Héros, ou célébrités? - France Catholique
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Pontificat de François - numéro spécial
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Héros, ou célébrités?

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À l’école Saints Cyrille et Méthode qu’enfant je fréquentais à Brooklyn dans les années 1950-60, les Sœurs encourageaient les écoliers à choisir un modèle parmi les Saints et personnages historiques illustres.

Le premier modèle suggéré était le Saint Patron dont nous portions le nom. Pour moi, il était trop facile d’admirer Saint Georges chevauchant, la lance à la main, contre les forces du mal.

Dans les classes suivantes, les Sœurs nous lisaient des vies de Saints dans la collection « Vision Books ». J’ai été frappé par le « Saint Thomas More » par Elizabeth Ince. Ce livre et le film « Un homme pour l’éternité » vu la première fois en 1966 m’ont fait projeter le grand martyr en tête de liste de mes héros. J’ai encore dans mon bureau une copie du portrait de More par Holbein.

En Février les Sœurs faisaient un grand cinéma à propos de deux héros Américains, Abraham Lincoln et George Washington, dont les anniversaires respectivement le 12 et le 22 février, étaient des fêtes nationales. On accrochait le portrait des deux grands hommes dans toutes les salles de classe dont les murs étaient pavoisés aux couleurs patriotiques. Il y avait bien des discours sur leurs qualités. Le Père de notre Nation ne pouvait proférer un seul mensonge, et Lincoln, après une journée passée à fendre du bois, s’asseyait le soir au coin du feu pour étudier.

Une année, on nous parla des 110 règles de savoir-vivre de George Washington, qu’il avait notées dans un petit carnet qu’il garda toute sa vie sur lui. Ces règles, je l’appris plus tard, provenaient d’un document utilisé par les Pères Jésuites pour enseigner à leurs élèves un code de bonne conduite, de courtoisie et d’honneur. En voici un échantillon:

Ne te réjouis pas du malheur d’autrui, même si c’est ton ennemi;

Garde une apparence modeste et efforce-toi de suivre la nature plutôt que susciter l’admiration;

Ne médis pas des absents, ce serait mal agir;

Parlant de Dieu et des choses divines, fais-le avec sérieux et révérence.
Honore tes parents, sois-leur soumis même dans la pauvreté;

Efforce-toi d’entretenir dans ton cœur cette petite lueur de feu céleste qu’on appelle la conscience;

Hélas, l’époque où l’on pouvait admirer les grands présidents pour leurs qualités est révolue. Les anniversaires de Lincoln et Washington ont été remplacés par le « Jour des Présidents ». Nous sommes invités à honorer de grands hommes — et aussi des hommes médiocres.

Franchement, je n’ai aucune envie d’honorer le Président James Buchanan (1856-1860), un politicien invertébré de bonne compagnie, mais écoutant les conseillers Sudistes, sans réaction en 1860 quand le Sud s’armait pour la guerre [de sécession.].

Ni le Président Rutherford B. Hayes (1877-1881), un anti-catholique acharné qui, lorsque la Chambre des Représentants passa un projet de loi semblant donner la possibilité de subventions aux écoles paroissiales, couvrit de son mépris ce projet qu’il appela « La clause des jésuites ».

À cause du rythme 24h/jour – 7 jours/semaine des informations, de l’invasion par Internet et de la brièveté des nouvelles à retenir, le gros problème de notre époque se trouve dans l’ennui où plongent les gens qui réclament leur ration quotidienne de nouveaux héros.

Et en vérité ils ne demandent pas d’authentiques héros ayant accomplis des actes de bravoure ou mené une noble et vertueuse existence exemplaire. Non, ils veulent des célébrités chaque jour nouvelles.

Retour en arrière : en 1962, l’historien, Prix Pulitzer, Daniel J. Boorstin publia un livre prémonitoire intitulé The Image : or What Happened to the American Dream (L’Image, ou ce qu’il advint du Rêve Américain). Il expliquait que les Américains étaient inondés de « pseudo-événements humains », « nouvelle variété d’élucubrations qui encombrent les idées et obscurcissent la vision », source du culte de la célébrité.

C’est Boorstin qui a ciselé cette phrase: « Un personnage célèbre est une personne connue parce que bien connue.» En d’autres termes, notoire par sa notoriété ; réputé grâce à sa réputation. Et Boorstin conclut qu’une célébrité est « la parfaite incarnation de la tautologie: c’est le plus familier qui est le plus familier ».

Les véritables héros résistent à l’épreuve du temps, deviennent immortels et sont toujours vivants dans les écrits des historiens. Les célébrités sont de leur temps, grâce à la promotion des agents de presse et de publicité.

Selon Boorstin, « le temps, en passant, élève le héros, et anéantit la célébrité.» Les célébrités naissent et meurent au gré des médias. Sortant de l’actualité, elles sont finies. D’anciens admirateurs peuvent bien s’interroger : « et qu’est donc devenu ….? »

Les gamins ignorant tout des héros authentiques — les Pères Fondateurs, le Pape Jean-Paul II, Mère Térésa, — sont de véritables experts en ce qui concerne les goûts, l’habillement, les vices et les comportements sexuels de célébrités telles que Paris Hilton, Kim Kardashian, Britney Spears, et Justin Bieber. Comme le remarque Boorstin, « les images ont remplacé les idéaux. »

Le culte de la célébrité a atteint un ridicule tel que l’émission The Today Show a traité des choix de prénoms de bébés de célébrités en 2012.
Saviez-vous que Katherine Heigl et Josh Kelley ont appelé leur fille Adalaide, choix excellent car plein d’un « chic désuet » ? Ou que l’enfant de Reese Witherspoon et Jim Toth a été affublé d’un prénom affligeant : Tennessee. Oui, pour Linda Murray, rédactrice du site Baby Center « les mamans adorent leur idole mais détestent ce nom trop étiqueté « sudiste », trop répandu, elles attendaient mieux de sa part.»

Les temps sont passés où les nouveaux-nés recevaient le nom de personnages admirables pour leur caractère, leur apport à l’humanité, leurs actes charitables. Et s’efforçaient de vivre à leur exemple. De nos jours, les gens scotchés à leurs smartphones et autres IPods imitent ceux qui ne sont rien de mieux qu’un sous-produit des médias populaires.

Le culte des célébrités est le dernier exemple de l’abêtissement de l’Amérique où comme le disait James Russell Lowell: « l’idole est à l’aune de son adorateur. »

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Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2013/heroes-vs-celebrities.html


Illustration :

La « une » d’un tabloïd: l’abêtissement de l’Amérique