De Lampedusa au frérisme - France Catholique
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L'incroyable histoire des chrétiens du Japon
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De Lampedusa au frérisme

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La Grande mosquée de Paris, lors du ramadan.

La Grande mosquée de Paris, lors du ramadan.

© Catherine Leblanc / Godong

Lampedusa submergée par des milliers de jeunes migrants. La question migratoire devenue obsessionnelle en France et en Europe. Nous ne sommes pas près d’oublier ce phénomène, il faut bien le dire, gigantesque, dont on n’a pas tort d’affirmer qu’en dehors de ses aspects humanitaires, il pose des problèmes de civilisation extrêmement épineux. Ne serait-ce qu’en raison de l’implantation massive de l’islam en Europe.

La rencontre de Marseille, réunissant le Pape et des évêques de la Méditerranée, pourra d’autant moins éluder ces questions que, depuis longtemps déjà, les chrétiens de tout le bassin méditerranéen sont affrontés à la coexistence avec les musulmans. Comment ne pas penser à tous les chrétiens du Moyen-Orient en proie à la persécution et dont beaucoup ont déjà dû s’exiler ?

Pourtant, on est bien obligé de constater qu’à propos de l’islam, un véritable clivage existe entre chrétiens. Certains sont persuadés des vertus d’un dialogue interreligieux capable de surmonter tous les obstacles. Ceux-là pourraient être classés dans la ligne d’un Louis Massignon, pour qui le Coran se rattachait à la filiation abrahamique et dont les travaux sur le mystique soufi al Halaj privilégient une conception spirituelle de l’islam.

Mais beaucoup de chrétiens orientaux sont en réaction contre une telle conception des relations interreligieuses, du fait de leur expérience douloureuse. Le regretté Alain Besançon s’est vigoureusement opposé à cette sorte d’œcuménisme élargi : « L’islam est postérieur au christianisme. Il est une réaction ouverte et franche contre sa foi, et conjointement contre le peuple juif dont il conteste l’élection. » Abraham, Jésus et Marie peuvent être cités dans le Coran, mais ce sont de purs homonymes sortis de leur histoire.

Émergence d’un islam militant

Un phénomène nouveau a surgi ces dernières décennies : c’est l’émergence d’un islam militant qui a complètement changé la face du monde, du fait d’un affrontement total avec l’Occident, manifesté de la façon la plus brutale, le 11 septembre 2001, à New York et à Washington.

Certes, il ne revêt pas toujours les mêmes aspects spectaculaires, notamment terroristes. Ainsi « le frérisme » issu de l’internationalisation des Frères musulmans veut étendre son emprise sur les sociétés européennes en les subvertissant de l’intérieur. Florence Bergeaud-Blackler vient de publier une enquête très précise sur le sujet : « Le frérisme veut atteindre et transformer l’univers mental de l’humanité en islamisant la connaissance, en plaçant l’héritage culturel et intellectuel européen sous son contrôle. »

Un tel travail, rigoureusement documenté, s’avère des plus utiles pour comprendre les évolutions de notre propre société. Parler de choc des civilisations n’est pas inadéquat. Et ceux qui pensent que l’intégration d’une population immigrée s’opérera sans mal se font de graves illusions. C’est le cas de Jean-Luc Mélenchon avec son concept de « créolisation », selon lequel une harmonieuse composition des cultures pourrait dépasser les oppositions entre les héritages différents.

On peut lire aussi avec le plus grand profit le dernier essai de Gilles Kepel, Prophète en son pays, qui présente toutes les qualités de compétence pour retracer les différentes étapes du mouvement islamiste depuis le Proche-Orient jusqu’à nos propres banlieues.

Nous ferons toutefois une réserve importante à propos de ces deux ouvrages, c’est leur méconnaissance surprenante du christianisme et de sa spécificité. Florence Bergeaud-Blackler en fait l’aveu, en évoquant « des réminiscences de quelques croyances superstitieuses non dignes de sortir du domaine privé ». C’est pauvre et bien désolant.

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Florence Bergeaud-Blackler, Le frérisme et ses réseaux. L’enquête, Odile Jacob, 416 p., 24,90 €.

Gilles Kepel, Prophète en son pays, Les éditions de l’Observatoire, 296 p., 23 €.