Guerrier de la justice sociale: Critique de “Le pape François” - France Catholique
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Guerrier de la justice sociale: Critique de “Le pape François”

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Le jour où le documentaire du réalisateur allemand, Wim Wenders, Le pape François : un homme de parole est sorti (le 18 mai), je suis allé à la première représentation du matin dans le cinéma multiplex le plus proche. Je suis arrivé environ 20 minutes à l’avance et j’ai pris place. 10h30, l’heure du début du film est arrivée, et j’étais seul dans la salle.

Wenders est un documentariste de renom, ainsi qu’un réalisateur de longs métrages. Son film romantique, Wings of Desire/ Les ailes du désir (1988), drame sur un ange gardien qui tombe amoureux d’une trapéziste, a été très acclamé, et son documentaire de 1999 sur les musiciens cubains, Buena Vista Social Club, a reçu une nomination aux Oscars, et, encore une fois, beaucoup de succès.

Le film le plus récent de M. Wenders, Submergence/ Submersion (2017) un thriller d’espionnage en quelque sorte, a été un désastre artistique, critique et financier. Le pape François est peut-être un signe que le réalisateur a perdu son doigté.

Il n’est pas correct d’honorer cet exercice d’hagiographie par le mot « documentaire ». Il s’apparente davantage au genre de vidéo promotionnelle qu’on s’attendrait à voir dans une convention politique – le genre qui fait mousser sans discrimination les réalisations du candidat du parti.

Wenders, qui a été élevé dans une famille catholique, est passé au protestantisme et maintenant se décrit négligemment comme « catholique et protestant en même temps », ne s’intéresse pas du tout à la religion du Pape. C’est l’activisme du Pape qui l’a conquis et qui l’a conduit à la décision d’accepter la demande du Vatican de faire un film.

Le titre allemand de Wings of Desire est Der Himmel Über Berlin (« Le paradis au-dessus de Berlin ») et Le pape François : Un homme de parole commence par une vue aérienne de la Cité du Vatican.

Wenders a structuré le film avec plusieurs éléments souvent répétés : des entrevues avec le pape (filmées « medium close »/moyennement près, le Saint-Père fixant directement le spectateur – en fait la lumière rouge au-dessus de l’objectif de la caméra) ; des images du Pape voyageant pour visiter des bidonvilles, des ghettos et des favelas à travers le monde, et d’étranges vignettes en noir et blanc illustrant la vie de saint François.

En ce qui concerne ce dernier élément, il est clair que Wenders veut que nous voyions le choix du nom du cardinal Bergoglio lors de son élection à la papauté comme prophétique – et comme validé par le comportement ultérieur du Pape.

Les segments muets en noir et blanc représentant saint François ont été tournés à l’aide d’une caméra des années 1920, et le film ainsi produit est un peu granuleux et destiné à suggérer quelque chose de très vieux. Evidemment, la décision d’utiliser une caméra du début du XXe siècle a été rendue nécessaire par l’indisponibilité de caméras du XIIIe siècle. Ces segments sont stupides.

Mais ce qui fait de Le Pape François : un homme de parole un échec total, c’est son refus de montrer l’histoire entière de cette papauté. Il ne fait qu’une seule mention non spécifique (à la fin du film) de controverse, en dépit du fait que c’est objectivement la papauté qui sème le plus la discorde depuis au moins les derniers Médicis (pour des raisons différentes, bien sûr).

C’est le seul documentaire basé sur des interviews que j’aie jamais vu dans lequel seulement le sujet du documentaire est interviewé. Avec la photographie flou artistique de Lisa Rinzler montrant le pontife souriant, on pourrait imaginer que c’est Leni Riefenstahl, et non Wenders, qui se tient à l’épaule du cinéaste.

Wenders a dit dans des interviews que le choix du cardinal Bergoglio de son nom papal signifie :

Une identification et une solidarité radicales avec les pauvres et les parias, qu’il était synonyme d’un profond souci pour la nature et « notre mère la Terre » et d’un effort renouvelé pour instaurer la paix entre (sic) les religions.

Il a également déclaré ne pas s’intéresser à ce que les autres documentaristes appellent une « distance critique » entre cinéaste et sujet, ce qui explique pourquoi le documentaire n’est rien de plus qu’une vidéo de propagande. Wenders, qui est le narrateur dans tout le film, semble croire qu’il défend le pape, mais on ne peut jamais gagner un cas en ignorant les preuves contradictoires même si, en fin de compte, il y a un acquittement.

Wenders est particulièrement enthousiaste à propos de Laudato si’ l’encyclique du pape sur l’environnement, et sa trace est omniprésente dans le documentaire. Le réalisateur présente des scènes de pauvreté et d’immondices et se délecte de voir le Pape condamner fortement la cupidité. François croit que les évangiles sont un genre de manuel anti-pauvreté, et il raille les communautés fermées, embrasse Evo Morales, et semble n’avoir aucun soupçon (et, à 81 ans, incapable d’apprendre) sur la réponse clairement démontrée à l’allégement de la pauvreté, qui est le développement du marché libre. Pour un homme du peuple, il a un goût d’élitiste pour les économies dirigeantes.

A la fin du film, le Pape dit qu’il y a deux choses qu’il essaie de faire tous les jours : sourire et rire. Les sourires du pape abondent dans Le pape François : un homme de parole, pourtant le documentaire de Wenders est sans humour et finalement sans joie, en grande partie parce que c’est un Pape plus porté sur le harcèlement que sur l’inspiration, et il y a une solennité lourde dans le film.

Clairement, Wenders a l’intention de montrer un homme simple essayant de sauver le monde, mais c’est un salut presque entièrement en termes sociopolitiques ; c’est pourquoi le documentaire se concentre sur les questions politiques globales et présente le pape comme le guerrier de la justice sociale prédominant de la planète

Ce n’est pas que je pense que c’est une mauvaise interprétation du pape François, ce n’en est peut-être pas une. A un moment donné le Pape dit que l’Eglise n’est pas une ONG (organisation non-gouvernementale – exemples : Greenpeace, Médecins sans Frontières), pourtant c’est à peu près la manière dont le centre d’intérêt de Wenders la fait paraître.

Surtout, le pape François : homme de parole est ennuyeux. Maintenant, je dis peut-être cela parce que le film raconte une histoire que moi – et, je m’imagine, les lecteurs de The Catholic Thing – connaissons déjà. Cela m’a semblé être un récapitulatif tel que l’on voit au début de nombreuses mini-séries, comme dans « précédemment sur… » ou « notre histoire jusqu’ici… » Sauf que c’est un récapitulatif d’une heure et demie. Et je me demande à qui Wenders destine ce documentaire. Catholiques perdus ? Protestants curieux ? Ecoliers catholiques ?

Je voulais sortir 45 minutes après le commencement de ce film de 96 minutes, mais si j’avais fait cela, je n’aurais pas pu écrire cette critique.

Image : M.Wenders et son sujet.