Des millions de catholiques ont survécu lors de la grande crise des années 1930 grâce aux paroisses et à leurs écoles paroissiales. Par leur rôle de centres socio-éducatifs ces institutions ont aidé à prévenir l’émergence d’une sous-classe rebelle. Prêtres et religieuses ont servi de guides pour entretenir le civisme. Les enfants ont appris la valeur de la famille, de la discipline, de la loyauté et du travail quelles que soient les conditions matérielles. Malgré les difficultés financières, les familles catholiques sont restées intactes. Elles n’ont pas été touchées par un symptôme de pauvreté.
Dans les années 1960, cependant, l’ascension sociale et les programmes douteux dits de « Meilleure société » ont fait éclater bien des familles américaines. Le sociologue Daniel Patrick Moynihan, dans son rapport prémonitoire de 1965, « Familles noires, une action nationale à engager », révélait que beaucoup de pauvres noirs américains étaient empêtrés dans un enchevêtrement pathologique à cause du système d’aide sociale qui détruisait les familles car incitant les homme noirs à les abandonner pour bénéficier plus, personnellement, des allocations.
Cette désintégration des familles n’est pas une exclusivité des noirs américains. À Washington le groupe de recherches « Child Trends » [Tendances de l’enfance] a relevé que « suite à une montée régulière au cours des cinquante dernières années, le nombre d’enfants nés de mères célibataires a franchi un seuil: plus d’un enfant sur deux nait en Amérique hors mariage ».
La plus forte augmentation se trouve chez les femmes blanches. Chez les femmes blanches agées de moins de 30 ans il y avait en 1990 21 % de naissances hors mariage, le chiffre actuel est: 51 %.
Le politologue Charles Murray explique dans son nouveau livre perspicace « Coming apart: the state of white America,1960 – 2010 » [Vivre seul: blancs en Amérique] pourquoi les familles blanches de « cols bleus » américains se sont dissoutes. Son argumentation, fort intéressante, cite comme cause première du problème non pas les inégalités de salaires ou le manque d’emplois, mais l’érosion des valeurs fondatrices de la nation, qui avaient pour bases le travail, l’honnêteté, la religion et le mariage.
Au cours du dernier demi-siècle, les droits sont devenus une arme pour revendiquer des avantages personnels; faire appel à la responsabilité selon une hiérarchie morale est devenu une grossièreté. Il en résulte l’imprégnation du comportement des classes laborieuses par des notions nocives :
Les programmes contre la pauvreté ont promu la victimisation, « ce n’est pas votre faute ».
Dans les cours d’éducation sexuelle, la famille est définie comme un groupe de personnes vivant ensemble. Les naissances illégitimes, les familles monoparentales, sont décrites comme des comportements normaux « autres ».
Dans le système judiciaire on a rejeté la sanction et, au lieu de culpabilité – punition on a introduit tolérance et compréhension.
Ces nouvelles idées ont marginalisé les valeurs fondatrices, affaibli le sens du travail, et créé une sous-classe d’humains.
À partir des années 1970 les hommes blancs dont le niveau ne dépassait pas le lycée commencèrent à déserter le monde du travail sans raison apparente. Actuellement environ douze pour cent de blancs américains n’ont pas envie de travailler. Certains vivent chez leurs parents et prennent des petits boulots de temps en temps pour l’argent de poche. D’autres tournent mal, délits, accumulation de dettes suivie de faillite personnelle. [NDT: la « faillite personnelle » est entrée dans les mœurs américaines depuis quelques années].
Beaucoup n’épouseront pas leur mignonne, même enceinte, pour échapper aux responsabilités d’adultes. Ce changement de comportement du mâle américain est, selon Murray, directement lié au déclin de la pratique religieuse.
Les hommes des quartiers catholiques n’ont pas échappé à la contagion du syndrome anti-mariage décrit par Murray. Regardons les choses en face, les fantaisies post-Vatican II ont contribué au déclin de la pratique religieuse. Les catholiques des villes, dévoués aux doctrines solides comme le roc de la foi, ont été mitraillés par des innovateurs zélés qui, au nom de Vatican II, ont rejeté, trituré, révisé, éliminé les croyances, les principes moraux et les cérémonies tant aimées de génération en génération.
Des évêques chancelants, des prêtres et des religieuses rebelles, et des théologiens révisionistes ont semé la confusion dans les paroisses et les écoles paroissiales. En 1980 les chercheurs ont constaté ceci chez les catholiques: trois sur quatre approuvent l’acte sexuel hors mariage, huit sur dix approuvent la contraception, et sept sur dix approuvent la légalisation de l’avortement.
Murray étudie un quartier de Philadelphie, Fishtown, blanc à 99% en 1960 91% actuellement, et naguère profondément catholique: « l’Église catholique, sans exagération, était jadis le noyau de Fishtown . . . Le sentiment catholique universel marquait les sentiments des paroissiens de Fishtown. Les enseignements de l’Église — entre autres, que le foyer est une chapelle familiale — étaient un ciment pour les valeurs de tout le noyau de Fishtown.»
Hélas, en raison du déclin de l’influence de l’Église et du triomphe de la contre-culture, Fishtown n’est plus « ce quartier de travailleurs profondément unis, attachés à la famille, durs au travail, imbattables. »
En 1960 9% des hommes de Fishtown ne travaillaient pas; aujourd’hui, 30%, cette croissance n’est pas due au chômage.
En 1970 81% des familles de Fishtown avec des enfants de moins de 18 ans étaient constituées de couples mariés. 67% en 1990, et la chute continue.
La délinquance, inexistante dans le quartier en 1960, suit une ascension dramatique à cause des changements dans les structures familiales. Beaucoup de jeunes sans surveillance, vivant dans des foyers sans père, arpentent les rues et commettent des agressions pour financer leurs habitudes de boisson et de drogue.
La fréquentation de l’Église est en baisse, les naissances illégitimes et la dépendance aux aides sociales sont en hausse.
Murray rend un grand service en sonnant le tocsin, alerte de destruction de la famille dans les classes laborieuses, destruction qui menace le mode de vie dont l’Amérique a besoin pour exister.
Ne ratons pas le train, et partons à l’assaut contre ces problèmes, insiste-t-il, « Les gens qui essaient d’agir pour le bien doivent recevoir l’assistance nécessaire — non pas sous la forme d’aide gouvernementale — mais par la remise en bonne place des valeurs et des normes qu’ils persévèrent à soutenir.»
Il a raison. Et dans les quartiers catholiques « Fishtown » des villes américaines, la super-priorité pour l’Église doit être de toucher des fidèles émerveillés. Jean-Paul II disait que l’Église doit tout mettre en œuvre pour sauvegarder et entretenir les valeurs et les besoins des familles… en proclamant, joyeusement et avec conviction, la bonne nouvelle de la famille et l’importance de sa mission dans la cité de Dieu et dans la cité des hommes.
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Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2012/the-decline-of-working-class-catholic-families.html