Irlande : la bouée de sauvetage - France Catholique
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Irlande : la bouée de sauvetage

L'Europe de Lisbonne est à flot après le oui irlandais. La course aux places est ouverte. Mais c'est un succès à la Pyrrhus.
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La sanction du Non du 12 Juin 2008 a été sévère. 12,5% de chômage. Cela n’a rien à voir, car la crise ne tient pas à la composition de la commission de Bruxelles. Mais des esprits superstitieux ne s’y risqueraient pas. On ne sait jamais. Mieux vaut ne pas provoquer le diable. Voter oui c’est une forme d’assurance. On écarte la foudre. Les fermiers et les syndicats ont été les premiers à tourner casaque.

La crise irlandaise est pourtant directement liée au fonctionnement de l’Union européenne. Elle frappe par définition ceux qui ont réalisé les spéculations les plus rapides, sinon expéditives, ceux qui ont connu le plus fort taux de croissance financière, immobilière, au sein de l’ensemble Euro. Ils se sont mis en déséquilibre. Sur la base d’un taux d’aides, de subventions diverses, régionales notamment, plus favorables que dans les pays du centre, ils ont créé une croissance artificielle. Et se retrouvent sans le sou quand la crise est venue. Les responsabilités sont à chercher du côté du gouvernement de Dublin, mais aussi des bureaux dispensateurs de la manne à la Commission de Bruxelles et aux régulateurs de la Banque Centrale Européenne à Francfort. La crise aurait donc dû amener les Irlandais à sanctionner Bruxelles autant que leur gouvernement à Dublin, le plus impopulaire qui soit.

Les concessions obtenues par ce dernier sont pure illusion. Ils ne sont pas pertinents. Le problème n’est ni le droit à l’avortement, ni la neutralité, ni même l’impôt sur les sociétés. Ce n’est pas l’identité irlandaise, c’est au contraire son intégration dans le système bruxellois. Les Irlandais ont préféré aller à récipiscence comme un enfant qui aurait été pris sur le fait en train de chaparder l’argent des autres. Comment ? On paye pour chaque malheureux Irlandais et voilà comment ils nous remercient. Excusez-nous, Msieur.

Les propagandistes souvent fort astucieux du Non en juin 2008 se sont évanouis dans la nature. En premier lieu, le milliardaire fondateur de Libertas, en qui Philippe de Villiers avait mis ses espoirs, et qui avait obtenu des résultats désastreux aux élections européennes de juin 2009. On ne bâtit rien sur un simple non, celui de la dérision.

Le sort du traité est scellé. Avertissons les souverainistes de tous poils qui continuent de se vouer à Sancta Klaus (père Noël), le président de la république tchèque, en attendant… le roi David Cameron, futur Premier Ministre de Sa Majesté Britannique, à partir de mai ou juin prochain. Le chef du parti conservateur a dit que dans le cas où le traité ne serait pas ratifié avant son élection, il reviendrait sur la signature de son prédécesseur, organiserait un référendum, y prônerait le non qui l’emporterait. En réalité, le message adressé aux Européens est de tout faire pour que le traité soit entré en vigueur à cette date, parce que personne n’a envie d’inaugurer un mandat sur un tel coup de théâtre qui vaudrait isolement durable de la Grande-Bretagne en Europe et un véritable chaos international. Si l’électeur conservateur de base, xénophobe, spécialement gallophobe, le souhaite, ce n’est pas du tout le cas de la City ni du patronat qui soutiennent les Tories.

L’affaire irlandaise n’a pas fait de vagues parce que le traité lui-même est aujourd’hui dépassé. Depuis la survenance de la crise, il est évidemment dérisoire de savoir si l’on aura douze ou quinze commissaires, si tel ou tel pays aura 60 ou 65 voix, et quels seront les pouvoirs accrus du parlement. A part les personnes qui briguent des portefeuilles dans l’Eurocratie, personne ne fait de cas des règles de procédure. La décision, si décision il y a encore, est au G 20 ou au FMI. A Bruxelles, elle est entre les mains d’un petit directoire de quelques ministres des finances, de deux ou trois chefs de gouvernement. Pour le reste, M.Barroso peut continuer de faire de la figuration sur les photos de famille et dresser des écrans de fumée derrière les micros des conférences de presse. Le pouvoir lui échappe pour cinq ans.

Le Oui irlandais rend plus que jamais nécessaire le coup de pied dans la fourmillière de Bruxelles. A moins que le système se déssèche de lui-même.

Yves LA MARCK