Jean Lacouture. L’Algérie algérienne. Fin d’un empire, naissance d’une nation. - France Catholique
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Pontificat de François - numéro spécial
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Jean Lacouture. L’Algérie algérienne. Fin d’un empire, naissance d’une nation.

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Préface de Jean Daniel. Gallimard 2008, 355 pages.

Cet ouvrage a l ‘ambition de retracer l’histoire de l’Algérie du 19ème siècle à nos jours, et de ses relations avec la France, sans oublier d’évoquer les interventions antérieures de François 1er et de Louis XIV. Il se conclut sur le souhait d’une réconciliation, malgré les difficultés actuelles liées à la politique intérieure de l’Algérie.

Fondé sur les souvenirs personnels d’un journaliste engagé, et sur la compilation d’auteurs connus pour leur anticolonialisme, il semble ignorer les ouvrages des professeurs G.Pervillé, JP Bois et J.Valette, ainsi que les derniers écrits de Boualem Sansal, JP Lledo, Gregor Mathias et du docteur Vétillard.

En dépit de ces absences, ce livre présente de nombreuses analyses intéressantes sur la conquête de 1830 et sur la spoliation des terres tribales, sur le dynamisme des pionniers, le sacrifice des combattants de 1943 et l’esprit d’entreprise des rapatriés, sur les progrès de la démographie musulmane et sur les négociations ayant précédé les accords d’Evian. Jean Daniel rappelle que les supplétifs se sont engagés en réaction contre la barbarie du FLN, et que la victoire militaire a été ternie par les conditions atroces du départ des pieds noirs et des harkis. Le machiavélisme et le panache du général de Gaulle n’excluent pas son insensibilité à la souffrance des rapatriés. La France en Algérie, symbolisée autrefois par les pieds-noirs, reste aujourd’hui une réalité due selon Jacques Berque à l’impact de 130 années de présence.

Bien relatées sont les hésitations du parti communiste face aux nationalistes, en 1945 et en 1954, la lutte de l’EMG contre le GPRA et la naissance d’un parti armé, le déclin de l’OAS dès février 1962, les évolutions sinueuses d’Abd el Kader, Ferhat Abbas, Messali Hadj et Bouteflika, en parallèle à celles de Camus, Savary, Salan et Buron.

On regrettera que soient ignorés ou passés sous silence : – l’échec de Louis XIV à Djidjelli (voir Bernard Bachelot) – l’obscurantisme des musulmans en 1830 (référence Mohamed Harbi) – les directives gaullistes de répression en mai 1945 – les bombes FLN ayant précédé celle de la rue de Thèbes – les résultats de l’aide sociale de l’armée en 1958 (soulignés alors par Lacouture) et de la scolarité en 1961 (68%) – l’interdiction de la torture par le colonel Trinquier – la création du Front algérien d’action démocratique – l’enquête des préfets en 1962 – la xénophobie de Ben Khedda (dans l’Algérie à l’indépendance, 1977). L’honneur d’Hélie de Saint-Marc aurait également mérité d’être mis en parallèle à celui de Bollardière.

Surestimées sont les victimes de la conquête, des guerres mondiales, de mai 1945 et août 1955, de Sakiet, de Bizerte, et du 5 juillet à Oran, ainsi que les effectifs des harkis, des djounoud (200.000 ?), des supplétifs rapatriés et des doubles nationaux.

Quelques points appellent la contradiction : – la durée de la conquête (interrompue par deux trèves) – Kerrata bombardé par la marine en 1945 – la participation des paras au 13 mai – Challe initiateur du putsch – le concentrationnisme massif des suspects – l’enfermement prolongé dans les camps des harkis rapatriés – la responsabilté de l’OAS dans l’exode.

L’approbation des regrets exprimés par le président Sarkozy et les ambassadeurs français en Algérie constitue un point de vue politique dont il faut laisser la responsabilité à l’auteur.

Maurice Faivre, le 21 août 2008