François - le doigt montrant la lune. - France Catholique
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François – le doigt montrant la lune.

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Dans la jungle des adages du zen boudhiste, l’un des plus compréhensibles est : « Mieux vaut voir le visage qu’entendre le nom.» Ce qui s’applique bien à diverses vérités, comme c’est le cas des bonnes maximes — à se rappeler en ces jours joyeux suivant le Vendredi saint et la Pâque — mais pensons d’abord à Dieu.

Dans les pensées zen se trouve aussi une mise en garde à propos du doigt montrant la lune. Si on ne considère que le doigt, ce qui est destiné à aider peut être nuisible.

Ces deux citations sont de bons rappels pour notre culture inondée d’informations, où grâce à votre smartphone vous avez instantanément accès à une grande part de l’héritage artistique et intellectuel de l’humanité. Rares sont cependant ceux qui, sans une longue formation, peuvent en saisir toute la signification — sans compter les réalités ainsi mises en valeur.
En vérité il nous faut des repères le long du chemin vers notre destination finale. L’idée actuelle que nous puissions d’un saut bondir depuis notre position, quelle qu’elle soit, jusqu’à Dieu, ou à la « spiritualité », ou — idée inquiétante — jusqu’à nous-mêmes, est pernicieuse. Presque toute saine culture nous enseigne qu’il faut une démarche patiente pour saisir la vérité, puis de longs efforts pour la vivre.

L’humilité première et la disponibilité du pape François m’ont fait penser à tout cela car, aussi naturels qu’aient été, comme je crois, ses gestes, il serait tragique qu’ils soient mal interprétés — ou simplement ignorés.
Il n’est pas un pape de calibre mondial comme l’était Jean-Paul II. Papa Wojtyla était l’homme de la situation pour tordre le cou à ce truc de « Lumières » du Marxisme. Non seulement il a aidé à l’étouffer, mais il a aussi mis en évidence les lourds dégâts humains causés par la nature même de cette version matérialiste des « Lumières ». Il y avait là une notion gravement erronée de la nature humaine. Et lorsque l’idéologie se heurtait aux êtres humains, ces derniers étaient éliminés au nom du « progrès ».
Wojtyla n’a pas aussi bien réussi contre le matérialisme occidental. J’aime ce qu’il essayait de faire avec la théologie du corps, par exemple; et pourtant certains des adeptes semblent parfois chercher à en faire une sorte de culte sexuel moyen-oriental.

Mais c’est Joseph Ratzinger, avant comme après son élection, qui a compris en profondeur la plus grande déviation culturelle dont l’aspect sexuel n’est qu’un élément majeur. Vu de nos jours, le cosmos est un chaos, et la raison n’est qu’un outil tardif et peu efficace pour aider à satisfaire nos désirs. Une telle attitude nie le Logos, sans même y réfléchir, la parole créatrice qui fait et ordonne toutes choses, y-compris la vie des hommes. Tout ordre, toute pensée, viendraient donc de nous, et non de la nature, ou de Dieu.

Notre gourou désormais californien, le Père Schall, l’a souvent dit, Benoît XVI a mis le doigt sur cette vérité actuelle. Mais aussi brillant qu’ait été son diagnostic, il n’a guère remué notre environnement défaillant. Même le plus pénétrant des esprits en est pratiquement incapable car nous vivons dans un monde qui ignore superbement la pensée.

Et voici le pape François. Il serait prématuré de dire comment sa préférence évidente pour l’humilité et la simplicité servira à de plus grands projets. Convenablement comprises, l’humilité et la simplicité sont, bien sûr, de bons guides vers la vérité chrétienne. Mais agir en tant que cardinal archevêque de Buenos Aires est une chose, tout autres sont les actes du pasteur universel, pontifex maximus pontife suprême — ce personnage qui doit établir des ponts vers tous les points cardinaux et mener les troupeaux des diverses parties du monde.

Les gestes simples et humbles sont une façon de montrer le Visage. Mais sans le solide enseignement pour montrer ce Visage, ces gestes se perdront dans un monde auquel manque un logiciel de reconnaissance visuelle. François semble l’avoir compris. Lors du lavement des pieds de Jeudi Saint, il disait :


« Vous laver les pieds est le signe que je suis à votre service . . . Mais aussi que nous devons nous entraider . . . Je fais cela de tout cœur parce que c’est mon devoir de prêtre, d’évêque; je dois être à votre service . . . C’est un devoir du fond de mon cœur car j’aime l’accomplir, c’est ce que le Seigneur m’a enseigné. . . Ce signe est une caresse de Jésus, ce Jésus venu précisément pour cela, nous servir et nous aider.»

C’est un bon début, mais si de tels gestes ne sont pas immédiatement reliés à ce que le monde pense déjà savoir du Christianisme — aide mutuelle, et tout le reste — il faudra emmener les membres de l’Église et tout le monde vers une plus grande vérité.

Ceci devra être mené sur plusieurs plans. L’Osservatore Romano révèle qu’avant son élection, le cardinal Bergoglio mettait en garde contre un « narcissisme théologique », selon lequel nous préfèrerions débattre sur la signification du doigt au détriment de ce qu’il montre, la lune. Il en parlait avec le titre de mysterium lunae — « mystère de la lune ».

Il va ainsi plus loin que le vieil adage zen : l’Église ne brille nullement de sa propre lumière, mais reflète celle du soleil — vieux jeu de mots anglais où le soleil « sun » est confondu avec le fils « son ».

Nous avons donc matière à réflexion: un pape nous parle de l’Église comme d’une réalité divine devant se voir comme brillant de la lumière de Dieu. Il n’y a là rien de bien nouveau. Mais peut-être, oui, peut-être, avons-nous besoin, après l’immense action de Jean-Paul II et l’enseignement considérable de Benoît XVI, d’un troisième élément: un pape qui comprenne comment par les petites fissures ouvertes par les petits gestes le monde pourra voir la lumière.

Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2013/francis-the-finger-and-the-moon.html