C’est pas beau de désobéir, ou mentir, disent les parents aux enfants. En politique, c’est différent ! Une candidate à l’élection présidentielle, à l’occasion d’un meeting de campagne socialiste à Bully-Les-Mines, le 20 janvier 2011, a tenu des propos violents en prétendant que «jamais, la légitimité du peuple français…. n’avait été autant ignorée, méprisée, abandonnée » ; elle a appelé à « la résistance », et à la désobéissance civique ». On peut s’indigner, à l’image de M. Stéphane Hessel que l’on respecte pour ce qu’il est et ce qu’il a fait, qui tel Don Quichotte veut combattre tout ce qui ne va pas, qu’une femme politique, ancien ministre, présidente de Région, prône le non-respect du résultat des élections, et ne soit pas garante de l’état de droit qui est la base de la démocratie. Le suffrage universel donne la légitimité au président de la République, à la majorité parlementaire qui est élue, et au gouvernement qui est nommé.
Il est donc surprenant d’entendre appeler à de la résistance, qui renvoie aux heures sombres de 1940-45 ; à des menaces sur la Nation et les citoyens ; à des mesures liberticides ; à l’absence de magistrature, bref en un mot, à un régime totalitaire où les libertés sont confisquées. La France pourtant n’est pas un de ces nombreux pays qui sont en révolution depuis le début de l’année. Certes, il est naturel qu’un opposant critique la politique en place, et propose des solutions alternatives. Mais le respect de la loi ; des décisions prises après vote des parlementaires et donc discussion ; recours au conseil constitutionnel, et promulgation du texte, sont le minimum vital à ne pas remettre en cause, par toute personne qui aspire à incarner l’Etat républicain.
Qu’entend-on par désobéissance civique ? voire civile ? La candidate la prône dans les domaines de la santé, l’éducation, les services publics « en organisant des réseaux de solidarité et d’entraide pour tenir jusqu’à 2012 » [sic].
Elle ne dit pas comment faire dans l’hôpital, ou pour les médecins (doivent-ils soigner gratuitement )? pour les professeurs (doivent-ils enseigner d’autre matière, ne pas noter, ne pas faire passer les examens, choisir eux-mêmes leurs sujets) ? et dans les services publics, les fonctionnaires doivent-ils substituer leurs propres opinions aux directives – qui correspondent à l’intérêt général – qu’ils reçoivent. Si tel est le cas, cela signifie qu’il n’y a plus d’état de droit ; que chacun selon ses convictions, ses intérêts, sa vision de la vie et de la société, sans avoir été élu, sans exercer de responsabilité, et donc sans avoir à rendre compte, peut faire ce qu’il veut !
La loi votée n’est alors plus appliquée ; on conteste tout et son contraire…. C’est le chaos organisé.
La désobéissance civique signifie que le citoyen s’auto-attribue le droit, au nom de sa conscience personnelle, ou d’une doctrine collective, de ne pas respecter la loi, qui est l’incarnation du pouvoir, qu’il combat. Il s’agit, par définition, d’un acte non-violent. Messieurs Jové Bové et Gilles Luneau la définissent ainsi : « La désobéissance civique a pour but de convertir l’adversaire, pas de le défaire militairement » [La découverte collection 10/18 – 2004].
La désobéissance civile est le refus de se soumettre à une loi, un règlement, une organisation ou un pouvoir jugé inique par ceux qui le contestent. Le terme fut créé par l’Américain Henry David Thoreau dans son essai « Résistance au gouvernement civil » publié en 1849, à la suite de son refus de payer une taxe destinée à financer la guerre contre le Mexique.
La doctrine n’est pas unanime sur la définition, voire même la reconnaissance de l’existence de la désobéissance civile [cf. John Rawls – Théorie de la justice – Seuil 1987 et Hannah Arendt – « La désobéissance civile du mensonge à la violence – Agora-Pocket].
Les critères de la désobéissance civile sont d’être : une action politique ; juridique ; collective ; organisée ; publique ; non-violente et…. risquée, car il faut accepter de subir les éventuelles foudres de la justice. Elle renvoie au principe du droit pénal des « baillonnettes intelligentes » ; à des lois non-écrites ; à l’état de nécessité ; et à une vision « participative » de la démocratie.
C’est Antigone qui s’opposait à Créon ; c’est le principe supérieur de l’humain, face au principe de responsabilité ou de réalité légale.
Elle rejoint la théorie du tyrannicide de la cité démocratique d’Athènes ; nos généreux révolutionnaires de 1789 l’avait théorisée en en faisant un droit et un devoir pour tout citoyen (Constitution montagnarde de 1793, en ses articles 33, 34, 35, avec le droit à l’insurrection).
Mais 2011, n’est ni 1789, ni l’Athènes de la Grèce Antique.
Notre société a besoin de sécurité en général, et de certitudes juridiques en particulier.
Si chacun, ou un petit groupe de citoyens, en fonction de ses choix, et convictions, peut remettre en cause la loi qui est l’expression de la volonté générale, il n’y a plus de garde-fous, et l’on entre dans une société où il n’y a que des droits individuels, sans devoirs collectifs. Il n’y a donc plus de Nation, plus de cohésion, plus de République, et plus de juges car ils n’ont plus rien à appliquer ou interpréter !
Un ou une candidat(e) à l’élection suprême, devrait être attentif à ne pas déstabiliser les français, par des propos excessifs dans une démocratie comme la France.
La Tunisie et l’Egypte en ce début 2011, voire d’autres Etats si le jeu des dominos fonctionne, démontrent que sans un état de droit, avec des élections libres, des lois librement discutées et votées, et une presse qui n’est pas libre, la porte est ouverte à tout, y compris à une pseudo démocratie échevelée.
Le citoyen n’est pas le roi, même s’il est le souverain en République.
Ne flattons pas sa tendance naturelle à être contre tout ce qui ne lui convient pas à titre personnel.
Soyons responsables, surtout au plus haut niveau, et essayons de gagner une élection par la raison, et non la flatterie toujours démagogique.