Génie et déni du christianisme - France Catholique
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L'incroyable histoire des chrétiens du Japon
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Génie et déni du christianisme

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Génie et déni du christianisme

Génie et déni du christianisme

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Hervé Louboutin est passionné de littérature. Depuis toujours, il en a subi l’envoûtement, celui que provoque son écrivain de prédilection, François-René de Chateaubriand. Familier de Saint-Malo et de Combourg, son pèlerinage sur les lieux les plus chers à « l’enchanteur », il a forcément médité l’ouvrage qui fit la fortune de celui qui sonna le réveil d’un christianisme que les révolutionnaires avaient voulu réduire à l’état de ruines. Le génie du christianisme, paru en 1802, après avoir été médité et écrit à Londres, aura eu « deux lecteurs assidus et conquis : le pape Pie VII et Bunonaparte, qui signeront tous les deux le Concordat le 24 Germinal an X, rétablissant officiellement le culte catholique en France ». Il aura eu aussi bien d’autres lecteurs, et son influence fut décisive sur un XIXe siècle certes romantique mais aussi marqué par un prodigieux réveil religieux. C’est que Chateaubriand avait développé toutes les vertus et les prestiges d’une apologétique du christianisme : « De toutes les religions qui ont jamais existé, la religion chrétienne est la plus poétique, la plus humaine, la plus favorable à la liberté, aux arts et aux lettres. Le monde moderne lui doit tout, depuis l’agriculture jusqu’aux sciences abstraites, depuis les hospices pour les malheureux jusqu’aux temples élevés par Michel Ange et décorés par Raphaël… » Œuvre de sensibilité au sens le plus généreux, Le génie du christianisme s’oppose frontalement au règne des Lumières, sans lequel la tourmente révolutionnaire n’est pas pensable. Mais selon H. Louboutin, il avait fallu aussi que ces Lumières soient portées et diffusées par un mouvement militant puissant et efficace, la franc-maçonnerie : « Malgré la multiplicité des obédiences et des rites, la franc-maçonnerie poursuit de différentes manières un objectif unique : arracher à Dieu la société des hommes. Souvent dissimulée, cette ambition a été révélée par d’anciens frères convertis ou revenus à la foi chrétienne. » Hervé Louboutin n’entend pas rappeler le passé pour lui-même, il veut montrer que l’actuel « déni du christianisme » se comprend, certes, dans le temps long de l’histoire mais s’affirme dans une entreprise très contemporaine de déconstruction de la foi et de la civilisation chrétienne. Il fut de ceux qui, avec Philippe de Villiers, reçurent Alexandre Soljenitsyne en Vendée et entendirent sa leçon magistrale. De la révolution antichrétienne est sortie l’Union soviétique… avant que les hommes n’ouvrent les yeux : « C’est le XXe siècle qui a considérablement terni, aux yeux de l’humanité, l’auréole romantique qui entourait la révolution du XVIIIe », constate Soljenitsyne. Hervé Louboutin ne médite tant le passé que pour saisir le présent. Il ne saurait être l’objet du reproche que l’on a fait à son grand homme : désirer le passé et regretter l’avenir. Il y a, en effet, une façon d’aimer nostalgiquement le passé qui disqualifie toute fécondation de l’avenir. Ce qui le préoccupe lui, c’est une apologétique pour le présent que notre patrimoine littéraire permet de nourrir. D’autres Chateaubriand ? À sa façon, notamment avec l’aventure du Puy du Fou, il a participé à un retournement mémoriel qui permet au plus grand nombre de ressaisir l’histoire, en remettant en cause tous les canons du rationalisme révolutionnaire. C’est pourquoi il regrette amèrement que la visite de Jean-Paul II à Saint-Laurent-sur-Sèvres, en 1996, n’ait pas été accompagnée du grand mouvement de foule qui aurait permis un élan de foi en cohérence avec l’épopée vendéenne. Celle dont saint Louis-Marie Grignion de Montfort avait été l’initiateur. S’il y a déni du christianisme pour effacer son génie, c’est peut-être par la faute d’une myopie intellectuelle. Que renaissent d’autres Chateaubriand pour faire à nouveau briller son génie sur une terre prédestinée.
—  Le déni du christianisme, Hervé Louboutin, préface du P. Jean-François Thomas, éd. Via Romana, 200 p., 14 €.