Eléments d’anthropologie philosophique permettant de comprendre l’humanité de l’embryon - l’être en puissance, actualité et information - France Catholique
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Eléments d’anthropologie philosophique permettant de comprendre l’humanité de l’embryon – l’être en puissance, actualité et information

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Hommes et femmes de notre temps qui s’affrontent souvent, et en arrivent même parfois à s’insulter, au sujet de l’avortement, à cause de positions opposées apparemment irréconciliables, pourraient peut-être trouver dans les réflexions suivantes au moins l’opportunité de situer précisément les enjeux. Qui, Quel est celui ou celle que l’on veut sauver à tout prix, ou que l’on est prêt à supprimer ? (pour des raisons qui ne sont pas examinées ici)

Intermédiaire entre l’être complet, doué de tous ses organes en état de fonctionnement (le vivant achevé, par exemple)) , et le rien, à savoir l’absence pure et simple d’être, l’inexistence ou le non-être, il y a ce qu’on appelle l’être en puissance.

Ce terme, qui vient de la philosophie d’Aristote (IVe siècle avant Jésus Christ), signifie : l’être en devenir, l’être en train d’acquérir sa forme achevée, c’est-à-dire de se constituer, de se faire et se parfaire. Alors, il connaîtra sa pleine actualité. On peut parler également à son égard de processus de transformation ; ou encore d’acheminement progressif vers une plus grande qualité (actualité) d’être.

C’est une évolution du sujet qui comporte des stades ou étapes repérables que, dans le cas de l’embryon, l’observation biologique permet de saisir. Si bien qu’on peut dire à quel point ou degré de son développement est parvenu l’embryon ou le foetus au bout de tant de jours, tant de semaines, tant de mois… et ainsi jusqu’à la naissance. Quant au bébé une fois né, il va poursuivre encore son évolution en plein jour, devenir un petit enfant, un enfant, un adolescent …jusqu’à l’âge adulte.

Il est important de comprendre, et, en conséquence, d’admettre et reconnaître, trois choses.

1) Le processus de développement et de transformation de l’embryon dans le sein de sa mère est un changement continu, une évolution qui s’opère peu à peu, de façon imperceptible. A partir de l’oeuf fécondé, tout se met en place et se prépare progressivement : l’embryon commence à développer son potentiel de vie. Il passe certes par des étapes repérables comme il a été dit, il y a le franchissement de certains seuils, mais il existe une infinité de situations intermédiaires entre le déjà là de l’organe apparu et le pas encore qui le précède et y conduit. De telle sorte qu’on ne saurait dire catégoriquement : à tant de jours ou à x semaines, il a des yeux, des mains ou un cerveau… qu’il n’avait absolument pas quelques semaines ou quelques jours auparavant, ou quelques heures… En vérité, tout cela existait en puissance, c’est-à-dire : était en train d’advenir et de se former, était en préparation – en gestation.

Si le processus de transformation est continu, cela veut dire que c’est le même être qui en est le sujet et qui se développe du commencement à la fin sans changement d’identité. Le foetus de quelques mois n’est pas un sujet autre que l’embryon de quelques semaines, c’est toujours le même, mais parvenu à un stade plus avancé. Et vous qui me lisez, vous avez été vous-même cet embryon et ce foetus…, plus tard, cet enfant ou cette adolescente…

Que la loi fixe une limite temporelle au-delà de laquelle il n’est plus légal d’avorter — 10, 12 ou 14 semaines — ne signifie pas que la qualité humaine de l’embryon soit niée avant cette date, qualité humaine qu’il acquerrait subitement ou instantanément — et arbitrairement — à partir de cette date limite…. La loi fixe une limite pour nous laisser libres et responsables en cas de difficultés graves, et pour nous délivrer du sentiment accusateur de commettre un infanticide, sentiment de culpabilité d’autant plus obsédant que la décision d’éliminer l’enfant intervient à un stade plus avancé de la grossesse… Mais qu’on se débarrasse de l’embryon à peine celui-ci conçu, à deux jours, huit jours, trois semaines ou trois mois, cela revient à l’élimination décidée d’un petit être humain vivant…

