L’évêché catholique d’Arlington, en Virginie, a récemment attiré l’attention de tout le pays pour avoir demandé à ses catéchistes de signer un ”Engagement de foi” affirmant qu’ils croient au catéchisme dont l’Église leur a confié l’enseignement et s’engagent au côté de l’Église comme gardiens de cette foi.
Bref, on leur a demandé d’admettre qu’ils sont catholiques et croient au catholicisme. Question tant sujette à controverse que cinq parmi les 5 000 catéchistes (y-compris enseignants d’écoles catholiques) du diocèse ont démissionné. Petite remarque : Cinq, c’est aussi le nombre de Papes que j’ai connus au cours de ma vie.
Au moins l’un des cinq catéchistes en question, Kathleen Riley, (52 ans) fait partie comme moi (51 ans) de la cuvée des catholiques des années 1970, première génération formée spirituellement et intellectuellement ”dans l’esprit de Vatican II”.
Il n’y avait évidemment rien de mal dans Vatican II, dont les publications étaient dans le droit fil de l’enseignement précédent de l’Église. Le problème résidait dans la façon de comprendre et d’appliquer ces changements pour le clergé et les religieux qui avaient d’autres vues en tête.
Comme je l’écrivais dans mon ouvrage Return to Rome [”Retour vers Rome”], c’est le manque de rigueur enveloppant ces idées qui m’a poussé, comme beaucoup d’autres, dans les bras du protestantisme évangéliste.
Par exemple, lorsque j’étais au lycée catholique, au cours d’instruction religieuse, un des livres à étudier était Jonathan Livingston le goéland, de Richard Bach. C’était bien typique de ”l’infidélité catéchétique” dominant cette époque dans de nombreuses paroisses et écoles catholiques des États-Unis.
Au lieu de nous ouvrir l’esprit à la grande littérature catholique, on nous donnait ce genre de fatras (extrait du livre de Bach) : « Nous pouvons nous échapper nous-mêmes à l’ignorance, nous pouvons faire de nous-mêmes des créatures d’excellence, d’intelligence, d’habileté. Nous pouvons être libres ! Nous pouvons apprendre à nous voler de nos ailes! »
Quelle dégringolade depuis « Car Tu nous a faits pour Toi, et nos cœurs sont impatients de reposer en Toi », ou bien, plus proche de notre époque: « les ”modernes” qui critiquent l’autorité religieuse sont comparables à ceux qui critiquent la police, n’ayant jamais entendu parler de cambrioleurs. »
Mme Riley est informaticienne. Formée à la science informatique, et professionnelle en ce domaine, elle est apte à s’exprimer doctement sur les questions de la science informatique. Parce que l’informatique, comme bien d’autres domaines de la connaissance, forme un assemblage de connaissances, ainsi que tous les autres sujets d’études.
Au cours du temps, cet assemblage met en place des procédures standard, des méthodes pour assimiler les nouvelles découvertes et les implications dans les connaissances établies, et une hiérarchie de compétences pour asseoir l’autorité des membres de cette profession.
Si, par exemple, moi qui suis incompétent en la matière, je me mêlais de dire à une personne du métier informatique — telle Mme Riley — que je suis intimement persuadé que le système du ”iMac” avec lequel je rédige cet article n’a rien de différent avec la dernière version de ”Microsoft Windows” — car pour moi ils ont ”les mêmes fonctions” — je ne me sentirais pas diminué si elle me corrigeait.
Et si je protestais contre sa mise au point au nom de mon autonomie ou de mon ”droit à la contradiction” elle pourrait bien — gentiment, j’espère — m’expliquer qu’elle a participé à mon développement intellectuel en me révélant une vérité.
Elle pourrait insister, et si je continuais à entretenir des doutes sur les théories de la science informatique, il existait des moyens par lesquels je pourrais exprimer ma contradiction et changer ainsi le fond même de cette discipline. Je pourrais, par exemple, soumettre des articles à mes pairs en vue de leur publication, et prononcer des conférences lors de symposiums. Si les grands pontes de la profession, les ”autorités” en quelque sorte, trouvent mes arguments contestables ou incompatibles avec le niveau de connaissances généralement répandues dans la profession, il me faudra reconsidérer ma contestation, et commencer à me dire que l’erreur est chez moi et non chez les professionnels.
L’Église n’attend de la ”Bande des Cinq d’Arlington” que respect et déférence envers la théologie et ses enseignements, tout comme Mme Riley attend des autres le respect envers l’ensemble de connaissances dont elle est experte.
Tout comme elle, et ses pairs, sont fondés à attendre de ceux qui réfutent la science informatique qu’ils exposent leurs arguments dans le cadre des usages, avec de bonnes bases et selon les règles méthodologiques élaborées au fur et à mesure de l’évolution de la profession, l’Église attend des contestataires qu’ils développent leurs arguments selon les usages, avec de bonnes bases et selon les règles méthodologiques élaborées au fil des temps pour le bien de l’Église.
Alors, quels arguments pour la ”Bande des Cinq d’Arlington” ? Sur quoi appuient-ils leur contestation, et en quoi est-elle compatible avec la transmission de la tradition théologique de l’Église, et quelle est sa contribution ?
Dire simplement — sans la moindre réfutation des normes de l’engagement théologique — que « l’Esprit Saint nous rend responsables de notre propre examen de conscience », comme le déclare Mme Riley, relève d’un point de vue totalement anti-intellectuel et irrationnel.
La ”Bande des Cinq d’Arlington”, comme beaucoup de catholiques et de protestants, a adopté une interprétation contemporaine de la théologie contraire à la foi qu’ils prétendent avoir. C’est une interprétation qui considère les croyances théologiques comme rigoureusement individuelles, privées, soumises à leurs préférences, et non à la Révélation.
Ce qui n’a rien à voir avec la liberté intellectuelle. C’est l’enfermement dans une prison ”egopapiste”.
Francis J. Beckwith
Titre de l’illustration : Achetez-le. Lisez-le. Enseignez-le.