussi aux postes de membres de cabinets, magistrats, recrutement, etc.. ; si bien que tout l’environnement politique et social résistera automatiquement à tout ce qui aurait seulement l’odeur d’anti avortement. Le choix de Tim Kaine comme candidat vice-président ne peut rien être d’autre qu’un os à ronger pour la coterie décontractée des démocrates catholiques « personnellement contre mais » qui ont été complices de la dégénérescence morale institutionnalisée.

Le droit à la vie n’est pas juste un « banal » sujet unique, mais le principe fondamental qui fonde le droit à la liberté, la recherche du bonheur et les autres droits spécifiques qui font partie des menus propos des prochaines élections. Si on n’insiste pas fermement sur le droit à la vie, tous les « droits civils » sont en danger.

Source : https://www.thecatholicthing.org/2016/08/20/a-defense-of-single-issue-voting/

Photo : Lincoln par Alexander Gardner (5 Février, 1865)