Le coq gaulois chante. Mais ce n’est pas vraiment un nouveau baby-boom. Le taux de fécondité des femmes vivant sur le sol de France vient de passer le seuil symbolique de 2 enfants par femme en âge de procréer. Mais il est plus précisément à 2,01, soit pas tout à fait le seuil nécessaire au renouvellement des générations qu’on estime à 2,1. Paradoxe de l’inertie démographique, 366 000 Français de plus sont tout de même comptabilisés l’an dernier par l’INSEE qui estime la population totale à 64,3 millions d’habitants.
Vu de France, dans une Europe en pleine crise démographique, un dicton populaire joue à plein : « Quand je me regarde, je me désole, quand je me compare, je me console ». La politique familiale française, malgré son érosion, expliquerait sa relative santé démographique.
Mais les spécialistes de l’Institut National d’Etudes Démographiques (INED) estiment qu’il y a un rapport direct entre la situation économique et le taux de natalité : le brutal et violent revirement actuellement observé leur fait craindre un retour de bâton.
Par ailleurs, année après année, la France voit baisser le nombre de femmes en âge de procréer (200 000 de moins dans les 10 dernières années). Le nombre de jeunes de moins de 20 ans est déjà passé sous la barre des 25 % en 2008. Il y aurait donc un grand écart entre le ton victorieux de la presse grand-public et l’implacable constat des démographes qui clament : « Non, la France ne rajeunit pas ! » Il faudrait pour cela poursuivre le mouvement vers le second, voire le troisième enfant.
Dans la vieille Europe, on craint les pyramides des âges en forme de toupie dont les personnes âgées écraseraient de leurs charges les jeunes générations devenues insuffisantes. Surprise : en 2008, et pour la première fois depuis bien longtemps, l’espérance de vie n’a plus progressé dans l’Hexagone.
Un homme né en 2008 devrait vivre en moyenne 77,5 ans et une femme 84,3 ans. Est-ce le tabagisme féminin, de plus en plus précoce, qui aurait fait reculer l’espérance de vie féminine de 0,1 année entre 2007 et 2008 ? Le démographe Stefan Lollivier se garde de « surinterpréter ce résultat » considérant que c’est « sans doute un palier temporaire ».
La mutation démographique la plus notable serait « qualitative » si l’on peut s’exprimer ainsi en matière d’humanité. La France – cette fois plus que la plupart de ses voisins – connaît un phénomène croissant de naissances hors mariage : désormais 52 %. Par ailleurs, l’âge de la première maternité n’en finit pas d’augmenter, se situant désormais près de la trentaine tandis que de nombreuses femmes découvrent la maternité vers 40 ans. Certes, le taux d’activité professionnelle des Françaises très élevé (80 % des 25-49 ans exercent une activité professionnelle) n’a pas empêché le regain de maternités. Ce serait la rançon des politiques publiques visant à promouvoir la conciliation vie familiale / vie professionnelle, que d’aucun suspectent de « dérive collectiviste ». La secrétaire d’État à la Famille, Nadine Morano vient d’ailleurs de promettre « 400 000 solutions d’accueil nouvelles » pour les jeunes enfants.
Dans un autre ordre d’idée et selon l’adage « la mauvaise monnaie chasse la bonne », le Pacs se rapproche du mariage qui ne doit son maintien quantitatif qu’aux remariages (140 000 pacs environ en 2008 contre 273 000 mariages). Désormais 94 % des pacs sont conclus entre des partenaires de sexes complémentaires.
Mais quelle sera la stabilité familiale dont pourront bénéficier les nouvelles générations ? Trop d’enfants ne se retrouveront-ils pas ballottés entre parents séparés et beaux-parents, avec, comme corollaire désormais bien connu, la difficulté à juguler leurs violences adolescentes ?
A l’occasion de tous ces bilans annuels, l’INED a pointé le nombre d’enfants conçus par fécondation in vitro : 200 000 depuis 30 ans que ces techniques sont opérationnelles. En y ajoutant l’ensemble des « aides médicales à la procréation », l’institut va jusqu’à estimer que chaque classe de maternelle comprend un ou deux enfants issus de ces techniques. Là aussi, la France serait « en pointe ».
Cependant, avec environ 20 000 naissances obtenues sur un total de 830 000, les moyens les plus « artificiels » que sont l’insémination et la fécondation in vitro n’expliquent pas le sursaut démographique français. Derrière cette technicisation de la procréation se profile surtout une nouvelle grande peur émergeante : la montée de l’infertilité humaine que la plupart des spécialistes attribuent à la sédentarisation et à la pollution.
http://www.linternaute.com/actualite/savoir/06/demographie/interview-france-prioux.shtml