2) En second lieu, pour toutes celles qui sont enceintes, j’attire l’attention sur le facteur temps. L’estimation de la valeur de l’embryon, ce petit être humain en préparation que la maman porte en elle, doit inclure le facteur temps et en tenir le plus grand compte. Car c’est dans le temps que le vivant, cet être en puissance depuis sa première germination, se développe et accomplit son «ontogénèse»

La difficulté est que l’appréhension du temps n’est pas forcément donnée d’emblée et spontanément : il faut réfléchir sur le temps, le penser, le projeter et l’anticiper mentalement. Attitude qui n’est pas si évidente pour celle qui se trouve prise ou surprise par l’urgence d’avoir à prendre une décision…

Si on reste rivé à l’instant, à l’immédiat, on s’interdit de percevoir la valeur totale de ce qui est en train de se réaliser et de s’accomplir : en effet, un embryon, dans l’instant, abstraitement séparé de son histoire, n’est pas grand chose apparemment, ou si peu, il n’est presque rien…!

Tandis que si la mère le voit, le projette, s’efforce de le sentir comme le petit être et l’enfant qu’il est devenu et qu’il devient encore ; si elle anticipe sa forme (son essence, sa nature) finale et achevée, son sourire, l’éclosion de son esprit, ses premiers mots, son affection, ses premiers pas…, nul doute qu’elle ne sera pas tentée de dire, comme certains qui minimisent l’inestimable valeur de la grossesse (IVG), qu’il n’est guère qu’un amas de cellules dont on peut se débarrasser sans faire de drames… Ceux et celles qui parlent ainsi n’ont pas intégré le facteur temps qui est pourtant un facteur capital chez les humains, et d’abord dans notre apparition dans le monde.

Pour cela, la mère est dotée d’une capacité phénoménale de communier à la vie nouvelle qui est en elle. Tout son être et sa sensibilité, son amour et son intelligence y sont impliqués. Son propre cycle de vie, son corps, sa psychologie sont modifiés par l’être nouveau qui est apparu, et celui-ci happe et attire à soi le centre de gravité de sa maman (bien souvent l’homme n’y comprend rien…). Le temps de la mère se déplace et s’unit peu à peu au temps de formation du bébé en elle. La gestation uniformise et, en quelque sorte, fait fusionner leur temps.

3) Enfin voici la troisième observation qui confirme et précise, s’il en était besoin, les deux premières. Elle se résume en une phrase : l’embryon, dès son apparition, possède en lui-même la capacité de s’auto-transformer :il n’est pas seulement le sujet de ce qu’il se passe en lui et lui advient : il en est l’auteur (l’acteur) ! Auteur non pas conscient et volontaire, certes, mais principe actif de la vie qui est en lui et lui est donnée, le traverse et le constitue tel vivant ; qui est la cause de son organisation et de sa croissance. (ce principe actif d’organisation, qui traverse le vivant, le définit et fait de chacun ce qu’il est; qui se trouve à l’origine d’opérations auto-centrées, conduisant son développement, faisant concourir au bien de l’ensemble une multitude d’éléments matériels et de réactions physico-chimiques d’une complexité presque infinie, certaine philosophie, inspirée d’Aristote, l’appelle : l’âme, c’est à dire la forme du vivant).

La culture scientifique moderne (biologie et génétique) est en mesure dʼaffirmer que, dès lʼapparition de lʼoeuf, fruit de la rencontre des cellules germinales des parents (ovule et spermatozoïde), un être nouveau est présent, doté de son équipement génétique complet, de lʼinformation et du potentiel vital qui vont lui permettre dʼassurer son propre développement et sa transformation.1 Aucune autre cause extérieure à lui nʼinterviendra, hormis la demeure et le milieu nourricier fournis par la mère. Lʼaccueil de la mère est bien sûr essentiel, mais ce nʼest pas cet accueil qui confère sa qualité humaine à lʼembryon. Il lui donne seulement son statut : celui dʼêtre un bébé reconnu et accepté, mieux encore désiré, ou bien celui dʼêtre ce même bébé devenu un hôte incongru, indésirable et rejeté.

