Le texte du projet de loi de bioéthique, tel qu’il se présente à l’issue de la seconde lecture à l’Assemblée est profondément ambivalent. D’un côté, il revient utilement sur un certain nombre de transgressions introduites par le Sénat, mais dans le même temps, il ouvre une série de brèches dans notre dispositif bioéthique, brèches dont les conséquences pourraient être très destabilisantes pour notre société.
[Ndlr : Voir le détail des votes ici : http://www.assemblee-nationale.fr/13/scrutins/jo0737.asp ]
Sur la question du diagnostic prénatal, le risque de dérive eugéniste a été atténué du fait que seule l’information donnée à la femme enceinte sera systématique et non le dépistage. J’avais souhaité une référence explicite au code de déontologie et donc une formulation plus protectrice de la liberté de choix de la femme et du couple, de façon à éviter qu’ils ne soient l’objet de pressions et qu’ils puissent disposer de tous les éléments pour faire un choix éclairé. Malgré tout, cette évolution va dans le bon sens.
L’Assemblée nationale est également revenue sur l’ouverture de l’assistance médicale à la procréation aux couples homosexuels introduite par le Sénat. Mais dans le même temps, elle a supprimé toute condition relative à une durée minimale de vie commune pour les couples désireux de bénéficier d’une AMP. Or, nous savons qu’un projet parental nécessite de la stabilité, dans l’intérêt même de l’enfant. Cette disposition est donc très négative.
L’Assemblée nationale a également reculé sur la question de la diminution indispensable du nombre d’embryons surnuméraires. En refusant en deuxième lecture de fixer un plafond chiffré, comme elle l’avait fait en première lecture, en se bornant à formuler un objectif général qui risque de rester purement théorique, elle a adopté une mesure régressive. Car, avec l’embryon surnuméraire, le législateur a créé une catégorie juridique dont personne ne sait ce qu’elle est, qui pose aux parents des problèmes éthiques insurmontables et attire la convoitise des chercheurs.
L’Assemblée a également autorisé de manière précipitée la technique de la vitrification ovocytaire, sans étudier auparavant, comme nous le demandions, l’impact de ses conséquences pour la société. C’est là renoncer au primat de l’éthique au profit d’une logique utilitariste.
Sur le don de gamètes, dont le principe même soulève beaucoup de questions, la suppression de l’exigence d’avoir été père ou mère pour le consentir répond à une logique de marché, d’offre et de demande, avec l’introduction d’une contrepartie au don qui, même si elle est de l’ordre du troc, est déjà le début d’un commerce. En effet, s’il y a contrepartie, il n’y a plus de don gratuit. C’est l’un ou l’autre.
A propos de la question majeure de la recherche sur l’embryon humain, certes le principe de l’interdiction de la recherche et sa valeur symbolique sont rétablis. Et c’est nettement préférable au principe d’autorisation introduit par le Sénat. Mais en étendant le champ des dérogations au lieu de prendre réellement en compte les avancées remarquables des recherches conduites avec des méthodes alternatives, le texte fait-il autre chose que préserver l’apparence de l’interdit éthique ?
Enfin, comment se prononcer en connaissance de causes sans savoir quelle est l’ampleur des conflits d’intérêts en matière de biotechnologies qui sont en jeu, conflits dont la potentialité nous a été signalée par de nombreux chercheurs et médecins. Seule une commission d’enquête parlementaire spécifiquement consacrée à ce sujet nous permettra d’y voir clair et de prendre des décisions éclairées. Elle est réclamée par plus de soixante d’entre nous. Elle doit absolument voir le jour en dépit de tous les corporatismes qui tenteront de s’y opposer.
Je regrette vivement que l’amendement que nous avions déposé en vue d’introduire dans la loi l’obligation pour les membres du conseil d’orientation de l’agence de biomédecine de déclarer régulièrement et de façon plus transparente leurs liens éventuels avec les entreprises dont les activités entrent dans le champ de compétence de l’agence, n’ait pas été adopté. C’est un signal inquiétant, de même que le rejet de l’amendement demandant au gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur les conflits d’intérêts potentiels en matière de recherches biotechnologiques.
En l’état actuel du texte, devant l’ampleur des brèches qu’il ouvre et dans l’incertitude sur la question des conflits d’intérêts qu’il est susceptible de recouvrir, il ne me sera pas possible de voter en faveur d’un projet de loi qui demeure, malgré quelques correctifs, foncièrement transgressif.
Pour aller plus loin :
- Intervention de Dominique SOUCHET, député du Mouvement Pour la France (MPF), auprès du Ministre de l'Education nationale, M. Luc CHATEL, concernant la diffusion de la théorie du genre dans les manuels scolaires.
- Reconnaissance du génocide vendéen : Dominique SOUCHET dépose une proposition de loi et prend date pour la prochaine législature
- Quand le virtuel se rebelle contre le réel, l’irrationnel détruit l’humanité
- Evolution de la loi sur l'avortement (loi Veil)
- 58 députés alertent le gouvernement et la majorité, sur les graves dérives du projet de loi de bioéthique