Cette vérité scientifique renforce une sagesse anthropologique séculaire, également réaliste : quʼest-ce quʼun embryon? un être humain en devenir ou en puissance, doté dʼune capacité interne stupéfiante de croissance et dʼauto-transformation (il opère par lui-même), le conduisant par un processus complexe et “ininterrompu”, de lʼoeuf initial jusquʼà la naissance (ontogénèse)

En conséquence, il est souhaitable que lʼon donne à la femme enceinte, par des images du développement embryonnaire du «bébé» semaine après semaine, les lumières dont elle a besoin. Ainsi pourra-t-elle mieux apprécier les merveilleuses séquences de la croissance programmée qui se déroule en elle et à laquelle il lui est donné de participer…

Note complémentaire sur puissance et acte

On a besoin de concepts philosophiques pour s’expliquer le devenir, le changement. Comment certaines choses acquièrent des formes plus complexes, plus évoluées, plus parfaites… et ainsi deviennent autres qu’elles n’étaient, tout en demeurant reliées à leur état antérieur et portant en elles une continuité d’existence. Ceci est surtout nécessaire à la compréhension du devenir des êtres vivants. Mais s’applique aussi aux transformations de la matière, soit que ces transformations aient lieu naturellement, soit qu’elles soient le résultat de l’action humaine : on parle alors de production artificielle.

Selon la terminologie d’Aristote, on dit que l’être apte au changement, mais dont le changement ne s’est pas encore opéré, est l’être en puissance. L’être qui se trouve dans un état plus parfait est l’être en acte. Le passage de l’un à l’autre, de la puissance à l’acte, s’il s’agit du même sujet, est un processus d’information : au sens littéral, une nouvelle forme est mise dans l’être en puissance, lui permettant de parvenir à une plus grande actualité ou perfection.

La puissance se tient du côté de la matière, elle-même matière simple et brute ayant la forme rudimentaire qui la fait telle ; ou bien elle se tient du côté de cette matière déjà dans un état plus complexe, c’est-à-dire en possession d’une forme plus élaborée, mais qui se trouve apte à être encore perfectionnée par les virtualités ou potentialités qu’elle renferme ou la réception d’une forme nouvelle qui l’actualise.

Matière sans forme n’existe pas : l’être est toujours qualifié, c’est à dire tel et informé de quelque façon. Forme sans matière n’existe pas non plus, du moins à l’intérieur du monde dont nous avons l’expérience : la forme qualifie toujours une matière dont elle est l’acte. Cette dualité de principes, appelée hylémorphisme, est constitutive de tout ce qui est, et elle est absolument nécessaire à la compréhension du changement. L’interpénétration de formes et de matières rend compte de la diversité du réel et de ses infinités possibilités de mouvement, d’évolution et de transformations.
Tout passage d’un être en puissance à une plus grande actualité ou perfection de sa forme, par un processus d’information, se fait dans le temps. (bien qu’il y ait, selon la théorie de l’évolution, ce qu’on appelle des mutations instantanées ; mais il faut voir qu’elles ont souvent été préparées par de lentes évolutions antérieures, et qu’elles ne permettent pas de franchir des abîmes)

Pour illustrer ces concepts, on propose traditionnellement plusieurs exemples.
Un bloc de marbre, matière qualifiée par nature, mais matière brute en puissance par rapport à l’action du sculpteur s’exerçant sur elle, va acquérir progressivement une nouvelle forme et devenir statue par le travail de l’artiste. Le grain de blé, matériau élémentaire de l’espèce végétale blé, va se transformer en épi par ses virtualités intérieures. L’arbre contient potentiellement les fruits qui vont sortir de lui à la saison prochaine, comme étant sa plus grande actualité ou la perfection de sa forme, ou encore ce pourquoi il est fait, sa finalité. Quant au noyau du fruit, il représente à son tour un arbre en puissance… capable de porter du fruit.

Le bloc de marbre se modifie peu à peu en devenant statue. Le travail de l’artiste ne modifie pas la nature de son matériel, il lui apporte une forme extérieure, une actualité nouvelle, mais toute dans l’apparence ou morphologie externe. Et il se peut que ce travail d’artiste soit absolument génial… Il n’en va pas de même pour une quantité d’ouvrages artificiellement faits par les hommes à partir de différents matériaux : qu’on pense aux bâtiments et aux machines… Ce n’est plus seulement l’apparence extérieure des matériaux qui est modifiée (leur morphologie), mais leur forme, élémentaire ou complexe, qui se trouve transformée par l’actualité nouvelle induite en eux par l’ingénieur (mécanicien, physicien, chimiste, informaticien…) ou l’ouvrier, laquelle est déterminée par l’emploi auxquels on les destine…

On voit ainsi que le couple matière-forme, puissance-acte, peut ne pas être engagé seulement dans l’apparence des choses, mais dans leur essence profonde. (Une maison est constituée de l’assemblage d’une quantité de matériaux qui ont reçu la forme nouvelle induite en eux par le constructeur). Ceci nous permet de nous approcher du processus qui est en oeuvre dans l’apparition des êtres vivants, et de l’être humain en particulier.

Si l’ingénieur et l’ouvrier transforment plus que la forme ou apparence externe des matériaux qu’ils travaillent, comme le fait le sculpteur, mais qu’ils communiquent des nouvelles formes aux matériaux qu’ils transforment – intégrées dans une organisation d’ensemble – c’est encore plus vrai, et même tout à fait vrai du vivant qui se reproduit. Car que transmet le vivant qui se reproduit ? que transmettent l’homme et la femme par la génération ? Non pas une forme surajoutée, procédant de leur pensée, de leurs calculs, de leur imagination…, et refondant en un nouveau tout artificiel des matériaux préexistants, mais ils transmet leur propre forme, leur propre nature par laquelle il sont constitués vivants de telle ou telle espèce.
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Le philosophe Michel Nodé-Langlois l’explique de façon plus précise 2 :

«Aristote concevait sa notion de forme à partir d’une analyse comparative des processus de production techniques et naturels. L’art consiste d’une manière générale à conférer à des matériaux une organisation, qu’ils ne possédaient pas naturellement. Aristote voit dans la génération naturelle un processus analogue, à cette différence près que le géniteur y transmet une forme qui est sa propre forme naturelle, et non pas une forme inventée par son intellect. La notion aristotélicienne de forme spécifique est fondée sur le fait de la similitude morphologique, dans la nature, entre le géniteur et l’engendré : la génération apparaissait ainsi à Aristote comme la communication d’une forme, qui donne à l’individu engendré, tout à la fois, sa consistance individuelle et son appartenance spécifique.»

«La biologie contemporaine a réactivé cette conception en découvrant comment la genèse et le fonctionnement de l’être vivant sont commandés par la structure de son génome, présent dès sa conception en chacune de ces cellules. Elle a aussi précisé comment tout génome comporte une structure spécifique générale qui intègre des éléments de différenciation individuelle » (…)

«Le fonctionnement propre du vivant – la vie – apparaît alors comme un processus par lequel l’individu développe, puis maintient la structure qui en fait un organisme de telle espèce, ou, plus précisément, par lequel il déploie la morphologie adulte correspondant à la structure génétique fixée initialement. Or ce processus de persévérance dans la subsistance individuelle s’accomplit au moyen d’un renouvellement permanent des éléments matériels qui constituent l’être vivant » (…)

«Le mécanisme et la finalité sont causes chacun à sa manière, de même que la cause matérielle et la cause formelle. Ces causalités s’impliquent mutuellement : de même que le rôle structurant de la forme ne s’entend qu’en référence à la matière qu’elle informe, de même mécanisme et finalité renvoient l’un à l’autre, car aucune finalité ne peut se réaliser sans les mécanismes qui y concourent, mais dans un tout organisé, chaque mécanisme fonctionne en dépendance du résultat d’ensemble auquel il concourt, c’est à dire sa fin. »

« On peut dire que la mécanique et la biologie récentes ont permis de repenser la définition aristotélicienne de l’être composé (en tant que synthèse d’une matière et d’une forme) avec la précision que requiert la science moderne : en permettant de concevoir le rôle de la cause formelle comme information, c’est à dire comme structuration active opérant par organisation des éléments matériels (la science contemporaine retrouve la définition aristotélicienne de la forme comme energéïa du composé, soit comme activité composante, en soi d’un ordre autre que celui de l’efficience des forces qui agissent mécaniquement) ».

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En résumé : Un être vivant est “informé”.

Sa forme est premièrement son apparence, sa morphologie,

deuxièmement elle détermine sa nature ou espèce qui le constitue et caractérise entre tous,

troisièmement c’est elle que le vivant a reçue par génération et qu’il transmet à son tour.
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Lorsque l’objet matériel ou les objets matériels sont soumis à l’action d’un agent extérieur (le sculpteur, l’ingénieur, l’ouvrier, la ménagère, la cuisinière…) pour leur transformation, le processus d’information est dit artificiel, il est au pouvoir de l’homme. Le bloc de marbre initial n’est qu’en puissance lointaine à la statue. De même les matériaux servant à la fabrication de tous les objets qui nous sont utiles, passent de la puissance à l’acte (de leur disponibilité à leur mise en service, pourrait-on dire), par l’action informatrice que nous exerçons sur eux.

Il en va autrement pour le devenir des êtres vivants. La matière en puissance de l’être vivant initial (à l’état d’oeuf ou de germe) effectue par elle-même, par sa propre puissance ou énergie, son passage à son état achevé. C’est un processus de transformation naturel, le plus prodigieux et le plus beau qui nous soit offert par la nature. Où l’on voit que la matière initiale n’est pas un matériau brut informe, elle est déjà informée, c’est à dire préparée, agencée, structurée, par une multitude d’éléments complexes dont l’interaction programmée va conduire vers un achèvement ordonné. L’intérêt considérable de la biologie cellulaire et de la génétique est d’essayer de suivre et de comprendre comment, dès son existence, l’œuf met en œuvre les ressources internes conduisant son ontogénèse. C’est bien d’auto-développement et d’auto-transformation qu’il s’agit. Dès que le principe de vie est posé, bien qu’il soit toujours en puissance par rapport à son achèvement programmé, le vivant est infiniment plus proche de son état achevé que le bloc de marbre ne l’est de la statue…, parce que son information n’est pas le fait d’une cause extérieure. L’arbre donne tout seul son fruit. L’embryon se transforme par lui-même en foetus et en bébé.

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Le milieu où éclôt et se développe le vivant en gestation – milieu de vie, milieu nourricier, milieu de convivialité – est certes important et indispensable pour la réussite de son devenir d’être humain. Mais ce milieu n’intervient ni pour lui conférer formellement son identité spécifique (il l’a dès la conception), ni pour le déroulement programmé de sa croissance. Aussi extraordinaire que cela puisse paraître, c’est lui, le petit être vivant qui est le maître de son organisation. Lui ? c’est à dire la vie humaine qui est en lui. On peut se poser la question : mais qu’est-ce que la vie ? Cette vie autocentrée qui l’anime.

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Détruisez un bloc de marbre brut, ou déjà sommairement taillé, dont le sculpteur voulait tirer une statue, vous n’avez pas détruit la statue. Elle n’était pas encore habitée par le projet du sculpteur. Le bloc de marbre n’était qu’en puissance lointaine à la statue. L’information devait lui venir d’ailleurs que de lui-même.

Détruisez l’embryon, vous détruisez véritablement un être humain en devenir, en train d’atteindre sa forme achevée et de le faire par lui-même. Car il est en puissance prochaine à son humanité constituée; il est autonome en rapport à son propre développement en train de s’accomplirr (ce qui ne veut pas dire indépendant du sein de la mère qui le porte). Sa valeur d’être, toujours «en puissance», selon notre appellation, par rapport à son état final , est tout de même considérable.

  1. La Cour européenne de Justice (CEJ), le 18 octobre 2011 a donné de l’embryon une définition claire et complète  : «  Tout ovule humain doit, dès le stade de sa fécondation, être considéré comme un ‘embryon humain’ dès lors que cette fécondation est de nature à déclencher le processus de développement d’un être humain ».

    Un être humain : Mieux vaut, au tout début, ne pas parler de l’embryon comme d’une “personne”, parce que le mot “personne” fait penser à l’être humain dont la forme naturelle a atteint un certain état de perfection et d’achèvement. Mais il faut sûrement, dès son origine, parler de l’embryon comme d’un être humain en formation (que pourrait-il être d’autre ?) et, à cause de cela, ayant droit à la considération et au respect qui sont dus à la personne. En ce sens, le Comité français d’éthique avait lancé le concept de « personne potentielle»

  2. Michel Nodé-Langlois : Cours de Philosophie ; on pourra consulter aussi «La Philosophie pour Les Nuls», de Christian Godin, qui présente au chapitre 5 : «puissance et acte» d’après la philosophie d’ Aristote.